Impressions macronesques

Le sport, c’est la joie et la joie est communicative, voire communicante? Ce dimanche 18 décembre 2022, nous aurions voulu être une mouche pour assister au briefing du Roi avant son entrée dans le stade. Le Roi, entendez Macron. Enfin, vous aviez compris car vous ne l’avez pas raté jour-là. Vous ne pouviez pas le rater.

Or donc, nanti des conseils d’une armada de Nadine, Hortensia, Jérôme, Hadrian, Alibert, Isée, Garance, Alceste pour ne citer qu’eux, Emmanuel se retrouve face à l’inattendu: son équipe n’existe pas. Il ne peut donc pas appliquer le plan de communication. Drame. Le voilà congelé, transi, peureux, ignorant. Le voilà face à lui-même. Tiens, bonne nouvelle, durant de longues minutes, il va même penser seul.

Et puis soudain la France se réveille et le match devient fou. Macron aussi. Perdus les conseils de l’armada. Il entre en fusion, en fission, en sublimation et… s’oublie! Il a posé la veste, relevé les manches. Sa cravate ne ressemble à rien. Le voilà hurlant, sautillant, gesticulant. Il est redevenu un enfant. Médusés mais polis, les émirs qui l’entourent – peu concernés dans le fond – respectent poliment le Président et se demandent en leur for intérieur s’il est comme cela à la maison. Peut-être oui dans le fond. Brigitte doit bien rigoler.

Question: un Président de la République peut-il faire cela? Réponse: non. Quand on est Président, on se tient bien, Punkt Schluss. On peut manifester sa joie, mais sans gesticulation. On ne crie pas. On représente la République et on se doit d’être un modèle. On lui pardonnera sur ce coup-là, puisque, encore une fois, il avait sans aucun doute oublié les conseils de l’armada.
Ce qu’on ne lui pardonne absolument pas en revanche, c’est son attitude d’après défaite. Et là, on devient franchement inquiets. Comment peut-on manquer à tel point de sensibilité, de pudeur, de tact, d’humanité, pour s’attaquer de la sorte à Mbappé? Kylian, effondré, en fait lui aussi un peu trop (il ne sourira pas une seule fois), mais sa tristesse lui appartient et il n’a pas besoin d’un clown qui s’accroche désespérément à lui et lui crache dans l’oreille de longues minutes.

Et là, le doute, le souci se font jour. A-t-il écouté sur ce scénario l’armada? «Président, si on perd, vous foncez sur Mbappé et vous le serrez tout fort dans vos bras.» Alors là, Macron, il a pas oublié. Il a fait, refait, encore fait et encore refait. Et à partir de là, on a confiné au pathétique.

Si ces étreintes déplacées sont le seul fait de Macron, alors c’est un autiste de l’attitude et un homme qui ne connaît rien, mais alors rien au sport d’élite. Si c’est le fait de l’armada, alors il peut toutes et tous les virer. Et si c’est une combinaison des deux, alors faut vite organiser des élections. Ah mais c’est juste, en France, on ne coupe plus la tête aux Rois. Dommage. DP

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Analyse

Un conseiller fédéral ne devrait pas faire cela

Verra-t-on, un jour, un de nos élus fédéraux troquer son costume de souris grise pour singer les poses avantageuses du président français devant une compétition quelconque? Pas de risque, nous répond un haut fonctionnaire: «Les conseillers fédéraux se montreraient bien plus mesurés et surtout courtois. Manifester sa joie quand on est en tribune est légitime. Un peu de chauvinisme ne fait jamais de mal. Et c’est de bonne guerre. Nos ministres portent d’ailleurs volontiers les vestes de la délégation, comme Guy Parmelin à Pyeongchang. Mais se transformer en supporter très ʻpremier degréʼ est plus délicat. Les règles du fair-play sont d’une certaine manière la version sportive de la courtoisie diplomatique. Il faut bien doser. Et dans le cas du président Macron, on brise tous les codes. Il se sent seul au monde, comme s’il était dans son salon. A ceci près qu’il est président d’une puissance nucléaire! Cela manque de retenue, voire de courtoisie.»

Ce ne sont toutefois pas les gesticulations de Jupiter durant le match qui ont semblé le plus inconvenantes à ce connaisseur du Palais fédéral: «Le plus problématique c’est son comportement après le match. Il s’approprie l’événement. Il prend l’événement en otage pour son image. Il va sur la pelouse consoler des joueurs qui n’ont rien demandé! Ce moment appartient aux sportifs, à l’encadrement, à leurs proches. Le sommet, ou plutôt le fond, est atteint lors du discours dans les vestiaires. S’il s’intéressait sincèrement aux joueurs, il ne se filmerait pas. On est dans la pire mise en scène. Cela ne fait que remettre une pièce dans le juke-box du ʻtous pourris, tous opportunistesʼ. D’ailleurs cette mascarade s’est retournée contre lui.» RP




Les causes sacrées de la discorde

«One Love», c’est ce que qu’avaient annoncé plusieurs fédérations de football européennes en septembre dernier en vue de la Coupe du monde de football au Qatar. Malheureusement pour elles, la FIFA a annoncé, juste avant le match Angleterre-Iran, que les équipes qui porteraient le brassard frappé du slogan et des (incorrectes) couleurs arc-en-ciel en soutien aux personnes LGBT+ seraient frappées de «sanctions sportives». Par ce terme, on n’entend pas de simples amendes mais bien un carton jaune dès le début du match pour les joueurs de balle au pied un peu trop rebelles. Les sept fédérations européennes qui prévoyaient de montrer leur soutien (l’Angleterre, le pays de Galles, la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse) ont alors rapidement fait demi-tour et décidé d’abandonner leur signe de soutien.

Adrian Arnold, responsable de la communication de l’Association suisse de football (ASF), justifie le choix d’abandonner le signe de soutien: «En tant que fédération nationale, nous ne pouvons pas mettre nos joueurs dans une situation où ils risquent des sanctions sportives, y compris l’expulsion. C’est regrettable, parce que nous voulions faire passer un message positif.» Il promet cependant de reprendre le combat pour l’inclusivité, une fois l’événement qatari terminé: «Nous ferons passer ce message à l’extérieur à d’autres occasions. Cette décision de la FIFA ne change rien à nos valeurs. Nous défendons le respect, la tolérance et la solidarité.»

Un brassard peu précis

Ce volte-face de la FIFA est considéré comme «ridicule» par Roman Heggli, secrétaire général de Pink Cross, l’association faîtière des organisations gays en Suisse: «Premièrement, le brassard a déjà été critiqué au préalable parce qu’il est absolument apolitique et n’utilise pas les bonnes couleurs de l’arc-en-ciel. Le lien avec les personnes LGBT+ doit donc être recherché. Mais même ça, c’est trop pour la FIFA!» Il reste moins sévère avec l’ASF: «D’une certaine manière, je peux comprendre que l’équipe nationale suisse s’incline, car la décision de la FIFA est prise à court terme. Je me pose plutôt la question suivante: pourquoi les associations de football se laissent-elles faire et se laissent-elles mener par le bout du nez par la FIFA? Il est donc bien plus important que les fédérations interviennent auprès de la FIFA et exigent des changements structurels ou quittent la FIFA.»

Une organisation bien silencieuse

La FIFA a plié face à l’organisateur mais va certainement inciter à porter le brassard d’ici quelques semaines. On peut dès lors se demander si la fédération utilise les personnes LGBT+ comme faire-valoir moral, sans réelle conviction. Une piste que n’ignore pas Roman Heggli: «La FIFA a toujours été indifférente aux personnes LGBT+ et continuera malheureusement à l’être. Il n’y a pas d’autre explication au fait que la Coupe du monde 2018 ait eu lieu en Russie et la Coupe du monde 2022 au Qatar. Et il n’y a toujours pas de mesures réelles pour soutenir les footballeurs professionnels queer et combattre l’hostilité LGBT+ dans le football.» Les enjeux LGBT+ ne sont d’ailleurs pas les seuls thèmes habituellement très prisés par la FIFA qu’il valait mieux ne pas trop aborder lors de la Coupe du monde. Les actes de protestation en faveur des droits de l’homme en général, sur les pelouses ou dans les gradins, ayant été accueillis avec une certaine fraîcheur par les autorités qataries.

Contactée par courriel, la FIFA n’a pas donné suite aux questions que nous souhaitions lui poser, à savoir si elle avait cédé suite à des pressions et, si tel était le cas, de la part de qui.

Pour conclure, soyons rassurés, les Verts veillent au grain dans cette affaire. Le parti écologiste a fait preuve d’une bravoure inouïe en déclarant vouloir déposer un texte au Parlement fédéral demandant que la FIFA soit imposée au même titre que n’importe quelle entreprise de sa taille. Est-ce que cela va fonctionner comme avec le CO2, soit demander plus de taxation pour réparer le monde?




La position du démissionnaire

Toujours est-il que le futur ex-conseiller fédéral nous régale ces jours avec des audaces de démissionnaire que nous aurions presque envie de comparer à un cigare dominicain consécutif à une orgie romaine. Déjà peu féru de collégialité durant toute sa carrière, le Zurichois vient de percuter à de multiples reprises le mur du politiquement correct. Tout d’abord en affirmant qu’il souhaitait qu’une femme ou un homme lui succède à Berne, et non pas un «ça». Alors certes, en d’autres temps, personne n’y aurait rien compris. Depuis l’émergence d’artistes «non binaires», femmes à moustache ou hommes peu à l’aise au volant, le message est en revanche beaucoup plus clair. Tellement clair d’ailleurs qu’un «réseau transgenre» (transsexuel c’est plus couteux) a exigé des excuses qu’il n’obtiendra malheureusement pas. On espère que ce courageux collectif s’en remettra, surtout financièrement.

Mais ce bougre de Maurer n’allait pas s’arrêter là. Il lui fallait encore allumer les «indignés permanents», plus à l’aise avec le sexe des anges qu’avec les vraies préoccupations de la population, davantage matérielles. Tant d’audace ne devait évidemment pas échapper à la vigilance du Blick romand, qui nous a gentiment alertés sur les collusions entre UDC et néo-nazis sur fond de stratégie commune anti-LGBT. Rien que ça. Qu’on nous permette ici une hypothèse intermédiaire: et si, même hors des cadres extrémistes, les gens du commun en avaient tout simplement marre de se faire gaver toute l’année par les dernières inventions de bourgeois désœuvrés désireux de s’inventer un destin?

Comme si cette avalanche de bras d’honneur ne suffisait pas, le politicien agrarien vient d’annoncer, horreur suprême, qu’il se rendrait au Qatar pour soutenir l’équipe nationale de football dans le cadre de la Coupe du monde consacrée à cette sinistre activité. Là, malheureusement, on ne peut plus le défendre. Moins à cause des traditions locales en matière de droits de l’Homme (et de la femme) ou d’écologie que pour de bêtes questions de cohérence. Venant d’un bonhomme qui semble se complaire dans la défense d’une vision traditionnelle de la société, pourquoi s’afficher aux côtés de millionnaires à permanentes qui se roulent par terre au moindre contact? RP

Le PS remet le couvert

Après avoir appelé les castors à faire barrage contre la «stremdroate» française lors du duel entre Macron et Le Pen, les socialistes ont sorti leur plus belle plume (et leur meilleur graphiste) pour faire l’éloge de l’élection de Lula, Luiz Inácio Lula da Silva, plus précisément. Le nouveau président du Brésil est félicité par une très nécessaire publication Facebook: «Une victoire pour la démocratie» à côté d’une illustration bien rouge du nouveau chef, poing tendu.

Tant de choses à dire… Premièrement, votre serviteur n’en a que faire de l’élection de X ou Y ou Z. N’y voyez donc pas une crise de rage suite à la défaite du méchant Bolsonaro, loin de là. Ce qui questionne le plumitif que je suis, c’est l’amour démesuré que portent les gens de gauche à tout autre individu de gauche, quelles que soient les casseroles qu’il trimballe. On appelle cela de la solidarité clanique. Et cela mène généralement à des catastrophes en série. Autre gros questionnement, logique cette fois. En quoi l’élection de X (Lula) est-elle plus démocratique que celle de Y (Bolsonaro)? J’appelle tout admirateur de Lula qui nous lit à nous envoyer son explication factuelle, pas émotionnelle. Si celle-ci est convaincante, nous n’hésiterons pas à poser en tutus le poing gauche levé devant un plat de lentilles au tofu, en Une du prochain numéro. Si le courage est au rendez-vous, voici une question subsidiaire, à deux mille points: si un parti de droite avait célébré la victoire démocratique de Bolsonaro, la gauche suisse aurait-elle crié au populisme? FL