Des autorités condamnées à parler dans le (co)vide

Début octobre, l’eurodéputé Rob Roos avait face à lui Janine Small, responsable des marchés internationaux de la société pharmaceutique Pfizer, lors de la session du Parlement européen. Le politicien de la droite conservatrice néerlandaise n’y est pas allé par quatre chemins pour lui poser la question qui fâche: «Le vaccin Covid de Pfizer a-t-il été testé sur l’arrêt de la transmission du virus avant d’être mis sur le marché ? Si non, veuillez le dire clairement. Si oui, êtes-vous prête à partager les données avec ce comité ? Et je veux vraiment une réponse franche, oui ou non. J’ai hâte de la recevoir.» «Connaissions-nous l’effet sur l’arrêt de la transmission avant la mise sur le marché? Non», a simplement répondu Janine Small, expliquant que Pfizer avait «vraiment dû avancer à la vitesse de la science» et «tout faire dans le risque» (ndlr: we had to do everything at risk). La suite de l’histoire est classique: la vidéo est devenue virale sur les réseaux sociaux, créant une certaine méfiance envers Pfizer auprès de certains publics.

Le Peuple s’est adressé à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) afin de connaître sa réaction aux déclarations de la représentante de Pfizer. Nous avons été redirigés vers l’Institut suisse des produits thérapeutiques (Swissmedic). Lukas Jaggi, son porte-parole, nous a confié que «les études initiales d’autorisation de mise sur le marché ont démontré une protection supérieure à 90% contre les infections symptomatiques», ajoutant que «dans le cadre des expériences avec des millions de personnes vaccinées et aussi en raison de l’évolution rapide des variants (changements du virus), nous avons observé que le vaccin protégeait moins bien contre les infections symptomatiques non graves, mais de manière toujours très fiable contre les évolutions graves (hospitalisation et décès) du Covid-19.» Enfin, il a tenu à rappeler que «bien que les vaccins ne garantissent pas une protection à 100% contre la transmission, ceux contre le Covid ont été le principal facteur qui a contribué à enrayer la pandémie et à réduire les décès et les hospitalisations. Sans les vaccins, il y aurait eu beaucoup plus de morts et de personnes qui auraient été affectées par le Covid long.»

Deuxième couac

Une autre information, plus troublante, devait être publiée le 2 novembre par Swissmedic: des bulles d’air venaient d’être découvertes dans le vaccin contre le variant Omicron par certains centres de vaccination. Deux jours plus tard, l’Institut suisse des produits thérapeutiques annonçait qu’il n’avait identifié aucun problème concret en rapport avec ce produit. Les bulles observées pourraient être dues à des facteurs physiques (écarts de pression ou de température notamment) lors de la préparation des doses. Or cette manipulation doit être impérativement réalisée selon les prescriptions du fabricant. Selon Lukas Jaggi, informer la population sur des lots suspects puis procéder à des analyses fait partie d’un processus standard: «Toutes les annonces d’anomalies concernant des médicaments présentent un intérêt pour Swissmedic. L’institut continue à suivre la situation de près ainsi qu’à prendre en compte tous les incidents annoncés, et publiera de nouvelles informations dès qu’il en disposera.»

Une simultanéité malheureuse

C’est dans ce contexte un peu tumultueux que fleurissent depuis quelques semaines des affiches encourageant à procéder à la vaccination de rappel. Et là encore, certains éléments peuvent surprendre: sur les supports, nous pouvons distinguer différents types de bras, des plus «jeunes» au plus «âgés». Or, la Confédération estime que la quatrième dose s’adresse aux «personnes de 65 ans et plus, personnes de 16 ans et plus atteintes d’une maladie chronique, aux personnes de 16 ans et plus atteintes de trisomie 21 et aux femmes enceintes». De plus, des personnes quarantenaires et en bonne santé ont également reçu des SMS de rappel de la part des autorités cantonales. De quoi s’interroger sur un éventuel décalage entre la communication et la réelle situation sanitaire. Pour l’OFSP et son porte-parole, Simon Ming, la campagne s’adresse à tous: «Outre les personnes vulnérables, pour lesquelles il existe une forte recommandation, toutes les personnes à partir de 16 ans peuvent recevoir une vaccination de rappel. Leur risque de développer une forme grave à l’automne 2022 est très faible. Le rappel offre une protection limitée et de courte durée contre une infection et une forme bénigne de la maladie. Cet aspect peut se révéler important particulièrement pour les professionnels de la santé et les personnes assurant la prise en charge de personnes vulnérables.»

Nasrat Latif, journaliste et expert en communication pour l’agence Nokté, rappelle que mener une nouvelle campagne de vaccination après des annonces plus ou moins gênantes ne se commande pas: «Les autorités doivent mener une campagne et elles le font. Il est donc logique qu’elles le fassent. Dans les deux cas que vous mentionnez, il est plutôt rassurant que les informations sortent. Si des choses ne vont pas, c’est la moindre des choses de le dire. Après, à chacun de penser ce qu’il veut de ces informations.»
Le communicant a tout de même des remarques à faire sur les nouvelles affiches: «Les images montrent effectivement différents «types» de bras. Il y en a autant des «jeunes» que des «âgés», également de la mixité sociale. En terme de communication générale, ça manque d’émotion mais c’est normal dès que l’on mène une campagne nationale.» La seule solution pour renforcer l’impact de la publicité pour le vaccin reste simple. «Il serait bon d’adapter les messages en fonction des régions, mais dans ce cas précis, le budget communication augmenterait de manière importante», juge Nasrat Latif. Et pas question de jouer sur la peur non plus: «En Suisse, cela ne fonctionnerait pas, d’autant que le danger ne se voit plus, pour le moment.»




Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites!

«à plus Ueli! Franchement, on n’a jamais eu envie de se taper ta politique de merde.» Cette prose délicate ne provient pas du commentaire d’un internaute alcoolisé sur une page Facebook de tabloïd, mais de la section jeune d’un parti gouvernemental. Des JUSO, plus exactement, qui tenaient à saluer à leur manière l’annonce du départ du conseiller fédéral UDC Ueli Maurer. Pourquoi tant de haine? Simplement parce que l’élu, par ailleurs ancien président du parti agrarien, représentait l’aile la plus droitière du collège gouvernemental, ami des «imbéciles réactionnaires» selon les jeunes socialistes, et au service du «pour cent le plus riche». Et les roses en herbe de conclure leur message en beauté: «Franchement, tu ne nous manqueras pas. Par ailleurs, un parti qui bafoue aussi violemment les principes démocratiques que l’UDC ne devrait pas avoir deux sièges au Conseil fédéral.»

Des JUSO en colère

Ce type de publications, avec son cortège de références fécales, est-il validé par la base de l’organisation? Pas selon nos informations. Divers contacts socialistes jugent même ces provocations «contre-productives», bien qu’eux-mêmes se disent fortement opposés à la ligne politique de l’ancien président de l’UDC. Reste que les différents partis jeunes rivalisent souvent d’originalité lorsqu’il s’agit d’attaquer frontalement les usages politiques suisses, dont le respect d’une certaine étiquette.
Ainsi, il y a quelques mois, les jeunes UDC vaudois n’avaient pas hésité non plus à se mettre en scène en train de tirer sur des militants écologistes dans un clip parodique. Mais pour la présidente du parti Emmylou Ziehli-Maillard, la comparaison s’arrête là. «Que l’on soit d’accord ou non avec ses idées, il faut traiter un conseiller fédéral avec respect.» Elle regrette également que les commentaires aient été bloqués sous la publication des JUSO, là où sa formation avait accepté la critique. «En rompant le débat comme ça, ils montrent qu’il n’y a qu’une seule idéologie tolérable, la leur. Je trouve cette manière de procéder petite et antidémocratique».

Un hommage, loin des affres de la communication provoc’, mérite d’être relevé au milieu de ce marasme: celui d’Ada Marra. La conseillère nationale socialiste vaudoise, pourtant jamais épargnée par les échanges de tirs entre partis, a ainsi eu le courage d’évoquer un homme «avec beaucoup d’humour et toujours égal à lui-même.» Alors certes, «politiquement un ultralibéral éloigné des besoins de la population», mais admettons que des bilans nuancés de ce type contribuent davantage à nous faire aimer la démocratie que des montages grossiers portraiturant des ministres au lit ou aux WC.