Le progrès fait rage

Transgenrisme scolaire, suite

Dans le cadre du dossier de notre précédente édition, nous avons abordé la manière dont des développements tout à fait récents de la doctrine woke étaient enseignés aux petits écoliers vaudois durant les cours d’éducation sexuelle. Un document de la fondation PROFA reçu par les parents pour découvrir le contenu de cet enseignement comportait en effet les symboles des personnes «genderqueer» (d’une identité de genre qui sort du schéma binaire homme/femme) et «bigender» (dont l’identité de genre correspond à deux genres concomitants ou alternants). Une bonne nouvelle du point de vue des familles? Oui, à en croire Christine Muller, qui s’exprime pour le comité central de l’Association vaudoise des parents d’élèves (APE Vaud). L’organisation se dit «tout à fait favorable à l’enseignement de la diversité de genre dans le cadre des cours d’éducation sexuelle à l’école. Elle estime qu’il est important d’en parler et de renseigner correctement les élèves sur la base de connaissances scientifiques notamment, afin de mieux se comprendre les uns les autres, d’éviter des mises à l’écart et des discriminations, etc.» Et de conclure, avec des propos que nous ne saurions qu’appuyer: «Tout jeune a le droit d’étudier dans un climat serein et tolérant et de se sentir en sécurité.» Reste la question d’une éventuelle contradiction entre des cours de biologie (ou de français), qui continuent à médiocrement subdiviser l’espèce humaine entre genres masculin et féminin, d’un côté, et la doxa particulièrement fluide proposée par des intervenants externes. Là encore, pas de quoi s’inquiéter. «En ce qui concerne les cours de sciences ou de biologie, l’APE Vaud ne voit pas non plus de ʻcontradictionʼ à renseigner également les élèves par rapport à la diversité de genre. En effet, il s’agit de différencier le sexe biologique (parties génitales notamment) de l’identité de genre qui est une question de ressenti (comment l’on se sent, vers qui l’on est attiré, etc.) et d’expression (comment l’on s’habille, comment l’on se comporte, etc.).»

Il y cinq ans tout au plus, un monsieur chauve et barbu faisait rire toute la francophonie en s’indignant, sur un plateau télé, d’avoir été pris pour un homme. Son fameux «mais je ne suis pas un homme, monsieur» constitue désormais un pilier de la sagesse des semi-cultivés.

Et pendant ce temps, le Centre poursuit des moulins à gifles

On peut bien introduire un «trouble dans le genre», du nom d’un livre de Judith Butler, chez toute une génération, la droite fribourgeoise n’en perd pas pour autant le sens des priorités. Ainsi, le courageux combat de Christine Bulliard-Marbach (C/FR) contre l’éducation violente, les pressions psychologiques et toutes formes de rabaissement. On récapitule: comme chacun le sait, il sera désormais bienveillant de distribuer des bloqueurs de puberté aux gosses comme autrefois les pommes à la récré. Mais des méthodes éducatives ancestrales, que l’on peut apprécier ou non, deviendront quant à elles hors la loi. Ainsi en ont décidé les Chambres fédérales, qui ne reculent jamais au moment de favoriser l’immixtion de l’État dans la vie d’une population à laquelle elles devraient plutôt songer à garantir un approvisionnement en électricité digne d’un pays développé. «Il faut condamner toute forme de violence contre les enfants mais il n’est pas nécessaire d’édicter de nouvelles règles, cette violence est déjà interdite», a bien plaidé la ministre de la justice Karin Keller-Sutter. Mais que peut un argument rationnel de ministre face au mélange d’arrivisme et de bons sentiments qui caractérise si souvent le centre-droit lorsqu’il décide de s’emparer d’un sujet sociétal pour montrer que, réellement, il s’excuse un peu d’être de droite?

Vers une génération de chanteurs d’opéra?

Il n’y a pas qu’au Centre que l’émasculation sévit. 24 heures nous indique ainsi que le CHUV a déjà reçu, et refusé, une demande de nullification génitale telle que proposée par des cliniques américaines. Le principe consiste à créer une «zone lisse et continue de l’abdomen à l’aine» afin de permettre aux personnes non binaires, notamment, d’extérioriser leur ressenti intérieur. Et le quotidien vaudois de formuler une réflexion véritablement excellente: «On peut se demander pourquoi il n’est pas simplement interdit d’émasculer une personne.»
Vieux dilemme de philosophie politique: doit-on protéger les individus contre eux-mêmes? Au Peuple, nous considérons que non, à condition que les dérives particulières ne se fassent pas avec l’argent du contribuable. La possibilité d’objectiver le statut de «non-binaire» peut même passer pour une excellente nouvelle, tant il paraît bon que la société ne doive pas constamment s’ajuster à des perceptions qui n’existent que dans la tête des gens. Et l’on a dès lors plaisir à conclure cet observatoire du progrès avec une citation du rappeur Seth Gueko, qui nous permettra de prendre le pouls de la poésie urbaine en ce début de millénaire: «Faut quand même avoir des couilles pour se les couper alors respecte les travs.»




Il n’y avait pas plus bel hommage qu’un changement de sexe

Posons rapidement le décor: Elon Musk est un Crésus des temps modernes, souhaite «augmenter» l’humanité, veut l’envoyer coloniser l’espace, entre autres projets colossaux… Bref, un visionnaire, comme on dit en vocabulaire entrepreneurial.

Malheureusement, notre terrifiant bienfaiteur fait les grands titres pour une raison plus délicate: l’un de ses enfants, «assigné garçonà la naissance» comme l’on dit en novlangue, a décidé de devenir une dame. Mais ladite dame veut aller plus loin. Elle a ainsi déclaré à la justice – et cela fait grand plaisir aux adversaires du milliardaire – qu’elle souhaitait couper les ponts avec son père «sous quelque forme que ce soit». Il n’en fallait pas davantage pour qu’une sinistre bande de réacs se mette à baver sur cette génération «woke» incapable de montrer la moindre reconnaissance à ses aînés. Une génération, on l’aura compris, dont la jeune transsexuelle serait l’exemple chimiquement pur. Et ce d’autant plus qu’elle a eu la chance de grandir à l’abri du besoin, comme c’est généralement le cas quand papa pèse 188 milliards.

Et si Vivian Jenna Wilson rendait en réalité hommage à son père? C’est ce que l’on peut se demander en lisant Leurre et malheur du transhumanisme d’Olivier Rey. Philosophe sensible à la question des limites, il y présente les transsexuels comme «les troupes de choc» d’un transhumanisme sur lequel ne crache pas Elon Musk. De même, en reniant jusqu’à l’existence de son propre père, Vivian ne fait-elle pas allégeance au rêve d’une humanité «auto-construite» que l’auteur dénonçait en 2006 dans Une folle solitude? Un fantasme, rappelons-le, qui se déploie dans le «désert symbolique» d’une époque qui s’emploie à détruire le passé avec beaucoup d’abnégation.

Sans entrer dans le people, formulons l’hypothèse qu’une secrète solidarité unit peut-être la vision entrepreneuriale du père et la rébellion de sa progéniture. Et que le libéralisme radical d’Elon Musk a peut-être vu sa première créature se retourner contre lui.