Et à la fin on ne gagne même pas de médaille

Enfin peut-être pas encore l’univers tout entier mais en tout cas la sacro-sainte «sobriété énergétique» avec laquelle nous devrions fêter Noël cette année. Sa solution: faire contribuer les visiteurs et les visiteuses (on s’en voudrait de ne pas le préciser comme sur la RTS) de la place des Halles et du Jardin anglais à l’éclairage des animations lumineuses en les faisant pédaler sur une série de deux-roues installés sur les deux sites, dès le 7 décembre. «C’est une façon astucieuse et sportive d’allumer la magie de Noël et de créer de l’énergie positive pour fêter tous ensemble ce passage de l’année si propice aux retrouvailles», tente la conseillère communale chargée de l’économie et du tourisme, Violaine Blétry-de Montmollin, dans une novlangue qui sent davantage l’infantilisation que le vin chaud.
«Créativité» et «innovation», donc, seront de mise pour chasser les inquiétudes de cette fin d’année. Oubliés, les gamins qui ont pris froid à cause du chauffage coupé! Oublié, tonton qui a perdu son boulot pour avoir appelé «monsieur» ou «madame» un délégué LGBT non binaire. Et, même si nous devenons un pays du tiers-monde comme les autres, oubliée enfin la mauvaise humeur de boomer nostalgique de décennies dorées. Car la voilà la belle nouvelle: nous pouvons désormais nous gargariser de faire vivre avec nos impôts des gens qui savent rendre notre effondrement ludique! Peu importe, dès lors, que cette classe politique soit par ailleurs incapable de trouver des solutions concrètes aux problèmes de la population, comme le coût des énergies… Alors qu’on nous pardonne d’avoir l’audace de demander à nos zélites de décerner une médaille à ceux qui, par la force de leurs mollets, auront émerveillé les enfants avec des décorations scintillantes, et certainement garanties sans références chrétiennes. Sûr qu’avec un tel degré de mépris des contribuables, il y a bien à Neuchâtel, Genève ou Fribourg (qui vont aussi s’y mettre) quelque Soviet suprême susceptible d’honorer un ou deux décérébrés modèles.

On fera comme si on n’avait rien entendu

Utiliser une citation d’Éric Zemmour défendant la préférence nationale pour en faire un apologète du racisme bête et méchant, c’est l’élégante passade dont notre radio d’Etat s’est récemment fait l’autrice dans son émission Tout un monde. Alors on ne va pas se mentir, dans un premier temps, le journaliste concerné a «catégoriquement refusé» les accusations du parti du «Z» qui, avec un soupçon de mauvaise foi, se demandait si par hasard la RTS ne serait pas plus à gauche qu’à droite. Un refus catégorique qui n’a cependant pas empêché l’émission de mentionner qu’une petite erreur avait été commise à l’antenne, histoire de faire la paix avec la formation «Reconquête!». On est bien, on est copains, et maintenant que ce moment désagréable est derrière nous, on se réjouit de rallumer la radio de la voiture pour découvrir à quel point la masculinité est toxique, la droite méchante et Léonore Porchet admirable, mais sans erreur de montage aucune cette fois.




Guérilla cautionnée

Rebelles mais pas trop. Il y a une dizaine de jours, un groupe de militants écologistes a arraché du bitume pour le remplacer par des fleurs et des légumes dans le quartier des Pâquis à Genève. Largement médiatisée, la manœuvre questionne l’impunité dont jouissent les activistes climatiques.

L’affaire dévoile des passe-droits administrativo-politiciens invraisemblables. Nous avons ainsi pu lire dans 20 Minutes que la police aurait mis 2h30 pour agir et prendre les identités des activistes. Pourquoi un tel délai ? Contactée par Le Peuple, la maire de Genève, Marie Barbey-Chappuis, n’a jamais donné de réponse. Autre point qui vaut son pesant d’or, la Ville avait d’abord décidé de porter plainte contre les activistes. Jusqu’à ce que la RTS révèle que Frédérique Perler, conseillère administrative (membre de l’exécutif) écologiste genevoise, était au courant de l’action qui serait menée par les militants issus de deux groupes, Survap (association des habitants des Pâquis) et actif-trafiC (promotion de la mobilité douce). La magistrate aurait même donné des consignes afin que l’on détruise correctement le bitume à coup de marteau-piqueur et évite que des canalisations de gaz n’explosent. Une manœuvre qui pousse Philippe Nantermod, vice-président du PLR, à ironiser sur Twitter: «À Genève, les autorités politiques (vertes) prodiguent des conseils et fournissent des ingénieurs à ceux qui veulent casser la chaussée. Voilà des impôts bien dépensés.»

A la suite de ces révélations, Le Peuple a voulu obtenir certains éclairages auprès de Frédérique Perler, dont ceux-ci:
Quelles sont les bases légales qui vous ont permis d’accepter l’arrachage du bitume? A-t-on affaire ici à une forme de copinage entre actif-trafiC et vos services? N’est-ce pas un déni de démocratie que d’accorder des passe-droits à des citoyens? Auriez-vous accepté une action similaire, mais allant dans l’autre sens: un groupe de riverains estimant qu’il n’y a pas assez de places de stationnement et remplaçant de la verdure par du bitume? Le courriel est resté lettre morte.

Le Conseil administratif de Genève n’en est pas resté coi pour autant: fin juin, le collège a publié un communiqué indiquant qu’«au vu des éléments apportés par Frédérique Perler, il s’avère que des erreurs d’appréciation, dont la magistrate assume la responsabilité, ont pu laisser penser aux associations actif-trafiC et Survap qu’elles avaient obtenu l’assentiment de la Ville de Genève. Dès lors, la majorité du Conseil administratif a décidé de retirer la plainte.»

Et le CA de se montrer grand seigneur: «En tout état de cause, les contribuables de la Ville de Genève ne supporteront pas les coûts de la réparation des dégâts.» Ah bon? Mais qui alors? Frédérique Perler elle-même? Si tel est le cas, c’est bien l’argent des contribuables qui sera dépensé pour remettre la route en état, car même si elle devait payer une amende, la magistrate utilisera bel et bien l’argent des autres.