Satire à vue

Qu’on se le dise: même pour les sujets sérieux, un peu de fantaisie s’impose et c’est tout naturellement qu’un repas avec les représentants d’un média de droite radicale devait se dérouler, selon notre suggestion, dans un restaurant libanais lausannois. Cuisine levantine au programme, donc, mais préparée par un chef chrétien, à en croire la grosse croix tatouée sur son avant-bras. Chrétienne, notre table l’est d’ailleurs aussi, mais à des degrés divers. «On ne cherche à représenter aucune communauté religieuse en particulier», explique «Illya», l’un des contributeurs principaux du site. Et ce même si le premier événement public organisé par le média accueillait un prêtre traditionnaliste français, l’abbé Raffray, bien connu des jeunes droitards, comme cette génération se nomme elle-même sur les réseaux sociaux. De fait, les deux rédacteurs identifient la défense d’un «ordre supérieur» et d’une certaine «anthropologie européenne» comme le cœur doctrinal de leur projet. Mais la discussion sur les définitions, à l’évidence, n’est pas celle qui les passionne le plus: «Aujourd’hui, quand tu affirmes aimer ton pays, on te dit déjà que tu es nazi, donc autant assumer toutes les étiquettes», tranche «Le Médisant».

S’il y a une étiquette qui ne sera jamais associée à La Hallebarde, cependant, c’est celle de tiède. «Illya» est d’ailleurs celui par qui le scandale est arrivé. L’un de ses textes, au ton particulièrement polémique, a poussé deux associations LGBT, Pink Cross et Los, à dénoncer l’œuvre de nos convives à la justice. «On s’autocensure souvent, mais celui-là est passé entre les gouttes», sourit-il. Il se défend, de même que son confrère, de prendre les homosexuels pour cibles en tant que tels. Ce seraient certaines outrances, comme la volonté – d’ailleurs aussi dénoncée par Le Peuple – de rééduquer la jeunesse, qui les auraient conduits à employer des mots très durs. Sans forcément vouloir blesser. Les deux amis expliquent que leur média, avec sa verve caractéristique, sert surtout de soupape à ceux qui, toute l’année, se farcissent de la «déconstruction» sociétale de masse. Des combats souvent marginaux, en termes de représentativité au sein de la population, mais qui occupent de plus en plus l’espace médiatique.

Le repas terminé, nous nous orientons vers le palais de justice de Montbenon. Tandis que des individus manifestement issus de la diversité tentent de forcer le cadenas d’une valise à quelques mètres, notre mini-séance photo débute. «Le Médisant» porte un maillot de foot de l’équipe tunisienne. Pourquoi, finalement, tenir absolument à leur anonymat? Les opinions qu’ils professent n’auraient-elles pas plus de poids si elles étaient exprimées en respectant des codes journalistiques habituels? La chose, expliquent nos interlocuteurs, n’est pas un but en soi mais leur site n’est pas ce qui les fait manger puisqu’il ne tourne qu’avec des dons. Ils souhaitent donc s’éviter d’interminables discussions à leurs postes de travail respectifs à propos de leurs écrits. «Ce qui me gêne, c’est qu’on ne va pas plus loin que les gens normaux dans les années 80», grondent les deux jeunes gens, par ailleurs charmants de bout en bout. Presque gêné, «Le Médisant» nous demande alors de signer une convention d’interview, très pro, qui délimite les droits des deux parties. Et que se passera-t-il si la justice, mise en mouvement par des adversaires idéologiques, remonte jusqu’à leur identité véritable? «On n’ira pas se cacher au Kosovo», rigole «Le Médisant». Qui complète: «Je suis assez confiant quant à cette procédure, pour autant qu’il y en ait une. Nous n’avons toujours rien reçu et j’ai le sentiment qu’en Suisse, la liberté de parole, et donc de satire, reste bien défendue.»

Cette liberté, ils n’y renonceront de toute façon pas en adoptant un style plus policé. Jeunes, biberonnés à l’humour de droite, ils puisent leur force de frappe dans la connaissance des nouveaux codes de communication bien davantage que dans la construction d’un corpus doctrinal ultra-ambitieux, comme certains de leurs prédécesseurs idéologiques. Se plonger dans la création d’une œuvre classique serait d’ailleurs un truc de boomers. Une communauté qui déguste dans toutes leurs tribunes, mais qui n’a aucune association, ni aucune loi, pour demander à la justice de restreindre la liberté d’expression d’autrui.

Quand 24 heures relaie la plainte des associations lgbt




“Le Peuple” s’initie à la lecture arc-en-ciel

Les Drag Queen Story Hours (DQSH) sont des manifestations pour enfants où une drag-queen* raconte à de jeunes enfants des histoires de genre tirées de livres de contes. Le phénomène, déjà connu aux États-Unis, commence à émerger en Suisse avec de premières séances à Zurich, à Vevey, à Delémont et désormais à la médiathèque de Martigny pour les enfants dès 6 ans.
Mon attention ayant été attirée sur ce phénomène par l’Association Initiative de protection, qui lutte contre les projets de sexualisation précoce des enfants, je me suis rendue à Martigny mercredi 28 septembre pour écouter les histoires de Tralala Lita. Je note en entrant dans la bibliothèque que rien n’indique sur l’affiche qu’il s’agira d’un travesti et qu’il faut aller sur le site de la médiathèque pour l’apprendre: «Durant environ une heure, Tralala Lita lit un ou plusieurs albums classiques pour la jeunesse. Ces albums, minutieusement sélectionnés, parlent de personnages différents et fiers de l’être! Le but de ce spectacle est de promouvoir, de manière inclusive, ludique et festive, la littérature auprès des plus jeunes en abordant des sujets liés à la diversité, l’estime de soi et la tolérance. La drag queen Tralala Lita est interprétée par Vincent David, comédien professionnel qui possède une longue expérience dans la lecture à voix haute et la promotion de la lecture. Venez vivre un moment arc-en-ciel (sic) avec Tralala Lita! Pour toute la famille, dès 6 ans».

Un animateur qui connaît son affaire

Lorsque j’entre dans la bibliothèque, une quinzaine d’enfants et quelques parents sont là. Tralala Lita est drôle, exubérante et sait parler aux enfants. Les ouvrages sélectionnés sont disposés sur une table basse et après une amusante mise en scène d’interview, un enfant est invité à tourner la roue qui définira le premier livre. L’histoire d’une petite fille qui ne voulait pas se déguiser en princesse comme toutes les autres. Puis l’histoire d’un petit garçon qui voulait devenir une marmotte. Le ton est léger, teinté d’humour, les enfants sont captivés. J’écoute, je prends quelques photos et je réfléchis. Pourquoi? Pourquoi des personnages du monde de la nuit, hommes déguisés en femmes, généralement mis en scène dans des cabarets ou des boîtes de nuit, viennent-ils faire la lecture à nos enfants? Car il ne s’agit pas d’une banale princesse venue raconter des contes aux enfants: le but est de promouvoir la diversité de manière inclusive, dans un moment arc-en-ciel. J’y pressens une nouvelle tentative de célébrer des comportements sexuels ou modes de vie spécifiques qui n’ont tout simplement pas leur place dans un monde d’enfant. Je rejoins ainsi l’avis de la pédagogue allemande Karla Etschenberg, connue pour son engagement pour une éducation sexuelle sans idéologie, qui voit dans ces DQSH une volonté d’«entraîner les enfants – sans motivation propre – dans le monde de la sexualité adulte, donc de nouveau d’une méthode pour sexualiser les enfants». Car un enfant, ça pose des questions. Ça passe même son temps à poser des questions. A chercher à connaître, à savoir, à comprendre. Comment réagiront ces parents lorsque ces enfants chercheront à approfondir le sujet des drag queens et se retrouveront alors confrontés au monde dans lequel elles évoluent?

*Personne, généralement de sexe masculin, qui se présente sous une forme féminine nourrie d’archétypes. Le milieu est fréquemment lié à l’homosexualité masculine.

Commentaire

Lorsque nous étions enfants, les églises que nous fréquentions aimaient nous présenter les profils les plus spectaculaires possibles d’anciens rebelles, toxicomanes, satanistes, etc. Il fallait que le personnage marque les esprits pour démontrer que Dieu, réellement, était tout-puissant, même si quelques minutes plus tard les personnes que nous venions de découvrir retrouvaient la vie qu’elles n’avaient jamais quittée. Parfois sans mal, parfois dans la souffrance supplémentaire de devoir renoncer si vite à l’idéal trop élevé qu’elles venaient de présenter à des enfants.
Aujourd’hui, les néo-convertis de nos enfances ont été remplacés par des drag queens, parfois charmantes au demeurant. Le métier de certaines d’entre elles consiste à vendre les mérites de la lecture inclusive dans des bibliothèques, sous le regard ébahi de parents. Ces personnes sont encore plus spectaculaires que les convertis de l’extrême de nos jeunes années, mais le procédé est le même: frapper les esprits d’abord, et tenter de convaincre par la suite avec un discours plus ou moins articulé, en tout cas assez convaincant dans le cas présent. Cette similitude des procédés exprime une chose: à l’effondrement en cours du christianisme institutionnel répond l’émergence d’une autre religion, qui vise à recréer un paradis inclusif et dégenré sur terre. RP




C’est pas “Bros” à voir

Pas pour faire plaisir à une moitié plus ou moins douce, mais pour prouver que vous n’êtes pas homophobes. C’est ce qu’il faut retenir des déclarations de Billy Eichner, scénariste et acteur de la comédie romantique au casting 100% LGBT Bros (22 millions de budget), évidemment encensée par la critique mais qui fait un flop réjouissant au box-office. «Malheureusement, c’est le monde dans lequel nous vivons. Même avec d’élogieuses critiques (…), le public hétérosexuel, surtout dans certaines parties du pays, n’est simplement pas venu voir Bros», pleurniche l’artiste. Visiblement peu disposé à remettre en question la logique marketing d’un produit communautariste destiné au grand public, notre homme préfère jouer la carte du chantage moral: «Tous ceux qui ne sont pas des cinglés homophobes devraient aller voir Bros». Et l’on imagine toutes les daubes mettant en scène Hugh Grant ou Richard Gere qu’il nous faudra bientôt nous farcir pour montrer qu’on n’a rien non plus contre les hétéros. RP

Ta mère la nageuse!

Le monde est quand même bien fait. Tandis que le canton asphyxie certains pour qu’il construisent des toilettes non mixtes dans leur cabane à la montagne (voir page 2), d’autres «dégenrent» à grands frais à Lausanne. 24 heures nous apprend ainsi que le Conseil communal de Boboland a voté un crédit de 3,1 millions de francs pour rénover et rendre «universels» les sanitaires, les vestiaires et les douches de la piscine de Mon-Repos. Des frais importants, certes, mais qu’une ville en situation financière aussi remarquable que la Capitale olympique peut se permettre. Surtout, gageons que ces travaux permettront de créer ce fameux lien social auquel tiennent tant les zélites lausannoises, à l’image de nos chères têtes blondes qui auront tout loisir de comparer les qualités anatomiques de leurs génitrices à la récré. RP

La cause de la quinzaine

Un nouveau (?) révolutionnaire de chez Blick a tenté la provocation dans son article sur l’«afro-véganisme». Toute première phrase: «En plus de filer de l’urticaire aux vieux réacs, qui découvrent ce mot-valise, ce mouvement culinaire va bien au-delà du régime alimentaire…». Effectivement le «vieux réac» que je suis ressens de l’urticaire. Non pas parce que son papier traite d’un mouvement particulier, mais bien parce que l’auteur admet lui-même qu’il utilise un mot-valise. Ou plutôt un mot fourre-tout. Le mot fourre-tout est certainement le mal le plus pernicieux de notre société. Il ne sert à rien, ne veut rien dire, mais véhicule toujours une nouvelle idéologie, une nouvelle mode sociétale. Le mot fourre-tout qui m’irrite le plus, qui me rend même franchement colère? Sobriété. Parions que le nouveau Che Guevara de Blick se fendra tantôt d’un article vantant les bienfaits d’une sobriété (une pauvreté généralisée, en vérité) digne de Fidel Castro devant un magasin de cigares. FL

Il n’y a pas que les savants qui sont fous

Grosse poussée du progrès à Genève où le rectorat de l’université a décidé de changer le nom du bâtiment Uni Carl Vogt, inauguré en 2015. Recommandée par un «groupe de réflexion pluridisciplinaire», cette mesure s’inscrit dans la très nécessaire lutte contre «les thèses détestables sur la hiérarchie des races et l’infériorité du sexe féminin» défendues en son temps (le XIXe siècle) par le naturaliste, dont un buste «fera aussi l’objet d’une réflexion» en concertation avec une ville dont on connaît le goût du marteau piqueur. Alors bien sûr, les esprits grincheux dénoncent les ravages du wokisme, mais c’est parce qu’ils ignorent la poésie future de nos cités. Traverser le boulevard Thomas Wiesel pour rejoindre l’Université Léonore Porchet en dégustant son sandwich vegan sous le monument Massimo Lorenzi, ne nous dites pas que vous n’en rêvez pas? RP