Markus Ritter : et la RTS inventa le délit de christianisme

« Un croyant tendance traditionnaliste », un catholique proche d’une Église évangélique jugée « problématique » et, en résumé, un allumé complet. Voici le portrait que la RTS vient de dresser de Markus Ritter, candidat centriste à la succession de Viola Amherd au Conseil fédéral.

Il faut dire que le Saint-Gallois accumule les tares : déjà, il est paysan et pas graphiste végan. Ensuite, non content d’avoir une vie de foi intense – quoi qu’elle n’ait jamais gêné personne jusqu’ici – voilà que ce catholique a le mauvais goût d’entretenir de bonnes relations avec la Fondation Schleife, une Église évangélique libre dont les membres vont jusqu’à prier pour lui.

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Vous pensiez que la liberté de croire (ou de ne pas croire) était l’une des grandes richesses de notre société ? Vous êtes bien loin du compte ! C’est un « spécialiste » des mouvements religieux sollicité par la RTS qui nous l’explique. Grâce à un spectaculaire procès par association, ce dénommé Hugo Stamm nous décrit cette communauté qui adhère à des conceptions particulièrement saugrenues, notamment l’existence du diable et la crainte du jugement dernier. « Des croyances très dogmatiques, qui créent des dépendances très problématiques », assène l’expert, qui oublie juste de mentionner que ces idées sont à la base de la foi chrétienne. Dans son réquisitoire, la RTS ajoute que Markus Ritter a l’audace de se confier au saint patron de notre pays, Nicolas de Flüe, au point de vouloir se rendre à son ermitage la veille de l’élection. Gageons que s’il s’était prosterné devant saint Nemo, le traitement journalistique eût été plus charitable.

Cette prudence si suspecte

Devant l’inculture générale en matière de religions, le sujet du service public peut sembler relativement innocent. Mais qui connaît un peu les techniques de manipulation de l’opinion ne peut fermer les yeux devant plusieurs manœuvres grossières : par exemple, le Saint-Gallois affirme une réserve extrêmement prudente, voire normande, face à différents sujets liés à la bioéthique (avortement, mariage pour tous, reconnaissance des non-binaires) vers la fin du sujet. Pour quel résultat ? Le verdict, sous la plume de la RTS, d’une « foi traditionaliste assumée (qui) tranche avec son parti », dans la phrase suivante !

Château de Colombier (Neuchâtel), l’un des volets de l’ensemble « Les Origines de la Confédération » peint par Charles L’Eplattenier. Bientôt l’objet d’une enquête vigoureuse du service public ? (image OPAN/Wikimedia Commons)

Mais allons plus loin : une rapide recherche dans les archives nous montre que plusieurs de nos sept sages ont déjà témoigné de leur rapport plutôt conciliant à la foi chrétienne : Guy Parmelin, dans reformiert.info, Karin Keller-Sutter, chez Kath.ch, Beat Jans, à nouveau chez reformiert.info. Pourquoi Markus Ritter, dès lors, fait-il face à un tel tir de barrage de la RTS ?

Formulons une hypothèse : KKS est une libérale, dont la foi peut être considérée comme un élément décoratif. Parmelin est un UDC, donc de toute manière perdu pour la cause aux yeux du progressisme. Quant à Jans, il a le bon goût de faire part de son malaise avec l’idée d’un Dieu masculin, auquel il ne croit de toute manière pas. S’il a de la sympathie pour l’Évangile, c’est donc uniquement pour ce qu’il a de compatible avec le programme du Parti socialiste.

Nous le disons depuis bientôt trois ans, dans ce journal : le progressisme, lui aussi, peut se radicaliser, au point de traiter comme des anomalies suspectes tous ceux qui ne se vautrent pas devant lui. C’est une ligne politique qui a sa cohérence, et que la Verte Léonore Porchet incarne avec brio lorsqu’elle déplore, au micro servile de la RTS, que le parti de Markus Ritter penche vers le « conservatisme » plutôt que vers « l’humanisme » de la domestication subventionnée et des bloqueurs de puberté.

En somme, nous sommes passés du christianisme religion d’État à l’anticléricalisme religion d’État, avec obligation de cotiser. Amen.