Des autorités condamnées à parler dans le (co)vide

Début octobre, l’eurodéputé Rob Roos avait face à lui Janine Small, responsable des marchés internationaux de la société pharmaceutique Pfizer, lors de la session du Parlement européen. Le politicien de la droite conservatrice néerlandaise n’y est pas allé par quatre chemins pour lui poser la question qui fâche: «Le vaccin Covid de Pfizer a-t-il été testé sur l’arrêt de la transmission du virus avant d’être mis sur le marché ? Si non, veuillez le dire clairement. Si oui, êtes-vous prête à partager les données avec ce comité ? Et je veux vraiment une réponse franche, oui ou non. J’ai hâte de la recevoir.» «Connaissions-nous l’effet sur l’arrêt de la transmission avant la mise sur le marché? Non», a simplement répondu Janine Small, expliquant que Pfizer avait «vraiment dû avancer à la vitesse de la science» et «tout faire dans le risque» (ndlr: we had to do everything at risk). La suite de l’histoire est classique: la vidéo est devenue virale sur les réseaux sociaux, créant une certaine méfiance envers Pfizer auprès de certains publics.

Le Peuple s’est adressé à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) afin de connaître sa réaction aux déclarations de la représentante de Pfizer. Nous avons été redirigés vers l’Institut suisse des produits thérapeutiques (Swissmedic). Lukas Jaggi, son porte-parole, nous a confié que «les études initiales d’autorisation de mise sur le marché ont démontré une protection supérieure à 90% contre les infections symptomatiques», ajoutant que «dans le cadre des expériences avec des millions de personnes vaccinées et aussi en raison de l’évolution rapide des variants (changements du virus), nous avons observé que le vaccin protégeait moins bien contre les infections symptomatiques non graves, mais de manière toujours très fiable contre les évolutions graves (hospitalisation et décès) du Covid-19.» Enfin, il a tenu à rappeler que «bien que les vaccins ne garantissent pas une protection à 100% contre la transmission, ceux contre le Covid ont été le principal facteur qui a contribué à enrayer la pandémie et à réduire les décès et les hospitalisations. Sans les vaccins, il y aurait eu beaucoup plus de morts et de personnes qui auraient été affectées par le Covid long.»

Deuxième couac

Une autre information, plus troublante, devait être publiée le 2 novembre par Swissmedic: des bulles d’air venaient d’être découvertes dans le vaccin contre le variant Omicron par certains centres de vaccination. Deux jours plus tard, l’Institut suisse des produits thérapeutiques annonçait qu’il n’avait identifié aucun problème concret en rapport avec ce produit. Les bulles observées pourraient être dues à des facteurs physiques (écarts de pression ou de température notamment) lors de la préparation des doses. Or cette manipulation doit être impérativement réalisée selon les prescriptions du fabricant. Selon Lukas Jaggi, informer la population sur des lots suspects puis procéder à des analyses fait partie d’un processus standard: «Toutes les annonces d’anomalies concernant des médicaments présentent un intérêt pour Swissmedic. L’institut continue à suivre la situation de près ainsi qu’à prendre en compte tous les incidents annoncés, et publiera de nouvelles informations dès qu’il en disposera.»

Une simultanéité malheureuse

C’est dans ce contexte un peu tumultueux que fleurissent depuis quelques semaines des affiches encourageant à procéder à la vaccination de rappel. Et là encore, certains éléments peuvent surprendre: sur les supports, nous pouvons distinguer différents types de bras, des plus «jeunes» au plus «âgés». Or, la Confédération estime que la quatrième dose s’adresse aux «personnes de 65 ans et plus, personnes de 16 ans et plus atteintes d’une maladie chronique, aux personnes de 16 ans et plus atteintes de trisomie 21 et aux femmes enceintes». De plus, des personnes quarantenaires et en bonne santé ont également reçu des SMS de rappel de la part des autorités cantonales. De quoi s’interroger sur un éventuel décalage entre la communication et la réelle situation sanitaire. Pour l’OFSP et son porte-parole, Simon Ming, la campagne s’adresse à tous: «Outre les personnes vulnérables, pour lesquelles il existe une forte recommandation, toutes les personnes à partir de 16 ans peuvent recevoir une vaccination de rappel. Leur risque de développer une forme grave à l’automne 2022 est très faible. Le rappel offre une protection limitée et de courte durée contre une infection et une forme bénigne de la maladie. Cet aspect peut se révéler important particulièrement pour les professionnels de la santé et les personnes assurant la prise en charge de personnes vulnérables.»

Nasrat Latif, journaliste et expert en communication pour l’agence Nokté, rappelle que mener une nouvelle campagne de vaccination après des annonces plus ou moins gênantes ne se commande pas: «Les autorités doivent mener une campagne et elles le font. Il est donc logique qu’elles le fassent. Dans les deux cas que vous mentionnez, il est plutôt rassurant que les informations sortent. Si des choses ne vont pas, c’est la moindre des choses de le dire. Après, à chacun de penser ce qu’il veut de ces informations.»
Le communicant a tout de même des remarques à faire sur les nouvelles affiches: «Les images montrent effectivement différents «types» de bras. Il y en a autant des «jeunes» que des «âgés», également de la mixité sociale. En terme de communication générale, ça manque d’émotion mais c’est normal dès que l’on mène une campagne nationale.» La seule solution pour renforcer l’impact de la publicité pour le vaccin reste simple. «Il serait bon d’adapter les messages en fonction des régions, mais dans ce cas précis, le budget communication augmenterait de manière importante», juge Nasrat Latif. Et pas question de jouer sur la peur non plus: «En Suisse, cela ne fonctionnerait pas, d’autant que le danger ne se voit plus, pour le moment.»




Ma sorcière bien-aimée

La chose ne dérangeait nullement notre héroïne de la lutte contre le patriarcat, puisque son camarade suivait en cela «le protocole du lieu de culte qu’il représentait, à l’intérieur de ce cadre précis» (ndlr la citation est d’origine).
Et effectivement, pourquoi s’énerver devant des comportements tout à fait actuels quand on peut, avec l’ardeur de Maïté devant une oie rôtie aux pommes, s’attaquer à des injustices du Moyen-Age tardif et de la Renaissance? Et l’ardeur, la parlementaire professionnelle n’en manque heureusement pas, comme le prouve son passage le week-end dernier à la RTS, dans Forum, où elle venait plaider pour la reconnaissance officielle des victimes de la chasse aux sorcières, dans la continuité d’un postulat déposé à Berne. Des heures sombres, certes, mais qui ont tout de même l’intérêt de permettre à la gauche woke de sortir une nouvelle catégorie de martyrs de son chapeau pour quémander de l’argent public. A quelles fins, précisément? Mettre en place des «réseaux de chercheurs et de chercheuses», des expositions et des quatre-heures pour les enfants, sans doute.
Mais voilà, il faut toujours qu’un beauf cisgenre s’en mêle et, dans le cas présent, c’est un historien spécialiste de la question qui a mis à mal la belle ambiance du moment. En l’occurrence, Michel Porret, de l’Université de Genève, qui a eu l’audace de démontrer que souvent, les dénonciations découlaient de «crêpages de chignon» entre ces dames et non d’un complot ourdi par les mâles contre le beau sexe. Et d’encourager sa jeune interlocutrice à aller lire quelques livres sur le sujet, aisément disponibles dans n’importe quelle librairie. Aïe. Ultime outrage, une «spécialiste des politiques mémorielles», Brigitte Sion, a fait part de sa légère incrédulité devant le procédé consistant à demander des sous à la collectivité pour très éventuellement développer une idée quant à son utilisation après coup.
Il n’en fallait pas davantage pour que madame Porchet perde sa belle assurance et commence à s’exprimer dans un sabir évoquant davantage le chanteur de Dance Scatman John que Chateaubriand. Qu’elle soit ici rassurée, pour vivre de tels moments d’extase mystique, nombreux seront les salauds de mâles encore disposés à lui permettre de prolonger sa carrière politique d’une trentaine d’années sans avoir jamais à potasser un bouquin d’histoire.

A tombeau ouvert

La scène indé de la Mecque helvétique des punks à chiens, Bienne.

Serait-ce parce que l’un des derniers journalistes qui lui restent est Biennois, toujours est-il que Le Matin ne se lasse pas de soutenir la scène indé de la Mecque helvétique des punks à chiens. Les derniers lecteurs qui lui restent (on se répète, mais c’est une figure de style) ont ainsi eu la joie de découvrir un reportage bouleversant, la semaine dernière, dans le cadre d’une manifestation contre le paquet d’économie «Substance 2030». Le grand tort de ce projet: préserver les grandes institutions artistiques locales – les plus à même d’attirer des spectateurs sans doute – tandis que la culture indépendante, elle, se débattra dans les pires souffrances. On caricature un peu, mais finalement moins que les manifestants qui ont eu le bon goût de défiler avec un cercueil pour la culture (quelle inventivité), de faire porter des panneaux militants à des gamins (quelle audace) et de sortir les drapeaux PS (quelle fidélité), d’après les photos de la «vitamine orange». Un sans-faute qui, certainement, saura convaincre les élus bourgeois de cesser de se doucher pour mieux engager le dialogue avec les preux chevaliers de la divine subvention.




Coupables d’avoir obéi

Afin de contrer la progression du variant Omicron du Covid-19, le gouvernement valaisan annonçait, le 6 janvier 2022, une série de mesures dont le port du masque obligatoire en milieu scolaire et ceci dès la 5H (8 à 9 ans). Le Département de la formation, par son règlement d’application du 10 janvier 2022, stipulait sous «élèves», lettre «e»: «L’élève dont les parents refusent qu’il porte le masque reste à domicile». Un petit nombre de parents, convaincus de bonne foi de se conformer à la directive, ont alors décidé de ne pas envoyer leurs enfants en classe. Mal leur en a pris puisqu’ils ont reçu une amende de 600 francs par enfant non scolarisé. Un montant important, qui s’appuie sur le règlement concernant les congés et les mesures disciplinaires applicables dans les limites de la scolarité obligatoire du 14 juillet 2004.

Pour défendre les parents punis: Cynthia Trombert. Cette élue UDC au Grand Conseil et présidente du Collectif Parents Valaisans s’insurge contre la décision du Conseil d’État. Par voie de communiqué, elle rapporte que «le Département de la formation a cru bon de dénoncer aux inspecteurs scolaires des parents pourtant bienveillants, soucieux de la santé de leurs enfants. Autrement dit, et en toute contradiction, le département a décidé de punir les parents qui ont respecté à la lettre son propre règlement.» Jean-Philippe Lonfat, chef du Service de l’enseignement, refuse pourtant de qualifier cette histoire de confusion administrative: «Un élève concerné par l’obligation du port du masque et dont les parents refusaient cette obligation ne pouvait pas se rendre à l’école pour des raisons épidémiologiques et de santé publique à la suite d’un choix parental. La conséquence du refus du port du masque étant une non-scolarisation de l’enfant, il s’agit d’une absence injustifiée.» Il complète: «Moins d’un élève pour mille est concerné. Durant la première semaine de janvier, 70 parents n’avaient pas envoyé leur enfant à l’école, après discussion et information de la part des directions, seules 24 familles ont persisté dans cette voie et ont fait l’objet d’une procédure.»

Dans le même communiqué de presse, Cynthia Trombert signale qu’elle avait déposé un postulat urgent durant la session de mars 2022, afin d’attirer l’attention du Parlement sur la situation et de pouvoir en débattre. L’urgence ayant été refusée par le Bureau du Grand Conseil, le débat n’a pas eu lieu concernant la question des amendes durant les sessions parlementaires de mai, juin et septembre, dépassant ainsi le délai habituel de six mois pour traiter un texte déposé.
Cynthia Trombert trouve cette attente inacceptable: «Des parents sont pris au piège entre des ordres qui partent dans tous les sens».

Contacté, Nicolas Sierro, chef du Service parlementaire, nous a expliqué que «cette intervention suit le même processus que toutes les autres. Compte tenu de l’augmentation de près de 40% des textes déposés durant cette législature par rapport à la précédente, le délai de six mois pour leur développement devant le Grand Conseil ne peut actuellement pas être tenu. Les textes déposés en mars de cette année seront inscrits à l’ordre du jour de la session de novembre, qui se tiendra du 15 au 18 novembre.»

Cynthia Trombert est finalement repartie à l’assaut le 13 septembre, une nouvelle fois par la voie d’une interpellation, cosignée par son collègue Pierre Contat, ainsi que Frédéric Carron et Sophie Sierro, tous deux anciens Verts devenus indépendants. Dans ce nouveau texte, les élus écrivent: «La question se pose à l’évidence de l’opportunité, pour le département, de s’obstiner pour l’exemple à imposer ces amendes ou au contraire, de passer l’éponge pour restaurer le calme et la sérénité dans le canton et dans ses écoles. Questionné à ce sujet, Jean-Philippe Lonfat nous répond qu’il n’est pas question de revenir sur ces amendes: «En l’état, aucun élément nouveau ne remet en question notre décision.» Et pas question non plus de rendre public le nombre d’amendes réglées jusqu’au délai donné, soit le 30 septembre: «Comme des procédures sont encore en cours, nous ne communiquons pas ce chiffre.»
En parallèle, cette histoire, qui devrait trouver une conclusion en novembre, a fait deux victimes collatérales: les cosignataires Frédéric Carron et Sophie Sierro, respectivement agriculteur bio et immunologue. Par leurs prises de position et leurs ponctuelles alliances avec les élus UDC, ils se sont vus excommuniés du groupe parlementaire des Verts. Sophie Sierro explique que, chez les écologistes, il faut s’aligner: «Quand nous avons été recrutés pour les élections, on nous a promis que, dans le parti, chacun pouvait exprimer son opinion. La réalité est bien différente. Il semble interdit de la donner en public.» Selon l’intéressée, il y a eu une tentative de médiation et plusieurs solutions ont été proposées, mais celle qui a été retenue n’a été autre que le chemin de la porte. L’élue se dit heureuse de ne plus appartenir à un groupe parlementaire: «Je n’ai pas envie de devoir obéir à quelqu’un qui me dit ce que je dois penser.»




C’est pas “Bros” à voir

Pas pour faire plaisir à une moitié plus ou moins douce, mais pour prouver que vous n’êtes pas homophobes. C’est ce qu’il faut retenir des déclarations de Billy Eichner, scénariste et acteur de la comédie romantique au casting 100% LGBT Bros (22 millions de budget), évidemment encensée par la critique mais qui fait un flop réjouissant au box-office. «Malheureusement, c’est le monde dans lequel nous vivons. Même avec d’élogieuses critiques (…), le public hétérosexuel, surtout dans certaines parties du pays, n’est simplement pas venu voir Bros», pleurniche l’artiste. Visiblement peu disposé à remettre en question la logique marketing d’un produit communautariste destiné au grand public, notre homme préfère jouer la carte du chantage moral: «Tous ceux qui ne sont pas des cinglés homophobes devraient aller voir Bros». Et l’on imagine toutes les daubes mettant en scène Hugh Grant ou Richard Gere qu’il nous faudra bientôt nous farcir pour montrer qu’on n’a rien non plus contre les hétéros. RP

Ta mère la nageuse!

Le monde est quand même bien fait. Tandis que le canton asphyxie certains pour qu’il construisent des toilettes non mixtes dans leur cabane à la montagne (voir page 2), d’autres «dégenrent» à grands frais à Lausanne. 24 heures nous apprend ainsi que le Conseil communal de Boboland a voté un crédit de 3,1 millions de francs pour rénover et rendre «universels» les sanitaires, les vestiaires et les douches de la piscine de Mon-Repos. Des frais importants, certes, mais qu’une ville en situation financière aussi remarquable que la Capitale olympique peut se permettre. Surtout, gageons que ces travaux permettront de créer ce fameux lien social auquel tiennent tant les zélites lausannoises, à l’image de nos chères têtes blondes qui auront tout loisir de comparer les qualités anatomiques de leurs génitrices à la récré. RP

La cause de la quinzaine

Un nouveau (?) révolutionnaire de chez Blick a tenté la provocation dans son article sur l’«afro-véganisme». Toute première phrase: «En plus de filer de l’urticaire aux vieux réacs, qui découvrent ce mot-valise, ce mouvement culinaire va bien au-delà du régime alimentaire…». Effectivement le «vieux réac» que je suis ressens de l’urticaire. Non pas parce que son papier traite d’un mouvement particulier, mais bien parce que l’auteur admet lui-même qu’il utilise un mot-valise. Ou plutôt un mot fourre-tout. Le mot fourre-tout est certainement le mal le plus pernicieux de notre société. Il ne sert à rien, ne veut rien dire, mais véhicule toujours une nouvelle idéologie, une nouvelle mode sociétale. Le mot fourre-tout qui m’irrite le plus, qui me rend même franchement colère? Sobriété. Parions que le nouveau Che Guevara de Blick se fendra tantôt d’un article vantant les bienfaits d’une sobriété (une pauvreté généralisée, en vérité) digne de Fidel Castro devant un magasin de cigares. FL

Il n’y a pas que les savants qui sont fous

Grosse poussée du progrès à Genève où le rectorat de l’université a décidé de changer le nom du bâtiment Uni Carl Vogt, inauguré en 2015. Recommandée par un «groupe de réflexion pluridisciplinaire», cette mesure s’inscrit dans la très nécessaire lutte contre «les thèses détestables sur la hiérarchie des races et l’infériorité du sexe féminin» défendues en son temps (le XIXe siècle) par le naturaliste, dont un buste «fera aussi l’objet d’une réflexion» en concertation avec une ville dont on connaît le goût du marteau piqueur. Alors bien sûr, les esprits grincheux dénoncent les ravages du wokisme, mais c’est parce qu’ils ignorent la poésie future de nos cités. Traverser le boulevard Thomas Wiesel pour rejoindre l’Université Léonore Porchet en dégustant son sandwich vegan sous le monument Massimo Lorenzi, ne nous dites pas que vous n’en rêvez pas? RP




Souriez, vous êtes rééduqués!

Entre militantisme LGBTQIA+, odes à Zelensky et apologie du wokisme, nos con-frères-sœurs-x, enfin nos collègues quoi, ne manquent jamais de beaucoup nous fasciner par leur audace. Leur dernier combat, en faveur de l’interprétation de La Petite Sirène par une actrice afro-américaine, mérite quelques lauriers. «Une Ariel noire vous pose problème, vous êtes raciste!», assène une collaboratrice de «l’Investigative Lab» (c’est le nom qu’ils donnent à leur rédaction, d’ailleurs fort peu métissée). Et l’argumentation de l’autrice du papier ne manque pas de sel: ainsi, parce que Hans Christian Andersen était vraisemblablement homosexuel, réclamer une Ariel conforme à la vision de son auteur n’aurait pas de sens, puisqu’il faudrait dès lors la représenter sous la forme d’un mâle gay. «Cela fait trop longtemps qu’on nous gave avec des princesses blanches auxquelles les petites filles métisses, noires et les autres ne peuvent pas s’identifier», poursuit notre passionaria des causes gagnées d’avance. Une argumentation délicieuse de la part de celle qui, par ailleurs, nous encourage à ne pas attacher la moindre importance à la couleur de peau des personnages!
Il y a plusieurs choses dont, au Peuple, nous ne nous soucions guère: l’épiderme des gens, la sexualité des écrivains et les leçons de morale de jeunes décérébrés, fussent-ils munis d’une carte de presse.

On veut sa retraite à 90 ans!

DR

C’est l’une des stars de cette édition et elle le mérite bien. Quand elle ne compare pas les élus à des tortionnaires nazis, Franziska
Meinherz est en effet capable de poser des questions cruciales. Ainsi, à l’annonce de la fin de carrière d’un ambassadeur de la 5G nommé Roger Federer, l’élue d’extrême-gauche lausannoise s’est fendue d’un message sur les réseaux sociaux demandant pourquoi elle devrait bosser jusqu’à 65 ans, contre 41 ans pour le génie de la balle jaune.
Nous avons la réponse: pour nous faire rêver le plus longtemps possible.

La foire à la saucisse

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Une bonne vieille grève du sexe pour faire les pieds (de porc) aux mangeurs de viande. Voilà la nouvelle proposition de l’organisation PETA, censée défendre les droits des animaux, pour faire face à… on ne sait pas, en fait. Disons pour faire face à la présence du mal dans le monde, pour faire simple. Car les méchants, ceux qui polluent, ont tous un truc en commun: ils aiment les saucisses! Et la PETA allemande d’enfoncer le clou à propos des bienfaits de la chasteté forcée pour les viandards: non seulement elle fera beaucoup souffrir les hétéro-beaufs, mais elle sauvera aussi la planète en économisant 58,6 tonnes de CO2 par an grâce à chaque enfant qui ne naîtra pas. Supprimons le sexe, la viande et les enfants, et le paradis, enfin, reviendra sur terre! La proposition aura au moins ceci de positif qu’elle évitera peut-être que des membres de la PETA se reproduisent.

La blanche colombe est revenue

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A intervalles réguliers, la francophonie ébahie voit le philosophe (paraît-il) Bernard-Henri Lévy revenir d’un pays en guerre et appeler à ne rien lâcher. Et c’est précieux, car en général, celui qui n’a pas de grandes conceptions géopolitiques peut se servir de la geste du seigneur germanopratin comme boussole pour basculer dans le camp opposé. Cette fois, c’est d’Ukraine que revient notre héros, où il lui a semblé bon de se faire prendre en photo sur une multitude de champs de bataille, la chemise impeccablement blanche et le brushing à l’avenant. Et gageons que les combats n’y étaient pas particulièrement intenses, puisqu’il a survécu. A moins que les Russes aient compris qu’être attaqués par pareille baudruche était tout de même plus agréable que la lecture de ses livres.




Paie tes fonctionnaires

L’inflation était annoncée à 2,9% au mois de mai, les statistiques pour le mois de juillet devraient bientôt pointer le bout de leur nez. Le 12 juillet, la Direction des finances de la ville de Lausanne a pris les devants en annonçant que les salaires des employés municipaux seraient indexés à hauteur de 2,87%, à compter du premier septembre.

Ce que le communiqué n’indiquait pas, c’est le nombre de fonctionnaires concernés, ni la somme engagée. Contacté, le service du personnel n’a pas été en mesure de nous donner une réponse: «Les modalités d’application sont en cours d’analyse et seront précisées d’ici la fin de l’été.» Sachant que la Ville de Lausanne est endettée à hauteur de deux milliards de francs, on peut se demander comment elle va financer cette «gratte» accordée aux employés. La réponse du service laisse songeur: «La mesure est financée par le budget de la Ville de Lausanne.» Traduction: «La mesure est financée par les contribuables.» Des contribuables qui, pour certains, n’auront pas droit à cette indexation de salaire et qui pourraient se sentir ponctionnés à double en payant des prix plus élevés dus à l’inflation et en finançant plus généreusement les employés du service public. L’administration lausannoise ne pourra malheureusement rien faire pour calmer les colériques: «L’indexation est prévue par le règlement du personnel de la Ville de Lausanne, autrement dit le contrat de travail qui lie la Municipalité à son personnel. Un contrat de travail se doit d’être honoré.»




Les hommes des cavernes, ces chauds lapins

«L’époque qui commence représente la plus grande attaque contre le fond culturel juif de l’Occident, c’est-à-dire contre les suites de l’exil du Jardin d’Eden.» Ainsi s’exprimait l’écrivain Philippe Muray, en 2000, refusant l’invasion des professions inutiles mais cools, des Prides et des trottinettes sur nos trottoirs. Deux décennies plus tard, les trottinettes sont devenues électriques et la marche forcée vers l’infantilisation générale s’accélère à tel point que l’on se demande souvent ce qu’aurait écrit le père de Festivus Festivus s’il était encore parmi nous. Qu’aurait-il pensé, par exemple, de la réflexion proposée par la RTS, vendredi 27 mai vers 21 h 00, au sujet de la sexualité dans les abris rocheux? «Est-ce que les hommes de Cro-Magnon pratiquaient la levrette?», en voilà une question passionnante!
Prenons le pari de répondre pour Muray. Sans doute aurait-il jugé que l’humanité se donne vraiment bien du mal pour réintégrer le Jardin enchanté dont elle n’aurait jamais dû être expulsée. Pensez donc! En des temps où le judéo-christianisme ne sévissait pas encore, notre espèce était festive et portée sur la chose. Vite, faisons comme nos ancêtres et finissons-en une bonne fois pour toutes avec cette idée lamentable de culpabilité!

Festivocrature

Au fond, l’on pourrait se contenter d’ironiser si nous n’avions pas conscience, grâce à la lecture des Exorcismes spirituels de Muray, de ce qui se joue devant nous. Ainsi, «la fouille hallucinée des archives» n’a-t-elle plus uniquement pour vocation de «donner du travail aux SDF de l’indignation». Dans la «permutation néo-carnavalesque» des valeurs à laquelle participe cette exploration du passé, il s’agit désormais de ramener les morts dans la morale de notre temps et d’étendre un peu plus l’obligation de ne garder que la sexualité comme horizon. «Qui songerait», disait l’auteur, «à se révolter contre une oppression qui ne communique, au fond, que l’ordre de s’amuser?»

Souvent réduite à sa critique de la «festivocrature», la pensée de Muray n’est pas seulement indispensable pour comprendre les rouages de la pensée unique actuelle. Elle nous permet aussi, en prolongeant les analyses de La Société du Spectacle de Guy Debord, de ne plus être acteurs d’un effondrement sans précédent de la pensée critique.