Quand Les bobos crachent sur le flic

Malheureusement, ce qui fonctionne pour les réfugiés syriens ne semble pas s’appliquer aux agents de police, joyeusement insultés lors de la dernière édition du Festival de la Cité, à Lausanne. «La scène n’a duré que quelques secondes, sur un super concert d’une heure», nous disent les amateurs du groupe «Crème Solaire», qui se produisait devant la cathédrale. Certes, reste qu’en faisant crier «Tout le monde déteste la police» à son public, ce duo «glitch hop électro punk» fribourgeois s’est permis de stigmatiser toute une population, par ailleurs présente sur les lieux et impliquée dans la bonne organisation de l’événement.

Imaginerait-on un artiste, dans un festival grand public lausannois, qui se permettrait de chanter sa détestation des cyclistes, des brasseurs artisanaux ou des membres du parti socialiste? Certainement pas, et c’est heureux. Alors pourquoi se permettre de telles outrances envers des personnes exerçant un métier plus difficile que ceux de bobos en mesure d’aller boire des bières à dix francs toute la nuit?

Oui, nous n’y allons pas avec le dos de la cuillère. Et pourtant nous ne forçons pas le trait. Disons-le, la Ville de Lausanne n’accomplit pas son travail d’employeur en faisant comme si elle n’avait pas vu ses agents se faire insulter dans un festival qu’elle soutient chaque année. Ce manque de courage politique illustre bien, derrière les grands discours, l’estime que certaines élites portent réellement aux gens du peuple que sont la plupart des policiers.

«Et la liberté des artistes?», disent certains. Ils ont raison. Peut-être n’y aurait-il rien à dire à propos de discours encore bien plus violents, mais tenus dans un cadre privé. Dans un cadre public, et en début de soirée, nous affirmons cependant qu’il y a des frontières morales à ne pas dépasser. Il est fort bon d’être inclusif avec toute une panoplie de minorités réelles ou fantasmées, comme le fait le Festival de la Cité. Mais il faut être cohérent et ne pas en laisser d’autres servir de boucs émissaires à une rage puérile et sans objet.




Après le refrain anti-police, l’indignation d’un élu PLR

«Tout le monde déteste la police!», en chœur et en rythme, comme l’affirmation joyeuse d’un credo indiscutable. Ainsi s’est terminé, le 6 juillet dernier, le concert d’un duo électro punk, «Crème Solaire», organisé devant la cathédrale de Lausanne. Un moment délire et sans doute très fun, qui avait cependant la particularité d’avoir lieu dans le cadre d’un festival subventionné, et encore en début de soirée. Habitant du quartier et habitué du festival, le président de la Ligue vaudoise et avocat Félicien Monnier se trouvait sur les lieux. Choqué par l’appel à la haine, il postait dans la foulée une vidéo de l’événement sur Twitter, avec une demande d’explication adressée à la Ville de Lausanne. Une demande restée sans réponse. Au cœur de son indignation, le fait que de tels propos aient été proférés dans un cadre subventionné, donc avec le soutien financier des employeurs des personnes invectivées.

Après les cris, le silence gêné

Depuis? Silence radio général, toujours. Enfin non, tout juste a-t-on appris, de la part de la Police municipale de Lausanne, qu’il n’était pas tout à fait juste d’affirmer que «tout le monde déteste» les agents. Un récent sondage auprès de la population suisse plaçait en effet la police en première position des institutions en lesquelles elle a confiance. Et sinon? Sinon l’attaque tombait un peu mal, tant la période était chargée pour des agents largement mobilisés par le Tour de France. Quant au festival, son programmateur Gilles Valet n’en faisait pas tout un plat non plus, surtout satisfait d’avoir vécu un «concert de feu».

“Si un artiste avait dit ʻOn déteste tous les employés de la Fondation pour l’Animation socioculturelle Lausannoiseʼ, quelque chose me dit qu’il y aurait eu une réaction.”

Xavier de Haller, député PLR au Grand conseil vaudois

Cette passivité générale fait fulminer le nouveau député PLR Xavier de Haller. En partance du Conseil communal, il ne se voit pas intervenir sur un sujet qui sera condamné à être traité en son absence. «Il n’y aura donc probablement pas de réaction politique, en tout cas pas du PLR (ndlr auquel appartient Pierre-Antoine Hildbrand, municipal à la tête de la sécurité), et je le regrette.» Ce qui ne l’empêche pas de dénoncer un problème moral évident : «A mon sens, si les artistes doivent bénéficier d’une certaine latitude, il n’en demeure pas moins qu’il y a un cadre que les autorités qui soutiennent financièrement ce genre de manifestations doivent faire respecter.» Autre problème soulevé par l’homme de loi, fréquent défenseur de policiers, les devoirs de l’employeur: «On met en cause, en chantant ce genre de paroles, le travail de collaborateurs et collaboratrices de la collectivité. Or c’est aussi le rôle de cette collectivité de protéger l’intégrité morale et psychique de ses employés. Si un artiste avait dit ʻOn déteste tous les employés de la Fondation pour l’Animation socioculturelle Lausannoiseʼ, quelque chose me dit qu’il y aurait eu une réaction. Alors je pose la question: est-ce que la Ville protège véritablement la personnalité de tous ses collaborateurs?»

Policiers dégoutés

Entrés en contact avec Le Peuple depuis les faits, plusieurs agents lausannois confirment l’existence d’un malaise. La mollesse des réactions illustrerait à leurs yeux la faiblesse de l’AFPL, l’association professionnelle des policiers, sorte de syndicat que d’aucuns comparent surtout à une simple «amicale» en lien étroit avec le commandant Botteron. «Le politique tient la police et la musèle», conclut un agent dégouté. Un autre, qui dénonce la frilosité et l’isolement du municipal en charge de la sécurité, seul homme de droite au sein de la Muni de la capitale olympique, demande la mise en place d’une charte avec le Festival de la Cité pour que de tels événements ne surviennent plus à l’avenir.