Déplacer le problème plutôt que le résoudre ?

Depuis le dépôt de ce texte (mai 2021), les dealers des quatre coins du canton, pour la plupart des clandestins, se sont regroupés aux alentours de l’école primaire des Pâquis et la consommation de crack explose. Professeurs, élèves et riverains sont confrontés à une forte augmentation des drogués rendus très agressifs par cette drogue dure, les jeux sont souillés et les enseignants sont obligés d’appeler la police régulièrement. La raison de ce phénomène nouveau est à chercher auprès des dealers français qui proposent, ce qui est nouveau, des cailloux de crack déjà prêts à l’emploi. C’est-à-dire qu’ils ont déjà «basé» la cocaïne, en la chauffant avec du bicarbonate de soude pour former les petits cailloux, que les consommateurs vont ensuite fumer dans une pipe.

Au vu de cette situation, tous les regards se tournent vers la commission des affaires sociales de la Ville de Genève qui étudie cette motion depuis le début de cette année. Pour les socialistes, une régulation du deal de rue avec la désignation d’un lieu « adapté » pour leur trafic permettrait aux Pâquisards de retrouver calme et sécurité.

Une zone de deal est évidemment inacceptable pour des raisons d’ordre juridique mais aussi parce que c’est un signal de démission face au marché de la drogue plus fort que l’État de droit. Là où ce débat devient intéressant, c’est en constatant une forme d’impuissance des autorités pour maîtriser la vente de la drogue, qui se tient devant les yeux de tout un chacun. Mauro Poggia, responsable du Département de la sécurité de la population et de la santé, l’admet: «Les actions menées par les forces de l’ordre y sont nombreuses (dans les quartiers proches de la gare Cornavin) et régulières. Mais il est vrai que la présence policière ne peut pas être constante, et que les dealers y reviennent régulièrement» (Le Matin Dimanche, 4 septembre 2022).

La proposition des socialistes, qui peut être prise pour une provocation, parce que fondamentalement hors la loi, vise néanmoins à soulager les quartiers victimes des dealers et de leurs clients. Elle renouvelle ainsi l’expérience catastrophique du Letten à Zurich. Elle jette aussi une lumière crue sur l’absence de véritables résultats du gouvernement pour juguler et même stopper le trafic de la drogue à Genève.