L’anticonformisme, le vrai

Et s’il était excessif de hurler au blasphème 
à propos de la fameuse cérémonie des JO ?

C’est en tout cas que ce que soutient Claude Laporte, auteur au Peuple, orthodoxe engagé et avocat, dans la dernier vidéo mise en ligne sur notre chaîne YouTube. Tournée en studio, cette discussion est la première d’un cycle de trois. Les prochaines aborderont le réalité de la démocratie directe en Suisse, puis l’état de crise du système politique de nos voisins français.

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Quand la RTS compare Donald Trump à Hitler

Cet article se trouve également sur le site de l’organisation Pro Suisse.

« Trente secondes de reportage pour comprendre que c’est à charge ! Bravo l’impartialité des journalistes !! ». Salué par 67 internautes sur YouTube, ce commentaire est à l’image de la grande majorité des réactions générées par un reportage de Temps Présent diffusé le 11 avril dernier, et encore visible en ligne. Son « angle », comme l’on dit dans le jargon des journalistes : « Et si les États-Unis vivaient leur dernière année de démocratie ? ».

Les heures les plus sombres

Dès les premiers instants du documentaire, la voix off de la journaliste donne le ton : en à peine plus de deux minutes, le public apprend déjà que « Donald Trump n’est connu ni pour sa modération ni pour son intégrité », qu’il est « l’un des hommes les plus dangereux du monde à l’heure actuelle » et qu’il mettra en œuvre son « programme radical » dès qu’il refranchira la porte du Bureau ovale.

Un élu qui applique le programme pour lequel il est élu, voilà qui peut effectivement surprendre, dira-t-on.

Mais surtout, avant même d’entrer dans le cœur de son sujet – une virée chez les pro-Trump floridien – la voix off donne le coup de grâce en glissant que les mimiques du politicien républicain « rappellent des temps sombres », sans préciser si elle fait allusion à Mussolini ou Hitler. En guise de cerise sur le gâteau, un bruit de coup de feu est alors utilisé comme illustration sonore de ce probable retour vers l’autoritarisme.

Faites-vous votre avis !

Service public, mais pas neutre

Président de 2017 à 2021, Donald Trump n’est certes pas un modèle de vertu aux yeux de tout le monde, y compris au sein du monde conservateur. Mais dans l’intérêt supérieur d’un pays neutre comme la Suisse, peut-il être pareillement diabolisé par le service public ? Pas aux yeux du député UDC valaisan Jérôme Desmeules, ouvertement sympathisant du milliardaire américain : « Magnifique Temps Présent, comme toujours objectif, ironise-t-il. Il fait passer Trump pour le salaud agressif alors que le retour vers un monde au bord du conflit généralisé a été provoqué largement par le retour au pouvoir du complexe militaro-industriel soutenu par le camp du « Bien »… »

Le reportage aurait-il été finalement plus outrancier que le politicien qu’il se donnait pour objectif de dénoncer ? On peut le penser car la RTS ne le cache pas : le reportage fait bien allusion à Hitler à propos des « heures sombres » que rappelleraient les mimiques de Trump. Elisabeth Logean, présentatrice et co-productrice de l’émission, l’assume ouvertement : « L’idée de ce reportage était d’imaginer l’Amérique de demain si Donald Trump était réélu à partir de ses déclarations et intentions. L’ex-président a ainsi annoncé vouloir purger l’Administration fédérale ou utiliser le FBI et le département de la Justice pour neutraliser ses adversaires ; autant d’intentions qui s’apparentent à des comportements de dirigeants autoritaires. Le rappel des années sombres fait référence à ses déclarations sur les migrants « qui empoisonnent le sang de notre pays », qui rappellent les propos d’Hitler sur les Juifs ; la question de l’intégrité est évoquée en lien avec ses condamnations récentes, dont une pour fraude financière. »

Une tarte à la crème qui fatigue

En mars, une vive polémique avait suivi une déclaration de Slobodan Despot jugée pro-russe, dans les Beaux Parleurs. L’intellectuel y annonçait que le nazisme était de retour dans les pays baltes. « Indigne d’un invité quasi-permanent du service public », « outrancier » avaient jugé beaucoup d’observateurs, y compris au sein de la chaîne. Visiblement, des comparaisons du même tonneau posent moins de difficultés quand elles concernent Trump, et sont dressées par le propre contenu de la RTS.

Elisabeth Logean se défend cependant de toute impartialité dans le reportage : « Nous avons tenté de comprendre pour quelles raisons ses partisans le soutiennent, malgré les menaces que son programme fait peser sur le bon fonctionnement démocratique des États-Unis. Les craintes dans ce domaine sont exprimées non seulement par des démocrates ou des spécialistes des régimes autoritaires, mais aussi par des prestigieux penseurs de droite, comme le néo-conservateur Robert Kagan. Dans le reportage, nous donnons la parole à des partisans de Donald Trump, mais aussi à ses critiques, de sorte à donner à voir et entendre différents points de vue. »

A supposer qu’il tombe un jour sur ce reportage, pas certains néanmoins que le politicien peroxydé se précipite pour tailler le bout de gras avec Philippe Revaz au 19h30.




Duel avec un gaucho

C’est le fond sonore idéal pour éplucher vos oignons ce soir : nous avons compilé pour vous les meilleurs moments de la semaine d’émission que nous avions passée en compagnie de Duja, dans La Chose Publique, sur Couleur 3.

Au menu, pas mal de vannes, de la bonne humeur mais du fond, aussi. Ou quand le dialogue l’emporte sur les divergences idéologiques.

Merci de partager cette vidéo si elle vous plaît !




Depardieu : après l’émotion, bilan d’une éviction

« On passe du siècle des Lumières au siècle des ténèbres ». Voilà ce que dénonçait Me Hayat, spécialiste du phénomène « #MeToo », lors d’une émission d’Infrarouge de janvier consacrée à la déprogrammation de Gérard Depardieu. Plusieurs acteurs du monde culturel ainsi que le directeur de la RTS lui-même, M. Pascal Crittin, se trouvaient autour de la table.

Pour rappeler le contexte, le service public suisse venait de renoncer à diffuser un film avec Depardieu (à savoir Maison de retraite, 2022) en conséquence d’un Complément d’enquête diffusé le 7 décembre sur la chaîne France 2. Il ne s’agissait en aucun cas d’une sanction prononcée à la suite des accusations de viols et de harcèlement qui pèsent sur le comédien depuis belle lurette – sujet qui ne sera d’ailleurs pas traité dans cette chronique – mais bien d’une réaction au travail des journalistes de France 2. Lors du débat, Pascal Crittin avait soutenu que cette décision ne constituait pourtant « ni un acte de censure, ni un acte de procureur ».

Le visuel de l’émission consacrée par la RTS à sa propre décision « d’annuler » l’acteur.

Retirer un film d’une chaîne du service public suggérait le contraire. Après tout, cette sentence allait entraîner des conséquences importantes dans la mesure où elle rendrait une œuvre inaccessible aux spectateurs, une fois « retirée du menu ». Alors pourquoi une telle déclaration ? En fait, il s’agit de ce qu’on appelle une « prolepse », à savoir une figure rhétorique qui consiste à réfuter à l’avance une objection possible. Dans ce cas, elle visait à clore le débat d’une part, mais sans doute aussi à se donner bonne conscience.

À l’origine de la sanction, des suppositions

Si le procureur porte les accusations durant un procès, force est de constater que la RTS a agi de même, sanctionnant Gérard Depardieu en amont d’une réelle décision de justice. Malgré les dénégations de M. Crittin, empêcher la diffusion d’un film après un reportage constituait de fait une prise de position : une telle politique supposait que les accusations de France 2 étaient honnêtes – ce qui ne semble nullement évident à la lumière des accusations de l’avocat français Jérémie Assous. La parole de cet homme de loi n’est pourtant pas sans importance puisqu’il s’agit du représentant de Yann Moix, auteur des images utilisées dans le reportage de Complément d’enquête. De quel droit une chaîne comme la RTS peut-elle décréter qu’il divague ? Il faut ajouter à cette réfutation une tribune signée par la famille de l’acteur, publiée le 17 décembre dans le Journal du Dimanche. Ce texte évoquait un « montage frauduleux ». Selon son entourage, Depardieu n’aurait par exemple jamais fait d’allusions sexuelles à propos d’une fillette, comme l’indiquaient les journalistes. Qui dit vrai, qui dit faux ? Il ne nous appartient pas d’en juger, même avec le recul. Reste que la déprogrammation de Depardieu de la RTS n’apparaît toujours pas comme « acte de neutralité » ou de « réserve », même des mois plus tard.

Lors du débat d’Infrarouge, le comédien et metteur en scène suisse Matthieu Béguelin soulevait un autre aspect qui mérite notre attention : diffuser un film, rappelait-il, ne signifie nullement cautionner le mauvais comportement d’un comédien donné. Comment une chaîne de télévision pourrait-elle avoir cette ambition, d’ailleurs, à moins de mener une enquête de moralité concernant toutes les personnes impliquées dans des œuvres collectives ?

Le statut de l’œuvre en question

En fait, l’œuvre d’art, une fois créée, prend en quelque sorte son indépendance et acquiert une existence distincte du créateur. Il serait en conséquence inapproprié de faire subir au travail de l’artiste les fruits de son comportement ; personne n’imagine retirer les toiles du peintre Caravage des musées à cause de son parcours meurtrier. De plus, le cinéma possède une caractéristique qui le distingue d’autres formes de création : il est éminemment collectif. Comme le rappelle l’historien américain du cinéma David Bordwell, un film doit être produit. Cela signifie que plusieurs personnes, en plus du réalisateur, interviennent au cours du processus de création qui se parachève par la sortie du film au cinéma. De fait, la production d’un long-métrage débute avec l’écriture du scénario. Au vu de la multitude d’acteurs concernés, est-il juste de tous les sanctionner ? Imaginerait-on concrètement voir disparaître le film J’accuse du palmarès des Césars en 2020 en raison du crime que Polanski a commis durant les années 1970 ? Ou être témoin d’un retrait du travail de Tarantino, car souvent produit par Harvey Weinstein, violeur en série ?

Rôles secondaires et présence à l’écran

Sur ce point, la RTS explique son raisonnement de la manière suivante (voir notre entretien en annexe) : si un comédien joue un rôle important dans un film donné (ex. : Maison de retraite), alors le film doit être déprogrammé en cas de comportement répréhensible. En revanche, si le rôle n’est que secondaire (ex. : Illusions perdues, 2021, qui a bel et bien été diffusé), le film est maintenu. Un tel choix éditorial a de quoi étonner. En effet, si le but de la démarche est de protéger la sensibilité d’une partie du public en ne « faisant pas entrer Depardieu dans les salons à Noël » (comme l’a expliqué M. Crittin), comment expliquer de manière cohérente le maintien d’un autre film avec le même comédien pendant la même période des fêtes ? Une explication fondée sur le simple temps de présence à l’écran peine à convaincre. Par exemple, dans le fameux long-métrage Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola, le colonel Kurtz (magistralement interprété par Marlon Brando) s’avère être un des personnages centraux du film malgré ses rares apparitions. C’est effectivement pour se lancer à sa recherche que le capitaine Willard (joué par Martin Sheen) entame une longue traversée de la jungle vietnamienne. Même sans directement se manifester à l’écran, le personnage de Kurtz est central dans l’histoire du film.

Au cours du débat d’Infrarouge, plusieurs intervenants ont déclaré qu’on leur prêtait des intentions qu’ils n’avaient nullement. Tel serait le cas de Valérie Vuille, directrice de l’institut suisse décadréE qui affirmait ne jamais avoir fait mention d’effacer ou de brûler des œuvres. Pourtant, la conséquence d’une de ses positions – celle de n’établir aucune distinction entre l’artiste et son œuvre – est de justement censurer (ce qui équivaut à brûler et effacer) le travail d’une personnalité qui poserait un problème dans la vie privée. De la même manière, bien que l’intention de M. Crittin ne soit pas de contribuer à la censure de l’art, la décision de sa chaîne y contribue. On peut bien sûr apprécier que la RTS n’ait jamais fui le débat qu’elle a créé, mais un malaise subsiste. À la lumière des arguments exprimés pour justifier la déprogrammation de Maison de retraite, le service public semble avant tout avoir eu la volonté de se trouver dans « le camp du bien » ; celui des progressistes qui sanctionnent tout artiste au comportement considéré comme inacceptable.

Un public coupé en deux

Le média infantilise son audience en choisissant à sa place le type de contenu auquel il devrait être exposé. La RTS semble aussi favoriser une certaine partie du public au détriment d’une autre. Bien que saluée par le conseiller national Les Verts Nicolas Walder dans Le Temps, la décision de donner la priorité à un certain segment des spectateurs est délétère : une telle stratégie de communication risque en réalité surtout d’en aliéner la majorité. Pour finir, il convient de rappeler les inquiétudes exprimées par Me Hayat durant le débat d’Infrarouge. Selon elle, le mouvement « #MeToo » contourne l’espace judiciaire pour condamner des individus, et ce au mépris des principes juridiques fondamentaux suivants : la prescription ainsi que la présomption d’innocence. Bien que la décision de la RTS ne soit pas la conséquence des accusations de viols qui pèsent sur Gérard Depardieu, il est difficile de ne pas relever son aspect « justicier », comme si la chaîne souhaitait s’ériger en véritable « tribunal médiatique ». La déprogrammation de ses films contribuera probablement à la banalisation d’« exécutions publiques iniques ».

La déprogrammation de ce film est à l’origine
d’une tempête médiatique pour la RTS.

Les explications de Marco Ferrara, porte-parole de la RTS

La position de la RTS reste celle étayée durant la période des Fêtes. Notre directeur, Pascal Crittin, en a fourni une explication complète et détaillée lors de l’émission Infrarouge du 10 janvier 2024.

Programmer un contenu ou le remplacer en fonction de son adéquation au contexte fait partie du quotidien de chaque média. Lorsque nous pressentons qu’une partie du public pourrait se sentir heurtée par une œuvre ou une personnalité jusque-là acceptée, nous écartons celle-ci de notre programmation, ne serait-ce que de manière momentanée. Ce type de choix intervient fréquemment pour toute sorte de programmes. Exemples : ce fut le cas avec Pierre Palmade à la suite de l’accident mortel où il a été impliqué, mais aussi avec un documentaire sur un religieux du Proche-Orient mis de côté, car le contexte avait changé lors de l’éclatement de la guerre à Gaza.

Nous touchons un très large public et devons donc tenir compte de toutes les sensibilités. Dans le cas de Depardieu, après la vague émotionnelle constatée autour de cet acteur depuis le reportage de France 2, nous avons décidé de ne pas ajouter de heurt ni de choc émotionnel pour une partie de la population. Et nous savons que dans de telles situations, quelle que soit l’option retenue (diffuser ou ne pas diffuser), nous serons critiqués par une partie du public. Pascal Crittin a aussi indiqué humblement qu’il n’y a pas de science exacte en la matière et cette difficulté fait justement partie du métier de programmateur.

Il n’y a aucune censure ni aucune atteinte à la présomption d’innocence, pour deux raisons : d’abord parce que nous n’avons effectué aucune déprogrammation lorsque les premières accusations de viol ont été portées contre Gérard Depardieu ; ensuite, parce que nous maintenons sur Play RTS nos émissions avec Gérard Depardieu dont de nombreuses interviews, pour celles et ceux voulant les visionner en toute liberté de choix. À l’antenne, nous diffusons des films où il n’a qu’un rôle secondaire et ne mettons de côté que les films le valorisant en rôle principal. Ce choix a été motivé par la teneur des propos de Gérard Depardieu, qui sont directement arrivés dans les foyers via les images révélées par France 2 et face auxquels aucune télévision n’est restée inerte, que ce soit la RTS en Suisse, la RTBF en Belgique, France Télévisions et même les grandes chaînes françaises privées.

Tenir un rôle principal suppose une importante responsabilité pour l’acteur concerné face à toute l’équipe du film, pendant et après le tournage : ce ne sont pas les chaînes de télévision francophones qui décrètent cet état de fait, mais le public, qui désormais se manifeste lorsqu’une situation le heurte, comme ce fut le cas avec l’émoi généré par les propos de l’acteur. La problématique n’est pas comparable aux films de Quentin Tarantino produits par Harvey Weinstein, car ce dernier n’y tient pas de rôle valorisant sa présence à l’écran.




Quand PostFinance se prend les pieds dans le tapis du #MeToo

« Nous tutoyons sur les médias afin d’assurer une relation d’égal à égal avec les utilisateurs et de nous adapter aux usages des médias sociaux. » 

Voilà ce que s’est vu répondre, à la fin du mois de février, un internaute peu enthousiasmé par le nouveau style de communication de PostFinance sur X (Ex-Twitter). « Nivellement par le bas et rabaissement de vos clients », devait alors tonner un autre internaute, devant une habitude du tutoiement qui ne passe pas toujours bien en terres suisses romandes.

Un positionnement frais et moderne

A l’origine de ces discussions, la présentation du nouveau logo de l’organisme financier, datant du 25 février : « Deux quarts de cercle aux lignes dynamiques, qui offrent ensemble une interprétation stylisée de la croix suisse », d’après la communication officielle sortie pour l’occasion. Une communication, surtout, qui affirmait le nouveau positionnement de la marque, présenté comme « frais et moderne ».

Une nouvelle identité et de nouvelles audaces

Frais et moderne, le style de la maison l’est assurément. Pour se montrer à la page jusqu’au bout, PostFinance s’engage même depuis plusieurs années « pour une coopération fructueuse entre les genres en Suisse » avec une série d’événements au doux nom de « RealTalk ».

mais peut-être un peu trop frais

Seul problème, une manifestation du nouveau style « frais et moderne » (on ne s’en lasse pas) de la marque semble tout de même en contradiction manifeste avec cet engagement pour l’égalité.

Le voici:

Pas complètement raccord avec le féminisme de la maison.
Niveau féminisme, on fait mieux.

Le 26 février, le compte X de PostFinance a ainsi publié un mème internet bien connu qui montre un jeune homme, accompagné de sa conjointe horrifiée, se retourner pour dévorer du regard une autre passante. L’objectif : nous inciter à investir dans la cryptomonnaie grâce à ses services.

Un homme qui jette un regard appuyé à une femme, semblant même la siffler : tiens, mais voilà qui n’entrerait pas par hasard dans la description du harcèlement de rue ? La Ville de Lausanne, dans son combat contre le phénomène, mentionne en tout cas ces éléments comme des manifestations caractéristiques. 

« Une publication aux relents sexistes et à la toxicité masculine avérée »

Pour en être certains, nous avons posé la question à un juriste de l’association Le Peuple. Il décrit, ironique, « une publication aux relents sexistes et à la toxicité masculine avérée. Peu dans l’air du temps à tout le moins… » Et de rappeler que « le harcèlement, a fortiori de rue, reste en droit suisse, un ovni mal défini et ne faisant pas encore l’objet d’une infraction pénale en tant que telle. »

Marche arrière chez PostFinance

Chez PostFinance, on tente de donner du sens à ce grand écart entre blagounette manquée et féminisme affirmé. « Cette publication fait partie d’une série de médias sociaux publiée avant et peu après le lancement de l’offre de PostFinance pour le négoce de cryptomonnaies. Pour cette série, des mèmes connus qui circulent déjà depuis longtemps sur Social Media et qui ont créé un certain « buzz » ont été adaptés pour présenter des situations liées aux cryptomonnaies. L’objectif est d’éveiller l’intérêt de la communauté pour l’offre crypto de PostFinance. »

Une autre image utilisée pour encourager le public à se lancer dans la crypto

Reste le sentiment d’avoir peut-être un peu manqué le coche : « Nous comprenons toutefois votre objection selon laquelle le mème transmet une image objectivante du corps féminin. PostFinance attache une grande importance à l’égalité des sexes et est également consciente de ses responsabilités en tant qu’employeur. Il n’est pas dans notre intérêt de contribuer à des stéréotypes à objectiver et nous avons donc décidé de retirer ce courrier avec le mème que vous évoquez. »

Dörte Horn, porte-parole, ne répond en revanche pas explicitement à la question de savoir si cette maladresse s’inscrit pas une volonté de faire « jeune » à tout prix, y compris en tutoyant sur Twitter des gens qui ne le désirent pas forcément. « PostFinance propose des solutions originales autour de l’argent – conçues pour la Suisse. Dans la communication avec nos groupes cibles aussi, nous veillons à avoir une présentation simple, rafraîchissante et d’égal à égal. Cela se reflète également dans la tonalité de notre communication. »

Chère PostFinance, puisque nous communiquons désormais d’égal à égal, sache que tu es pardonnée.




Les étranges audaces de la RTS sur Instagram

On peut trouver bien des manières de désigner la Radio télévision suisse (RTS) : véritable Pravda pour les uns, elle est la garante d’une information de qualité pour les autres, et l’Eldorado de la plupart des journalistes. « Le média romand qui met en lumière la diversité des opinions et des modes de vie d’aujourd’hui », en revanche, est une définition que l’on entend peu.

C’est pourtant celle que l’entreprise s’est choisie sur son compte Instagram généraliste, comptant 88’000 suiveurs et plus de 500 publications. Coexistant avec rtsinfo, rtssport, rtsarchives ou rtsculture, cet espace se distingue avec des contenus étonnants. « Nous sommes tous appelés à devenir des bouddhas », nous indique le premier sujet en ligne à l’heure de l’écriture de cet article (30 novembre 2023). Félicien, dans le second, nous parle d’un problème de verrues qui a transformé sa pratique du sexe anal en véritable calvaire. Nous attendent encore le récit d’une jeune femme au tatouage de nonne sur le mollet, le témoignage d’un adepte du slip thermique ou la riche histoire du thé froid de la Migros. Le tout sans oublier une très conformiste tentative de déconstruction de la masculinité ainsi que le récit d’émancipation d’une princesse de jeux vidéo !

Étrange définition.

« Inspirant et constructif »

A l’évidence, la diversité se porte bien. Mais le rôle de la RTS ne consiste-t-il pas plus à créer de l’unité dans le paysage intellectuel suisse ? N’est-on pas ici en train de fragmenter la population pour en faire une juxtaposition de « tribus » toutes plus cocasses les unes que les autres ? Nous avons posé la question à Christophe Minder, porte-parole de l’entreprise. Il explique que « ce compte Instagram de la RTS se veut au contraire incluant et aussi représentatif que possible de la diversité qui caractérise la Suisse romande. »

Quant au choix de ne parler quasiment que de sujets « sociétaux » sur cet espace, le communicant explique qu’il découle bel et bien des attentes de la population : « Nos choix éditoriaux visent d’abord à répondre aux besoins du public. Le travail de notre équipe stratégique permet d’ajuster en permanence notre offre éditoriale à ces besoins. Par ailleurs ce compte Instagram s’inscrit en complément à l’offre éditoriale de la RTS sur l’ensemble des vecteurs. » Et de préciser : « Nos formats digitaux mettent en lumière des histoires de vie diverses et variées, qui se veulent inspirantes et constructives. »

« Pas avec notre argent »

Président de l’UDC Vaud et totalement acquis à l’idée d’une redevance délestée, Kevin Grangier s’en trouve peut-être inspiré, en effet, mais pas dans le sens où le souhaiterait Christophe Minder : d’abord parce que la RTS n’a pas de mandat de service public sur internet et surtout parce que « l’argent du contribuable n’a pas vocation à y soutenir la diffusion d’une idéologie de centre gauche. » Avec le passage de la redevance de 335 à 200 francs par an, se réjouit-il, la chaîne aura tout loisir de se recentrer sur l’essentiel de sa mission.

Une perspective qui ne déplairait pas à Daniel Hammer, secrétaire général de Médias Suisse : « L’activité de la SSR est actuellement pléthorique sur ses canaux numériques, dénonce ce représentant des éditeurs romands. Ces contenus gratuits créent une distorsion de la concurrence et empêchent les médias privés de lancer des offres payantes en ligne. Elles seraient pourtant indispensables pour répondre à la demande des consommateurs et assurer la survie des médias romands. » Une observation qui prend tout son sens dans le contexte de licenciements massifs qui viennent de marquer la profession.

Pour rappel la SSR, à laquelle appartient la RTS, menace de devoir supprimer 900 postes si la taxe radio-TV passait de 335 à 300 francs, ainsi que le propose le Conseil fédéral pour contrer l’initiative SSR « 200 francs, ça suffit ». Ses mesures sont en consultation jusqu’au 1er février.




Être et avoir été (chez le coiffeur)

Ne pouvant cautionner qu’un festival dans lequel leur bouillie était programmée se tienne à Perpignan – ville tenue par le Rassemblement National –, les rescapés de la new wave ont ainsi menacé de quitter la programmation à moins qu’un nouveau site ne soit trouvé. Dans la langue de leur compte Twitter, ça donne ceci: «[…] Hier soir, le maire RN de Perpignan a tweeté qu’il était heureux d’accueillir le festival. Nous demandons expressément à la direction des Déferlantes de déplacer ce festival dans un autre lieu, faute de quoi nous annulerons notre venue.» Une pression à laquelle n’allaient pas résister les organisateurs, d’autant plus que les épouvantables Louise Attaque menaçaient également de les lâcher.

L’histoire est pleine de rebondissements. Il y a un peu plus d’une trentaine d’années, les artistes occidentaux déferlaient en URSS pour unir les peuples sous la bannière du rock. Pourtant pas le plus humaniste des régimes, le pouvoir soviétique satisfaisait alors le désir de changement de son peuple en accueillant Billy Joel, alors au sommet de sa gloire, puis Bon Jovi ou Metallica. Personne ne reproche aujourd’hui à ces artistes d’avoir fait danser les fantômes des goulags. Mais visiblement, les choses ont un peu changé: c’est dans des cadres inclusifs et bienveillants que des artistes totalement has been consentent désormais à venir prendre leur cachet. Il ne s’agirait en effet pas de faire entonner l’air pénible de L’Aventurier à des festivaliers dont on pourrait imaginer qu’ils ont mal voté.

Alors voilà, Les Déferlantes n’auront pas lieu à Perpignan. Ceux qui aiment la bonne musique autant qu’ils méprisent les baudruches pourront s’en réjouir. Mais l’on attend déjà avec impatience les articles de la presse branchouille qui viendront nous expliquer, d’ici quelques mois, que la vie artistique des villes aux mains de la droite est triste à mourir. RP

Dracula en Sibérie

«Nous revendiquons que nous ne voulons plus en France de milliardaires. Nous voulons une France sans milliardaires.» Voilà les propos très forts tenus par la délicieuse Marine Tondelier, ces derniers jours, lors d’un rassemblement de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale. Mais oui, vous savez, la NUPES, cette coalition qui a absorbé le PS, les communistes et les Verts, chez nos voisins français. Marine Tondelier, elle, est végétarienne, anti-chasse et «très engagée sur les questions sociales», comme on dit. Elle n’aime vraiment pas les très riches, qu’elle appelle les «vampires». Elle n’a pas peur de les déclarer inutiles voire nuisibles, parce que «ce ne sont pas eux qui créent des emplois mais c’est vous, c’est nous». Conseillère municipale, conseillère régionale puis secrétaire nationale de son parti… On se demande combien elle a pu créer d’emplois avec un tel parcours d’apparatchik, mais gageons que ses électeurs fourniront bien des efforts pour la croire quand ils seront sommés de produire de la richesse du fin fond d’un goulag. RP




Et si on «fact-checkait» notre radio d’État ?

31 décembre 2022 – 11h00. Au volant de la voiture, à l’heure de faire quelques commissions en vue du réveillon, j’écoute le journal horaire de la RTS. Le journaliste commence en annonçant le décès du pape émérite Benoît XVI, confirmant ainsi les messages que j’ai reçus dans la dernière demi-heure pour annoncer le rappel à Dieu du pape émérite. Il continue en lisant le résumé de la vie de Joseph Ratzinger. À l’évocation de la résistance au nazisme des catholiques allemands ou encore de son riche héritage théologique, je ne cache pas mon étonnement, constatant alors une certaine justesse de ton, bien rare sur les ondes de la radio d’État lorsqu’il s’agit de sujets religieux. Sans doute les quelques jours d’agonie du pape Benoît XVI auront valu de nombreuses grâces pour l’Église, ainsi que quelques lumières pour le rédacteur du texte destiné à être dégainé au moment du décès!

Cet état de grâce n’allait cependant pas durer. Le naturel revenant au galop, ma satisfaction est rapidement douchée à l’écoute du journal télévisé de 19 h 30 du 4 janvier 2023, veille des funérailles. Le sujet du soir concernant l’actualité vaticane ne fait référence qu’aux supposées luttes d’influence que la mort du prélat allemand pourrait provoquer. D’un côté les «ultra-conservateurs» ne seraient plus tempérés par le pape émérite, n’hésitant plus à entrer en résistance face au pape François; de l’autre côté de l’échiquier ecclésial, le pape François aurait les coudées franches suite à la mort du «conservateur» Benoît XVI. Alors que le corps du Saint-Père est encore exposé à la vénération des 135 000 fidèles venus se recueillir sans cesse du matin au soir depuis trois jours, la télévision suisse imagine un film hollywoodien où il est question de guerres intestines et de potentiels complots.

Le soir de la sépulture, n’attendant plus rien de la RTS à ce sujet, mais espérant apercevoir quelque garde suisse connu ou autre compatriote helvétique au gré d’un reportage, je ne peux m’empêcher de visionner, une nouvelle fois, le journal télévisé. Et durant les trois minutes trente dédiées à la cérémonie présidée par le pape François, la présentatrice aborde la cérémonie sous l’angle de la popularité de Benoît XVI par rapport à son successeur. «Foule bien moins nombreuse que ce qu’avaient prévu les autorités» ou encore «Benoît XVI n’a jamais été très populaire auprès des Romains, et peu nombreux sont les jeunes catholiques qui ont fait le déplacement depuis l’étranger». En tant que catholique «génération Benoît XVI», qui l’a rencontré lors des JMJ de Madrid ou de son dernier Angelus du 24 février 2013, parmi les 200 000 catholiques venus lui dire un dernier au revoir, je suis piqué au vif. Comment peut-on, alors que la sépulture du pape allemand vient tout juste d’être refermée, affirmer que Benoît XVI n’a jamais été populaire, sans bien sûr justifier ces assertions par les moindres chiffres?

Je décide alors de mener ma petite enquête. La première difficulté consiste à retrouver les archives du Bollettino dans les méandres du site du Vatican. Je fais alors une première constatation: les statistiques sur «la participation des fidèles aux audiences et aux rencontres avec le Saint-Père» – titre officiel de la communication annuelle, généralement faite en décembre ou en janvier de l’année suivante – s’arrêtent, sans aucune explication, en 2016. Plus aucune statistique officielle n’est disponible pour l’année 2017 et les années suivantes. Une fois les données compilées, il apparaît clairement que Benoît XVI a joui d’une audience élevée et constante tout au long de son pontificat, du même ordre que celle que connut Jean-Paul II. Passées les deux premières années qui ont suivi son élection au ministère pétrinien, durant lesquelles les fidèles du monde entier, et notamment d’Amérique du Sud, furent particulièrement curieux de découvrir ce nouveau pape extra-européen, le pape François n’attire pas plus les foules que son prédécesseur.

Ainsi, bien que les données analysées n’aient en elles-mêmes aucune portée spirituelle et ne doivent pas servir de prétexte pour juger de la légitimité ou de la qualité d’un pontificat, je regrette que, alors que la presse du monde entier salue la mémoire du bien-aimé pape Benoît XVI, la RTS s’acharne à rabaisser la figure inoubliable que fut celle de Joseph Ratzinger. Plutôt que de comparer le pape démissionnaire au pape régnant, je voudrais proposer à notre télévision suisse de faire un sujet sur l’héritage théologique et sur les nombreux enseignements du pape bénédictin, qui perpétua les enseignements des audiences du mercredi initiées par Jean-Paul II. Je ne peux que conseiller aux lecteurs de relire les audiences générales traitant des grands saints tels que saint Augustin, saint Benoît, saint Paul, sainte Catherine de Sienne ou sainte Hildegarde de Bingen, ainsi que les explications du Credo ou du sacerdoce.

Au journal télévisé du 5 janvier, après le sujet sur les funérailles, la journaliste de la RTS s’interroge sur l’exposition du corps du pape défunt qui aurait créé «un certain malaise». Plus que jamais, notre monde moderne aurait besoin de grands théologiens comme Benoît XVI pour éclairer nos contemporains sur le sens de la vie. Alors que certains journalistes comme Jean-Pierre Denis, ancien directeur du journal La Vie, qui eut des mots très durs à l’encontre de Benoît XVI durant son pontificat, ont avoué avoir été «transformés» par ce pape, la couverture par la RTS de ces journées de deuil pour l’Église catholique a été particulièrement médiocre. Ce mauvais traitement de l’information, relevé de plus en plus souvent par les sphères politiques suisses, risque de contraindre la RTS à entamer une sérieuse remise en question; quitte à devoir à son tour faire face à sa propre disparition…

Nombre de fidèles présents chaque année aux audiences générales, aux audiences spéciales, aux célébrations liturgiques et à l’Angelus de 2000 à 2016 (Source: press.vatican.va)
Nombre de fidèles présents chaque années aux seules audiences générales de 1978 à 2018 (Source: press.vatican.va et agence SIR pour 2018)



Trop c’est trop

L’annonce, fracassante pour le milieu politique biennois, est survenue le 4 décembre par le biais d’une allocution concise débutant par ces mots: «J’ai décidé de remettre le mandat politique que le peuple m’a confié, à la fin de ce mois. Je ne pars pas parce que la Ville n’a pas de budget: j’ai déjà connu deux situations semblables et j’ai trouvé des solutions. Si je me suis décidée à remettre mon mandat, c’est parce que je ne peux plus réaliser la mission pour laquelle j’ai été élue au sein de ce Gouvernement.»

La politicienne, étiquetée Parti Radical Romand (ndlr une émanation francophone du FDP, soit du PLR), a poursuivi en envoyant valser bien des illusions biennoises: «En 2014 et 2016, lorsque les budgets avaient été refusés par le peuple, c’est le centre-droite qui détenait une légère majorité au Parlement et la gauche qui était majoritaire au Gouvernement.»

Un équilibre gouvernemental, précise la démissionnaire, qui n’a pas changé depuis. Mais jusqu’à quand? «Si un seul conseiller municipal de gauche prétend aujourd’hui qu’il ne risque pas sa réélection dans deux ans, il se voile la face. Car le budget 2023 qui a été refusé par le peuple est, à deux millions près, et à une variante près, celui du Gouvernement. Il s’agira pour les conseillers municipaux de gauche de marquer des points dans les semaines à venir, de trouver le moyen d’interpréter le verdict populaire pour ne pas avouer la défaite.» Et Silvia Steidle de condamner une tendance forte à «mettre en place des processus ingérables et se présenter ensuite comme sauveur pour se refaire une image de bon dirigeant.»

Une bureaucratie obèse

Si celle qui vitupère de la sorte n’est certainement pas la représentante d’un anarcho-capitalisme débridé, elle sait parfaitement d’où viennent les problèmes financiers qui rongent la ville depuis plusieurs décennies: de la bureaucratie. Elle n’y va d’ailleurs pas de main morte pour dénoncer cet empilement de temps perdu et d’argent mal dépensé: «Aujourd’hui on n’apprend rien des erreurs, on ne tire pas les conclusions du 27 novembre (ndlr date du refus populaire du budget 2023). La priorité n’est pas de gouverner mais de laisser le Parlement se charger de la tâche d’établir le budget. Quant au Gouvernement, il organise les séances, fait des notices de séances et comptabilise les décisions. Ce n’est pas ainsi que je comprends mon rôle. Le peuple ne m’a pas élue pour mes compétences de comptable ou de secrétaire. Je vois mes priorités ailleurs que dans la réécriture des stratégies financières.» Motif d’agacement suprême, la multiplication des rapports, des commissions qui annulent des décisions de sous-commissions, bref, de «la pure bureaucratie.» Un problème identifié par Mario Cortesi, l’éditorialiste du journal local Biel-Bienne: «Avec leurs œillères idéologiques, des parlementaires plus loquaces que réfléchis ont pris les rênes de la politique et rendent impossible la collaboration constructive d’autrefois, ils ne sont prêts à faire des compromis que s’ils leur sont utiles. (…) Le pénible débat sur le budget a clairement montré que les politiciens n’empruntent plus que la voie qui leur apporte un avantage personnel ou à leur entourage.» On rappelle en passant que, au milieu de toutes ces ambitions, l’endettement de Bienne se rapproche à grands pas du milliard.

Pour conclure, Silvia Steidle met en garde son remplaçant: «Ceci n’est pas ma campagne électorale, ceci est ma démission. Elle se veut aussi recommandation à celle ou celui qui me succèdera. Lorsque le peuple l’élira, il devra en tenir compte. Et aux futurs candidates et candidats, je ne peux recommander qu’une chose: s’ils n’ont pas les alliances nécessaires, mais uniquement des grandes ambitions, qu’ils renoncent à se présenter.»

Et si l’échec donnait paradoxalement des ambitions?

Désormais, le PRR peut présenter un de ses membres pour remplacer Silvia Steidle, réélue pour un troisième mandat en septembre 2020. Des noms circulent déjà. Le candidat sera annoncé à la mi-janvier et les citoyens biennois auront trente jours pour récolter un nombre suffisant de signatures si la personne présentée n’est pas à leur convenance.

Malgré l’échec d’un budget qui porte largement sa marque, la gauche pourrait désormais prétendre à prendre la main sur la direction des finances, depuis 2012 entre les mains du centre-droit. On imagine toutefois assez mal Glenda Gonzalez (PS), actuelle directrice de la culture, de la formation et du sport, ou Lena Frank (Les Verts), directrice des travaux publics, de l’énergie et de l’environnement, abandonner des postes qui sont chasse gardée depuis dix ans. Reste Beat Feurer (UDC), qui, avant de rejoindre le Conseil municipal en 2012, était expert fiscal et enseignant de droit fiscal. Bienne a désormais pour horizon une situation bloquée ou alors un total renversement des philosophies exercées au sein des différentes directions.

La ville de Bienne vient d’annoncer que la nouvelle version du budget 2023 sera soumise à la votation populaire le 7 mai prochain. Mais avant cela, ces nouveaux chiffres vont faire l’objet de débats que l’on imagine déjà bien compliqués, et volontiers stériles, au Conseil de ville, à la fin mars.




L’étrange dépliant de la fondation Profa

Vous n’avez peut-être, voire sans doute, jamais entendu parler de la catégorie des personnes «genderqueer» ou de celles des «bigender». Pourtant, pour peu que vous ayez chez vous des enfants en âge (dès 6-7 ans) de suivre des cours d’éducation sexuelle au sein de l’école publique vaudoise, ces deux notions figurent dans un document récemment reçu à la maison. Pour ceux qui ne seraient pas au courant des derniers développements de la doctrine, voici ce qu’elles signifient. La première catégorie représente les personnes dont l’identité de genre sort du «schéma binaire homme/femme», explique la fondation PROFA. Quant à la seconde, elle représente les individus dont l’identité de genre «correspond à deux genres concomitants ou alternants». Les logos de ces deux nouvelles classes figurent sur la première page du dépliant, sous la forme d’un astérisque accolé à un cercle, ou d’une juxtaposition, sur ce même cercle, des symboles de la masculinité ainsi que du beau sexe.

Une information objective

Dans son dépliant, mis à disposition depuis mars, la fondation PROFA explique qu’elle dispense aux 40’000 élèves du canton de Vaud «une information objective, scientifiquement correcte, sur tous les aspects de la sexualité.» Cette dernière intervient «en complément à l’éducation donnée par les parents dans le domaine affectif et sexuel». Une ligne réaffirmée dans les réponses aux interrogations du Peuple: «Notre service a pour mission d’apporter aux élèves des messages d’information et de prévention, au plus près de leurs besoins, adaptés à leur âge, leur développement, et de communiquer des informations appropriées en regard des recherches actuelles, de la littérature scientifique, et basées sur les droits sexuels.» Pour expliquer l’introduction de catégories jusqu’ici peu habituelles, comme les personnes aux «genres concomitants» par exemple, PROFA invoque les besoins de la prévention: «En Suisse aussi, les personnes issues de la diversité LGBT font l’objet de discrimination, de stigmatisation et de violence. Il est important que ces jeunes, parfois en train de découvrir leur orientation sexuelle et affective / leur identité de genre, puissent renforcer leur estime de soi et recevoir des informations fiables», nous répond-on par écrit. Et de fait, confirme la fondation, la diversité de genre sera donc effectivement abordée avec les élèves «en tenant compte de leur âge et de leur développement.»

«Didactiquement parlant, si l’on voulait fabriquer du trouble, on ne s’y prendrait pas autrement.»

Un cadre de l’école vaudoise

Cette volonté d’aller au plus profond de la diversité ne séduit guère un cadre de l’école vaudoise: «Je suis surpris de la manière parfois prosélyte dont certaines associations, cautionnées par des services étatiques, viennent introduire des notions de doute chez les enfants concernant des questions qui ne leur viendraient même pas à l’esprit, pour la plupart», fulmine-t-il. Et d’ajouter: «Ces intervenants, externes au monde de la pédagogie enseignante, sont souvent bien plus que de simples «spécialistes»: certains adoptent parfois une posture militante dont le fond du message consiste à dire aux écoliers que s’ils se questionnent au sujet de leur identité de genre, c’est qu’ils appartiennent déjà à quelque minorité sexuelle. Didactiquement parlant, si l’on voulait fabriquer du trouble, on ne s’y prendrait pas autrement et je doute que ce soit dans l’intérêt du développement des enfants.»

Pour ce responsable d’institution de formation, l’école vaudoise reste lourdement marquée par le passage à sa tête de certaines personnalités politiques et de leur idéologie: «Suivant les courants, tel cadre politique, avec plus ou moins d’autoritarisme, souhaite se montrer avant-gardiste en surfant sur les courants sociaux du moment. Ainsi, dans une intention initiale louable de lutter contre le harcèlement, nous avons vu différents «experts» arriver dans le panorama de l’instruction publique. En y regardant de plus près, on se rend compte que ces personnes sont bien souvent des promoteurs et militants de la diversité des genres.» Dans un contexte de changement récent de ministre de tutelle, de la socialiste Cesla Amarelle au PLR Frédéric Borloz, notre interlocuteur relève des fluctuations dans la force de ces tendances. «Reste que sur le terrain, nous sommes ballottés de quinquennat en quinquennat à propos de réalités qui, paradoxalement, font partie des invariants de la nature humaine.»

Symboles «genderqueer», à gauche du ballon de basket, ou «bigender», en haut à droite, apportent une coloration très particulière à ce dépliant destiné aux parents d’élèves de 6 à 15 ans. La notion de «respect de soi, des autres, des différences et des limites» intervient dès l’âge de 9-10 ans d’après les explications de la page 2 (à droite). A relever que les différentes notions, telles que les genres ressentis, non binaires et autres, s’inscrivent dans une volonté de présenter une «information objective» et «scientifiquement correcte». Une question qui ne manquera pas de souligner la possible contradiction entre cours de biologie et catéchisme progressiste. Profa

Le canton se défend

N’est-on pas en train d’aller trop loin, comme le craint ce pédagogue? Nous avons posé la question au Département de l’enseignement et de la formation professionnelle, qui a validé le dépliant. Ce dernier commence par nous rappeler le cadre suivant: le service d’éducation sexuelle de la fondation PROFA dispense les cours d’éducation sexuelle auprès des élèves de la scolarité obligatoire du canton de Vaud, sur mandat du Canton, sous l’égide de l’Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire. L’éducation sexuelle fait partie des politiques publiques de santé et d’éducation. «Sur la présence des pictogrammes que vous pointez, nous pouvons ajouter qu’ils contribuent à des objectifs de prévention qui sont dans la Loi sur l’enseignement obligatoire du 7 juin 2011 et plus précisément son Règlement d’application», explique son responsable de la communication, Julien Schekter. Il cite à l’appui deux articles. Le premier dispose que «le département soutient, par l’information et la communication, des actions visant à réduire les inégalités, notamment celles liées à l’origine sociale ou ethnique des élèves ou à leur orientation sexuelle». Quant au second, il exige que «les élèves développent une attitude constructive et respectueuse d’autrui. Ils s’abstiennent de tout acte de violence physique, verbale, psychologique ou à caractère raciste, sexiste ou homophobe, de même que de tout propos méprisant se rapportant à l’apparence physique ou à l’appartenance sociale, religieuse ou ethnique des autres élèves, des adultes qui les entourent, ou de toute autre personne». Une attitude qu’il faudra donc désormais ajuster au ressenti des personnes qui s’identifient à des réalités parfois peu claires. «Nous pouvons par ailleurs vous indiquer que PROFA remplit son mandat à l’entière satisfaction des autorités cantonales et ce depuis de nombreuses années», conclut Julien Schekter.

Pas certain que ces explications suffisent à apaiser le cadre que nous avons pu contacter à condition de protéger scrupuleusement son anonymat: «Aujourd’hui, comme pédagogue, je me retrouve devant une situation ubuesque: je dois m’assurer de préparer la jeunesse à se sentir appartenir à une société de demain de manière harmonieuse et cohérente et je dois faire cela en promouvant un état d’esprit général qui dit que la plupart des fondements de ce qui nous permet de «faire société» est variable, flou, fluide, relatif. On peut, dit-on aux enfants, devenir tout ce que l’on veut car le sentiment individuel prévaut sur la réalité objective. Comment les aider à se construire dans un tel contexte? Et comment les aider à construire la «maison commune de demain» quand on encourage et valide, dans les faits, la subjectivité de chacun et de tous. J’ai crainte que cela ne soit que le début d’une grande fragmentation de la société.»

Des ados initiés au gode-ceinture:
quand une brochure suisse suscite la colère des parlementaires

Si la brochure de PROFA peut surprendre en introduisant des catégories de «genres» nouvelles auprès des petits Vaudois, une autre fait carrément l’objet d’une dénonciation pénale en raison de son caractère incitatif. Il s’agit de la brochure Hey You, destinée aux écoliers suisses dès douze ans. Réalisée par Santé Sexuelle Suisse – avec le soutien de l’Office fédéral de la santé publique –, cette dernière aborde des thèmes comme l’anulingus, la bonne utilisation des plugs ou des sex toys en général. A l’origine de la plainte contre ce document, l’association Initiative de protection. Le conseiller national PDC Benjamin Roduit est membre de son comité. Pour lui, un même état d’esprit anime les concepteurs de ces différents documents: «La stratégie de ces personnes consiste à dire aux écoliers qu’il est normal de sortir de la norme, mais aussi et surtout qu’ils devraient essayer. Il n’y a même pas besoin d’argumenter quinze ans: nous devons simplement refuser que ces gens, qui nient la distinction entre les sexes, ne touchent à nos enfants.»