L’invitation ubuesque du Bureau de l’égalité

« Cliquez sous ce message pour vous inscrire à la soirée à laquelle vous n’êtes pas conviés » : en substance, voici le message adressé aux députés mâles vaudois par un service de l’État.   

« Madame la députée, Monsieur le député, le Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes (BEFH), en partenariat avec le Bureau de l’égalité de la Ville de Lausanne, a le plaisir de vous proposer, à trois reprises, une soirée thématique sur la prévoyance professionnelle réservée exclusivement aux femmes. »

Voici le message un brin contradictoire reçu par les membres du Grand Conseil vaudois au milieu du mois dernier : une invitation à une action réservée aux femmes, mais adressée à tous les hommes du législatif… Et le courriel de préciser que les inscriptions pouvaient se faire en cliquant sur une image située sous le message reçu par tous les élus. 

Un extrait du message reçu le Grand Conseil vaudois. Suprenant…

Beaucoup de temps à disposition

« En Suisse, l’écart de rente entre femmes et hommes s’élève à 32,8% en Suisse (OFS, 2021), l’un des plus hauts d’Europe. Cet écart se creuse dans le 2ème pilier et se monte à 46% en défaveur des femmes », rappelle le BEFH. À ce titre, une politique volontariste comporte assurément quelques vertus. Mais pour le député UDC Fabrice Moscheni, la démarche est tout de même très particulière. « Merci pour l’invitation, a-t-il répondu à l’adresse du Bureau de l’égalité. Mais vous écrivez que c’est exclusivement réservé aux femmes. Vu que je suis un homme, ai-je le droit de venir ? » 

La réponse à cette question simple ? 3640 signes (espaces compris) citant pêle-mêle des articles de lois, une convention des Nations Unies de 1979 ou encore des chiffres de l’Office fédéral de la statistique. Pour le moins complètes, ces explications signées Maribel Rodriguez, la cheffe du BEFH, ne répondaient cependant pas directement à la question qui lui était posée. « En résumé, est-ce donc correct de dire que je n’ai pas le droit de venir ? », lui a donc rétorqué le député, un brin agacé. Une nouvelle demande qui lui a permis d’apprendre, enfin, qu’il ne partageait pas « les caractéristiques du public cible de ces soirées ».

Des inégalités dans la poursuite de l’égalité

Quel est le sens d’envoyer tous azimuts une invitation réservée à une catégorie bien précise du public ? « La diffusion large d’information concernant ces évènements a pour but d’atteindre directement le public auquel ils sont destinés, mais également indirectement à travers des personnes susceptibles de pouvoir les diffuser plus largement aux public cible concerné qui ne figurerait pas dans nos listes de diffusion », nous explique Maribel Rodriguez. Elle nous invite en outre à lire un dossier consacré à la question des écarts de prévoyance entre les femmes et les hommes dans un numéro du PME magazine, ainsi que les informations de la Raiffeisen sur cette même question.

L’an dernier, un député avait déjà alerté le Canton à propos de la situation d’un homme victime de cette « discrimination positive ». Merci de vous connecter ou de prendre un abonnement pour découvrir la réponse du Conseil d’État.

En août 2023, le Conseil d’État avait déjà répondu à une interpellation un brin courroucée du député – également UDC – Fabrice Tanner. Son point de départ : la mésaventure d’un homme qui avait réduit son taux de travail depuis quinze ans pour s’occuper de ses enfants, mais qui s’était vu refuser l’accès à une séance d’information… sous prétexte qu’il était un homme. « Tant que la demande et les écarts de rente ne faibliront pas, les mesures temporaires positives seront justifiées et non discriminatoires », avait répondu l’exécutif. 

Mais tout autant que le fond, c’est la forme qui agace Fabrice Moscheni : « En tant que politicien de milice, je n’ai malheureusement pas un temps infini à consacrer à la chose publique. Qu’un bureau de l’État m’envoie des invitations qui précisent en même temps que je n’ai pas le droit d’y aller est assez lunaire. De plus, lorsque, à ma demande de confirmer que je suis interdit de participation, une cheffe de service m’envoie une réponse contenant une multitude de textes officiels sans, finalement, répondre clairement à ma question, m’interpelle. » 

Un agacement qui lui inspire cette pique finale : « Au-delà du sentiment de discrimination, je peux aussi comprendre que certains Vaudois se sentent perdus lors de leurs échanges avec l’administration cantonale vaudoise ».