Bâtir

Il nous faut le répéter inlassablement: cet écueil ne sera jamais le nôtre. Avec ceux qui sont prêts à dialoguer parmi nos contradicteurs, nous dialoguerons toujours; sans édulcorer nos convictions mais sans non plus violer les règles de notre profession et de notre humanité. Nous recherchons, dans un certain art de l’opposition argumentée, des vertus spontanées qu’une civilisation bâtie tout entière pour la pensée unique peine désormais à tolérer.

Avant toute chose, il nous faut désormais bâtir. Dans cette édition, nous vous emmenons dans le Vaucluse du côté d’une jeune abbaye bénédictine restée fidèle à la messe traditionnelle. Assaillie par un mistral qui ne faiblit jamais, une communauté de moines, dont bon nombre ont à peine atteint l’âge adulte, s’y réveille chaque matin à 3h20 face au Mont Ventoux pour débuter la longue suite des offices. Dans l’omniprésence du latin et du chant grégorien, ces êtres tonsurés tout droit sortis du Moyen-Âge embellissent le monde de leurs oraisons et y répètent des gestes de courtoisie datant parfois de l’Empire romain.

Si nous vous en parlons, ce n’est pas parce que nous profitons des Fêtes, comme on dit dans le langage de l’entreprise, pour vous asséner un petit coup de catéchisme en douce. Notre projet est politique et tient farouchement à maintenir une unité, certes fragile, mais une unité tout de même, parmi ceux qui refusent qu’un État cancérigène et métastasique leur dicte leur conduite, leurs valeurs et la manière d’éduquer leurs enfants. Certains trouvent cette liberté dans la foi ou dans un héritage philosophique davantage marqué par les idées libérales. Peu importe.

L’exemple de l’abbaye du Barroux, fondée il y a quelques décennies à peine, est là pour donner un exemple qui dépasse les convictions religieuses. Avec son refus obstiné des valeurs modernes, sa règle millénaire totalement étrangère à l’univers du wellness, cette communauté nous montre qu’il est encore possible d’élever le monde, pour peu que l’on commence par élever le niveau des âmes. La phrase est belle mais elle n’est pas de nous. Elle se trouve dans un petit livre placé en cellule et justifie à elle seule que l’on ait pris part quelques jours à la vie des moines, avec son exigence de tenue et ses moments de grâce.

Il nous reste à bâtir.

Joyeux Noël.




Sacrifié, l’esprit de Noël

L’annonce a été faite coup sur coup au début du mois de septembre: Coop puis Migros ont déclaré que, mesure d’économie oblige, aucune décoration lumineuse de Noël ne serait employée pour égayer les devantures des échoppes durant les fêtes cette année. Coop justifie cette décision en invoquant une possible pénurie. «Nous mettons en œuvre les premières mesures volontaires d’économie d’énergie en vue d’une éventuelle pénurie d’électricité. Le maintien de notre mission d’approvisionnement est pour nous une priorité absolue», clarifie Caspar Frey, porte-parole du grand distributeur. Il précise que la mesure n’a absolument rien à voir avec une attaque contre l’identité suisse ou la tradition chrétienne: «En tant qu’entreprise, Coop est neutre sur le plan confessionnel. Ces mesures sont liées à l’appel de la Confédération à économiser l’électricité.»

Ours polaires et bonshommes de neige

Patrick Simonin, élu PLR au Grand conseil vaudois estime que les deux enseignes montrent ainsi l’exemple: «Même si l’on peut être déçu du manque d’anticipation de l’administration fédérale au sujet de la pénurie d’énergie et du peu de clarté de ces informations, les annonces des géants de la distribution peuvent être un signal pour le grand public, que tout le monde va devoir s’y mettre, à économiser de l’énergie pour cet hiver.»

Militant chrétien en faveur de la décroissance et président de l’association qui édite la revue Itinéraires, Jean-Daniel Rousseil ne se sent pas heurté par l’abandon des illuminations dites de Noël. Bien au contraire puisqu’il les considère à cent lieues de l’esprit de Noël: «En tant que chrétien, les décorations que j’ai pu voir ces dernières années ont plutôt eu tendance à me fâcher. Tous ces ours blancs et ces bonshommes de neige sont déplacés. Et je ne parle pas de ces étoiles qui pullulent. C’est à l’opposé de la signification de Noël où une seule étoile souligne justement l’obscurité dans laquelle Jésus descend.»

«En tant que chrétien, les décorations que j’ai pu voir ces dernières années ont plutôt eu tendance à me fâcher. Tous ces ours blanc et ces bonshommes de neige sont déplacés.»

Jean-Daniel Rousseil, président de l’association qui édite la revue Itinéraires

Belle unanimité entre les deux hommes, donc. Mais c’est sur le thème du «green-washing» que les avis divergent. Patrick Simonin n’y décèle aucun signe de la part des enseignes: «C’est le moyen pour elles de montrer leur contribution première en la matière. Mais il faudra également qu’elles aient la même pertinence pour passablement de produits importés dont l’étiquette bio ou la durabilité n’est pas comparable aux produits suisses.» A l’inverse, Jean-Daniel Rousseil voit bel et bien, dans l’abandon des décorations de Noël, une volonté de laver plus vert que vert; selon lui, cela ne date pas d’hier: «Ces magasins font tous les «washings» imaginables. La Migros n’a jamais rien épargné pour attirer certaines catégories de clientèle. Par mercantilisme, ces commerçants utilisent tout ce qui est tendance pour accroître leurs ventes. Cela relève d’un opportunisme invétéré.» Questionnée sur l’abandon de décorations énergivores accessoires à l’occasion d’autres événements, qu’ils soient sportifs (Jeux Olympiques, Coupe du Monde) ou sociétaux (Journée internationale des femmes, Pride), la Coop explique qu’elle s’adaptera en fonction des ressources: «Nous suivons de très près la situation dans le domaine énergétique et nous prendrons les décisions qui s’imposent. Actuellement, il convient d’attendre l’évolution de la situation pendant les mois d’hiver.»

Coop a également prévu de baisser la température à 19 degrés dans ses différents locaux. Selon la cellule communication de la marque, les salariés n’ont pas été consultés avant cette décision: «En ce qui concerne les conditions de travail, nous nous conformons aux dispositions légales. Jusqu’à présent, les réactions du personnel ont été positives.»

Si la situation venait à se dégrader, les employés pourront toujours suivre les conseils d’une élue fédérale: enfiler un gros pull et boire du thé chaud.