La civilisation du jardin d’enfants

Il fait froid? Sous prétexte de sobriété énergétique, vos élus vous rappelleront de porter des pulls et de boire du thé. Vous ne voulez pas faire exploser votre facture de gaz? Un prix Nobel vous apprendra la cuisson passive de vos pâtes, avec la douce reconnaissance de la marque Barilla. Et tant qu’à économiser l’eau chaude, pourquoi ne pas aussi prendre vos douches à deux, comme l’a brillamment suggéré la conseillère fédérale socialiste Simonetta Sommaruga, dans le Tages-Anzeiger? Ces exemples, authentiques, illustrent bien le climat mental qui règne actuellement dans des démocraties au sein desquelles le pouvoir politique se déguise de plus en plus souvent en Mamie les bons tuyaux, au lieu de plus modestement créer les conditions-cadres de la liberté de ses administrés.

Dernier exemple en date, la polémique autour de la méthode éducative consistant à envoyer les enfants se calmer, si besoin, dans leur chambre. Au début du mois d’octobre, un échange de mails obtenus par Le Figaro laissait entendre que le procédé, apparemment indolore, risquait fort d’être désormais combattu par la division des droits des enfants au Conseil de l’Europe, après avoir été vantée en 2008. Une instance sans grande légitimité démocratique, dirigée par une inconnue – Regina Jensdottir – et qui entre dans les foyers pour nous guider jusque dans nos pratiques éducatives… Et vous osez encore dire du mal des régimes autoritaires? Une levée de boucliers plus tard, on apprenait cependant que la chose n’était plus si sûre finalement, malgré les cris de joie des associations de défense des enfants, tout heureuses de voir s’effondrer un nouveau vestige de l’ancien monde: le droit d’imprimer une certaine culture familiale chez soi. Reste que le tout-positif en matière d’éducation semble avoir le vent en poupe. Ainsi, un récent papier du magazine Elle présentait des choses aussi bégnines que la privation d’écran pour un enfant malpoli comme une «violence morale».

Déresponsabiliser les parents pour produire des citoyens responsables

Que dit la Suisse du «time-out», la punition consistant à mettre à l’écart des enfants insupportables? Au niveau officiel, pas grand-chose. «La protection de l’enfant relève en premier lieu de la compétence des cantons et des communes», explique Sabrina Gasser, de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). «En tant qu’organe de la Confédération responsable de la politique de l’enfance et de la jeunesse, l’OFAS soutient les acteurs compétents pour la protection de l’enfant en élaborant des rapports de fond et des études, ainsi qu’en encourageant les échanges d’informations et d’expériences.» Et de nous renvoyer aux travaux en cours sous la Coupole fédérale à propos des deux objets visant à interdire la violence éducative défendus par la conseillère nationale du Centre (ex PDC) Christine Bulliard-Marbach.

Il faudra donc se rendre chez les partenaires pour vérifier si, réellement, ce que les gens du commun ont longtemps considéré comme une sanction tout à fait civilisée ne relève pas en réalité de la barbarie la plus infâme. Et l’on découvre, effectivement, que le Conseil de l’Europe ne s’est pas mis à délirer seul dans son coin puisque la méthode, «prêtant à de nombreuses interprétations – plus ou moins fondées sur la bienveillance – est beaucoup controversée», aux dires de Tamara Parham, de la Protection de l’enfance Suisse. Elle, de son côté, prône une posture constructive, soit «un mode d’éducation et une attitude où les parents assument leur rôle d’adultes et leur responsabilité en tant qu’éducateurs.» Son but est de permettre le développement, chez l’enfant, d’une «personnalité autonome et ayant un caractère affirmé.» Une personne, autant le dire tout de suite, qui aura bien du mal à supporter que des gens payés par ses impôts lui expliquent comment cuire ses pâtes.

Et cette méthode du «time-out», finalement? «Si celle-ci consiste à prier l’enfant avec bienveillance de prendre un moment pour lui, pour se calmer ou l’inviter à la réflexion, ou bien si elle nous offre la possibilité en tant que parent de retrouver un peu de sérénité, nous ne la concevons pas comme une mesure violente», note Tamara Parham. Elle estime même qu’elle peut être salvatrice et éviter que des situations tendues ne dégénèrent. Mais tout n’est pas si simple: «La manière dont la requête est formulée nous semble en revanche déterminante et n’est pas à confondre avec une exclusion affective ou une mise au coin, qui sont des formes de violence.»
Prié de porter des pulls bien chauds et de boire du thé l’hiver par ses bons maîtres, le citoyen de demain sera aussi prié… de prier son enfant de le laisser tranquille quand il est insolent. Gageons qu’à ce rythme, il n’y aura bientôt plus que l’éducation qui pourra être dite «positive» dans les rapports sociaux.




«Ielles» mangent comme des cochons

Pas grave puisque nous sommes toujours là pour servir. Alors pour aller vite, il s’agit d’un programme qui, sans doute avec le graphisme le plus moche du monde, met en scène une petite truie qui aime se rouler dans la boue avec l’enthousiasme d’un militant «woke» devant une nouvelle norme à déconstruire. «Déconstruire» les repères sociétaux, la série s’y emploie d’ailleurs avec une belle énergie puisqu’à la suite d’une pétition, le premier couple homoparental y a été introduit dans un épisode de sa septième saison. En l’occurrence, c’est une oursonne polaire qui présente sa famille arc-en-ciel à ses amis. Le tout avec un texte très fort: «Je vis avec ma maman et mon autre maman». Alors, n’étant pas spécialistes du programme, nous n’allons pas nous lancer dans une longue exégèse. Deux remarques, toutefois: tout d’abord, il y a tout de même de quoi être vexée quand on devient, devant les amis de sa descendance, «l’autre maman». Sans doute là une nouvelle discrimination à combattre dans un prochain épisode. Et surtout: on ne voit que des glucides sur la table du repas familial, et point de protéines. Pas idéal pour le développement musculaire de l’enfant, mais voilà ce qui arrive quand – n’en déplaise à la députée française Sandrine Rousseau – on a chassé tous les mâles susceptibles de faire cuire les entrecôtes.

La tiers-mondisation a du bon

Voilà une dame, brillante, polyglotte, musicienne, qui a essentiellement dirigé des fondations avant d’arriver à l’Everest politique que l’on connaît.

Pauvre Simonetta Sommaruga. Pas un jour qui passe sans que de bons gros bourrins de droite jouent aux babouins à propos de son plan pour bien passer l’hiver. Parce que voyez-vous, la socialiste a eu l’audace suprême, dans les colonnes de Blick, d’affirmer qu’elle buvait du thé chaud et portait des pulls… (bravo, vous avez bien anticipé) chauds, l’hiver. Alors que la population doit «faire des sacrifices», ce genre de recommandations passent modérément bien. Et pourtant, il y a de quoi se réjouir: voilà une dame, brillante, polyglotte, musicienne, qui a essentiellement dirigé des fondations avant d’arriver à l’Everest politique que l’on connaît (et où il fait si froid). Quelqu’un de précieux pour la démocratie, donc, mais qui n’a jamais eu pour fonction de produire de la richesse. Gageons qu’après une carrière si admirable, la découverte prochaine du négoce de lapsang souchong et de pulls en poils d’alpagas lui feront quitter les rivages de l’autoritarisme économique cher à son parti.

La neutralité neutralisée

«Toutes ces options sont compatibles avec la neutralité de la Suisse», jure la Conseillère fédérale Viola Amherd

La Suisse doit se rapprocher de ses voisins pour assurer sa sécurité. C’est ce qu’annonce un rapport complémentaire du Conseil fédéral, qui prône l’intensification du partenariat» – en langage clair, la soumission – avec l’Otan. Mais puisque nos bons maîtres aiment les cache-sexes, à part de temps en temps sous un bureau ovale, réjouissons-nous: «Toutes ces options sont compatibles avec la neutralité de la Suisse», jure la Conseillère fédérale Viola Amherd. On n’en doutait pas, et l’émotion nous gagne rien qu’en imaginant nos recrues aller lâcher des bombes en toute neutralité sur les gens que nous sanctionnons déjà économiquement de façon impartiale.

Loup y es-tu?

Naia Okami est une femme transgenre – donc biologiquement un homme – qui s’identifie à un loup de Colombie-Britannique

Honnêtement, nous voulions une photo d’animal pour boucler cette page. En France, il y avait cette histoire de gens qui souhaitent interdire les balades à dos d’ânes pour les enfants, qui nous séduisait. Mais, plus classiquement, nous avons décidé de nous rabattre sur une femme transgenre – donc biologiquement un homme – qui s’identifie à un loup de Colombie-Britannique, et parfois aussi à un renard roux. Une particularité qui la fait appartenir à une nouvelle minorité, celle des thérianes, qui n’attendra pas bien longtemps avant de réclamer de nouveaux droits absurdes. Ce canidé transgenre répondant au doux nom de Naia Okami fait un peu parler de lui ces derniers jours, avec un passage remarqué dans une émission à sa gloire. Nous profitons de sa gloire momentanée pour nous adresser à l’animal afin de l’inviter à éviter les montagnes valaisannes.