Cher Ilias Panchard,

Par Raphaël Pomey - Publié le 8 juillet 2025

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Vous serez sans doute surpris d’apprendre que vous étiez en concurrence serrée, pour la lettre ouverte de ce mois, avec un UDC. Et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agit de son président Marcel Dettling, qui s’associe au combat des jeunes agrariens schwytzois pour interdire l’écriture inclusive dans les documents officiels.

Le rapport avec vous ? Ce mot, interdire, qui constitue trop souvent une raison d’être chez les politiciens. Et en premier lieu chez vous. Ainsi vous voit-on régulièrement dans une posture de Robespierre climato-éthique à chaussures recyclées, posture qui ne laisse pas de me fasciner : interdiction du tabac dans l’espace public, des campagnes d’évangélisation – je parle ici du travail des Églises, pas du catéchisme que vous nous assénez chez Blick – ou encore du port d’arme chez les policiers… Tout, chez vous, prête le flanc à la guillotine bienveillante.

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Interdire pour notre bien

Mais malgré cela, je vous aime bien. Nous ne nous sommes encore jamais rencontrés en personne, mais je suis certain qu’on doit trouver chez vous une certaine distance amusée, presque un peu cynique, vis-à-vis de la partition que vous jouez. Comme beaucoup de jeunes élus, vous rongez votre frein en attendant le moment où, enfin élu au Conseil national, vous ne serez plus simplement un politicien professionnel, mais un politicien professionnel riche. Alors ajusterez-vous votre discours, porterez-vous davantage de vestons, sans doute, mais en rappelant tous les deux jours que vous restez un enfant du peuple. Ce même peuple dont vous vous éloignez à chaque loi que vous inventez une idée d’interdiction pour son bien.

Permettez toutefois que je m’inquiète de la manière dont vous vous démenez pour occuper le terrain à tout prix. J’ai été particulièrement horrifié, je dois dire, par la manière dont vous avez sauté sur la tragédie de cette jeune fille décédée à scooter à Lausanne, au début du mois de juillet. Sans même attendre deux jours, voilà que vous avez annoncé une interpellation au Conseil communal pour que ce décès, survenu alors que l’adolescente fuyait la police, ne soit pas traité comme un simple accident, et soit pris en charge par le Ministère public.


Je n’ai pas d’avis sur le fond, mais je trouve que c’est un peu rapide.

Vous avez le droit, bien entendu, d’exercer un regard critique sur le travail de la police. Mais dans votre quête effrénée de lumière médiatique, devez-vous réellement sauter sur tous les drames pour que l’on parle de vous ? On en viendrait presque à regretter la stratégie de votre collègue de parti Marius Diserens : plus sobre, ce dernier se contente de porter des sacs Louis Vuitton. Si je me souviens bien, cela lui a d’ailleurs plutôt bien réussi, puisque le parti avait réussi à le placer devant un ancien président vaudois sur la liste de 2023 pour le Conseil national.

Cher Monsieur Panchard, nous ne souhaitons vraisemblablement pas vivre dans le même monde. J’aime en effet voir les volutes d’un Havane monter aux cieux, y compris dans les parcs publics. J’aime que la promotion d’idées qui me sont désagréables reste possible dans l’espace public. J’aime, enfin, qu’un délai pudique soit respecté avant qu’un élu ne s’empare d’un fait divers tragique pour donner un énième coup de boost à son autopromotion.

Vous êtes programmé pour le pouvoir, c’est ainsi, mais moi qui suis parfois un peu anarchiste sur les bords, je m’en inquiète un peu.

Vous n’interdisez pas par malveillance.
Non, vous interdisez par enthousiasme.
Et c’est là que réside mon angoisse.

Chaleureusement,
Raphaël