Être et avoir été (chez le coiffeur)

Ne pouvant cautionner qu’un festival dans lequel leur bouillie était programmée se tienne à Perpignan – ville tenue par le Rassemblement National –, les rescapés de la new wave ont ainsi menacé de quitter la programmation à moins qu’un nouveau site ne soit trouvé. Dans la langue de leur compte Twitter, ça donne ceci: «[…] Hier soir, le maire RN de Perpignan a tweeté qu’il était heureux d’accueillir le festival. Nous demandons expressément à la direction des Déferlantes de déplacer ce festival dans un autre lieu, faute de quoi nous annulerons notre venue.» Une pression à laquelle n’allaient pas résister les organisateurs, d’autant plus que les épouvantables Louise Attaque menaçaient également de les lâcher.

L’histoire est pleine de rebondissements. Il y a un peu plus d’une trentaine d’années, les artistes occidentaux déferlaient en URSS pour unir les peuples sous la bannière du rock. Pourtant pas le plus humaniste des régimes, le pouvoir soviétique satisfaisait alors le désir de changement de son peuple en accueillant Billy Joel, alors au sommet de sa gloire, puis Bon Jovi ou Metallica. Personne ne reproche aujourd’hui à ces artistes d’avoir fait danser les fantômes des goulags. Mais visiblement, les choses ont un peu changé: c’est dans des cadres inclusifs et bienveillants que des artistes totalement has been consentent désormais à venir prendre leur cachet. Il ne s’agirait en effet pas de faire entonner l’air pénible de L’Aventurier à des festivaliers dont on pourrait imaginer qu’ils ont mal voté.

Alors voilà, Les Déferlantes n’auront pas lieu à Perpignan. Ceux qui aiment la bonne musique autant qu’ils méprisent les baudruches pourront s’en réjouir. Mais l’on attend déjà avec impatience les articles de la presse branchouille qui viendront nous expliquer, d’ici quelques mois, que la vie artistique des villes aux mains de la droite est triste à mourir. RP

Dracula en Sibérie

«Nous revendiquons que nous ne voulons plus en France de milliardaires. Nous voulons une France sans milliardaires.» Voilà les propos très forts tenus par la délicieuse Marine Tondelier, ces derniers jours, lors d’un rassemblement de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale. Mais oui, vous savez, la NUPES, cette coalition qui a absorbé le PS, les communistes et les Verts, chez nos voisins français. Marine Tondelier, elle, est végétarienne, anti-chasse et «très engagée sur les questions sociales», comme on dit. Elle n’aime vraiment pas les très riches, qu’elle appelle les «vampires». Elle n’a pas peur de les déclarer inutiles voire nuisibles, parce que «ce ne sont pas eux qui créent des emplois mais c’est vous, c’est nous». Conseillère municipale, conseillère régionale puis secrétaire nationale de son parti… On se demande combien elle a pu créer d’emplois avec un tel parcours d’apparatchik, mais gageons que ses électeurs fourniront bien des efforts pour la croire quand ils seront sommés de produire de la richesse du fin fond d’un goulag. RP




Les bouddhas se trouvent à notre rayon jardinerie

Quand j’étais gamin, le bouddhisme était cantonné à un rôle marginal. Pour dire les choses de façon abrupte, on y voyait une sorte de doctrine religieuse et philosophique.

Il faut dire que je vivais alors en Ajoie, terre profondément catholique. En matière de religion, la coexistence de plusieurs confessions au sein du christianisme suffisait largement à intriguer nos jeunes esprits. Cadet d’une famille protestante, c’est avec circonspection que j’observais les sanctuaires que mes camarades catholiques fréquentaient et les cérémonies auxquelles ils participaient.
Parmi ces dernières, la procession de l’Assomption, à Porrentruy, constituait un des points forts de l’année liturgique. Les fidèles endimanchés, regroupés par paroisses et chantant l’Ave Maria, partaient du cœur même de la vieille ville et traversaient une grande partie de la localité avant de rejoindre la chapelle Notre-Dame de Lorette. La marée qu’ils formaient était si imposante qu’on avait l’impression que toute l’Ajoie avait rallié le chef-lieu.

Dans un tel contexte, il était normal que le bouddhisme fît l’objet d’une vision réductrice et peinât à exprimer son potentiel; les populations n’étaient tout simplement pas prêtes. L’évolution constatée au cours des soixante dernières années n’en est que plus réjouissante: le bouddhisme s’est maintenant assuré une place enviable dans l’industrie et a acquis un statut de premier plan dans le domaine du lifestyle, où il rivalise avec le vélo électrique et la marche nordique.

Il suffit pour s’en convaincre de pousser la porte d’un magasin d’ameublement ou de se rendre aux rayons jardinerie ou bricolage d’une grande enseigne. Grâce à l’essor spectaculaire du bouddhisme, nous y trouvons désormais toute une gamme d’articles manufacturés propices à la recherche de la paix intérieure et du bien-être. À côté des statues proprement dites, qui peuvent être en pierre volcanique, en céramique ou en résine de synthèse, on note que Bouddha est aussi présent sur des objets utilitaires tels que porte-clés, bougeoirs, diffuseurs d’huiles essentielles ou fontaines d’intérieur. On ne peut que s’en féliciter, car avoir atteint l’éveil pur et parfait n’est pas une raison pour être abandonné toute la journée en position du lotus sous un figuier.

De l’avis général, placer des bouddhas dans son intérieur procure la paix intérieure, favorise un bon sommeil, améliore le feng shui, freine la chute des cheveux et réduit la note de chauffage. Au niveau des morphotypes, on note que les bouddhas minces ont désormais la préférence du grand public; cependant, les bouddhas gras et hilares gardent la faveur des restaurants chinois en raison de leur aptitude à rassurer les clients craignant d’avoir trop peu dans leur assiette.

Il arrive certes que des utilisateurs mal informés forcent un peu sur l’ingrédient. Dans une interview accordée à un grand hebdomadaire romand, un ancien champion sportif, s’étant préalablement défini comme «assez bouddhiste», révélait qu’il avait placé des statues de la divinité dans chaque pièce de sa maison, y compris aux waters. Il s’agit clairement d’un impair, qu’il aurait pu éviter en prenant la peine de consulter un bouddhiste plus aguerri.

La progression du bouddhisme n’est pas le fruit du hasard. Elle se fonde notamment sur une offre en ligne judicieuse et sur la prise en compte des besoins de la clientèle. Une annonce récemment mise en ligne par une enseigne spécialisée dans l’ameublement propose par exemple une statue de Bouddha déclinée dans les tailles S, M et L, coûtant respectivement CHF 39.95, CHF 79.95 et CHF 151.95, l’expédition étant gratuite pour toute commande d’au moins 150 francs. À l’occasion de Black Friday et de Cyber Monday, deux moments-clés du calendrier bouddhique, une autre boutique en ligne offre quant à elle 20% de remise dès l’achat de deux articles. De magnifiques tatouages bouddhiques permettent quant à eux «d’affirmer son attachement à des valeurs fondamentales trop souvent oubliées du monde moderne», comme le relève fort justement une publicité relative à des tatouages temporaires permettant de tester un motif avant de l’adopter définitivement.

Cette approche commerciale dynamique fait peu à peu des émules parmi nos églises. Le mensuel Réformés l’a bien montré en début d’année dans un article intitulé «Oser une offre d’Église orientée vers sa clientèle». Ce texte, qui frappe par sa terminologie novatrice, est consacré aux efforts consentis par l’Église réformée du canton d’Argovie. S’inspirant des pratiques de l’économie, cette dernière, qui se déclare ouverte et compétente en matière de rite, complète son offre de prestations par le lancement du site web leben-feiern.ch. Ce projet vise à repenser l’offre du point de vue du client en permettant aux personnes en demande de rite de s’adresser directement à un ou une prestataire. Il s’agit en définitive de garantir la meilleure expérience-client possible tout en centralisant la facturation des actes. Comme aurait dit Alexandre Vialatte, le progrès fait rage.

Avant de conclure, je tiens encore à rassurer les personnes qui s’inquiéteraient du sort de la procession de Notre-Dame de Lorette: elle a toujours lieu chaque 15 août. Son parcours a été modifié et débute désormais à la hauteur de l’agence Toyota, à quelque 700 mètres de la chapelle. Ce nouveau tracé, qui n’entrave pas l’accès au centre-ville, donne entière satisfaction aux conducteurs de SUV.




La position du démissionnaire

Toujours est-il que le futur ex-conseiller fédéral nous régale ces jours avec des audaces de démissionnaire que nous aurions presque envie de comparer à un cigare dominicain consécutif à une orgie romaine. Déjà peu féru de collégialité durant toute sa carrière, le Zurichois vient de percuter à de multiples reprises le mur du politiquement correct. Tout d’abord en affirmant qu’il souhaitait qu’une femme ou un homme lui succède à Berne, et non pas un «ça». Alors certes, en d’autres temps, personne n’y aurait rien compris. Depuis l’émergence d’artistes «non binaires», femmes à moustache ou hommes peu à l’aise au volant, le message est en revanche beaucoup plus clair. Tellement clair d’ailleurs qu’un «réseau transgenre» (transsexuel c’est plus couteux) a exigé des excuses qu’il n’obtiendra malheureusement pas. On espère que ce courageux collectif s’en remettra, surtout financièrement.

Mais ce bougre de Maurer n’allait pas s’arrêter là. Il lui fallait encore allumer les «indignés permanents», plus à l’aise avec le sexe des anges qu’avec les vraies préoccupations de la population, davantage matérielles. Tant d’audace ne devait évidemment pas échapper à la vigilance du Blick romand, qui nous a gentiment alertés sur les collusions entre UDC et néo-nazis sur fond de stratégie commune anti-LGBT. Rien que ça. Qu’on nous permette ici une hypothèse intermédiaire: et si, même hors des cadres extrémistes, les gens du commun en avaient tout simplement marre de se faire gaver toute l’année par les dernières inventions de bourgeois désœuvrés désireux de s’inventer un destin?

Comme si cette avalanche de bras d’honneur ne suffisait pas, le politicien agrarien vient d’annoncer, horreur suprême, qu’il se rendrait au Qatar pour soutenir l’équipe nationale de football dans le cadre de la Coupe du monde consacrée à cette sinistre activité. Là, malheureusement, on ne peut plus le défendre. Moins à cause des traditions locales en matière de droits de l’Homme (et de la femme) ou d’écologie que pour de bêtes questions de cohérence. Venant d’un bonhomme qui semble se complaire dans la défense d’une vision traditionnelle de la société, pourquoi s’afficher aux côtés de millionnaires à permanentes qui se roulent par terre au moindre contact? RP

Le PS remet le couvert

Après avoir appelé les castors à faire barrage contre la «stremdroate» française lors du duel entre Macron et Le Pen, les socialistes ont sorti leur plus belle plume (et leur meilleur graphiste) pour faire l’éloge de l’élection de Lula, Luiz Inácio Lula da Silva, plus précisément. Le nouveau président du Brésil est félicité par une très nécessaire publication Facebook: «Une victoire pour la démocratie» à côté d’une illustration bien rouge du nouveau chef, poing tendu.

Tant de choses à dire… Premièrement, votre serviteur n’en a que faire de l’élection de X ou Y ou Z. N’y voyez donc pas une crise de rage suite à la défaite du méchant Bolsonaro, loin de là. Ce qui questionne le plumitif que je suis, c’est l’amour démesuré que portent les gens de gauche à tout autre individu de gauche, quelles que soient les casseroles qu’il trimballe. On appelle cela de la solidarité clanique. Et cela mène généralement à des catastrophes en série. Autre gros questionnement, logique cette fois. En quoi l’élection de X (Lula) est-elle plus démocratique que celle de Y (Bolsonaro)? J’appelle tout admirateur de Lula qui nous lit à nous envoyer son explication factuelle, pas émotionnelle. Si celle-ci est convaincante, nous n’hésiterons pas à poser en tutus le poing gauche levé devant un plat de lentilles au tofu, en Une du prochain numéro. Si le courage est au rendez-vous, voici une question subsidiaire, à deux mille points: si un parti de droite avait célébré la victoire démocratique de Bolsonaro, la gauche suisse aurait-elle crié au populisme? FL




Fracture numérique

Commençons par un aveu: je fais encore mes paiements sous forme papier.

À l’intention des personnes qui sont déjà entrées de plain-pied dans le XXIe siècle, je précise que cette marotte consiste à remplir un ordre de paiement, à y joindre ce qu’on appelait naguère des bulletins de versement, et à envoyer le tout à un établissement bancaire, de préférence en courrier A afin que l’enveloppe ne moisisse pas pendant une semaine dans un centre de tri.

Ce préambule vous aura fait deviner que l’introduction de la QR-facture m’a fortement déstabilisé. Le terme est déplaisant: on ne dit pas «orange jus», pourquoi devrait-on dire «QR-facture»? Il suscite en outre dans mon cerveau de boomer une confusion entre la facture proprement dite et le formulaire servant à la régler.

Passant récemment au bureau de poste d’une importante localité du Nord vaudois, j’ai cru bon de poser à ce sujet une question qui me taraudait: le titulaire d’un compte postal peut-il obtenir des formulaires préimprimés – des QR-factures, en somme – qu’il transmettra ensuite aux personnes appelées à lui verser de l’argent?

Bien sûr, je me suis exprimé avec mes mots à moi. Ma scolarité s’est pour l’essentiel déroulée dans les années 60, époque à laquelle l’enseignement du français n’en était encore qu’à ses balbutiements. Toujours est-il est que je n’ai pas réussi à me faire comprendre. La jeune guichetière, visiblement contrariée d’avoir affaire à un débile profond, m’a expliqué qu’il fallait soit «aller sur Internet», ce qui constitue toujours une expérience enrichissante, soit faire le paiement au guichet de la poste, où l’on s’occuperait de tout. Comprenant que ma question avait été mal interprétée, j’ai tenté de la reformuler en insistant sur le fait que l’idée était d’obtenir une réserve de formulaires préimprimés auprès de la poste. La dame m’a répété sa réponse précédente en martelant qu’il fallait bien se mettre dans la tête qu’il n’y avait plus de formulaires papier.

J’ai alors remercié la guichetière avec effusion en la gratifiant de mon sourire le plus niais, puis j’ai pris le volant de ma conduite intérieure pour aller tenter ma chance dans un bureau de poste de la périphérie, alourdissant d’un trajet de 5 km une empreinte carbone déjà consternante.

Et là, la chance m’a souri. Je suis tombé sur une employée d’âge mûr qui m’a expliqué avec un sourire réconfortant que oui, on peut très bien se procurer des formulaires préimprimés au guichet de la poste. Pour 12 fr. 90, on y recevra une série de dix QR-factures munies d’un ingénieux système de perforations. Seul bémol, le caractère légèrement dissuasif du prix, qui avoisine celui d’un bon pinot noir des Côtes de l’Orbe.

Il me reste à vue de nez une quinzaine d’années à vivre. Quelque chose me dit que je n’ai pas fini de poser des questions débiles.




Il fait débloquer les bloqueurs

Car du vice, cet admirateur de Margaret Thatcher n’en manque pas lorsqu’il s’agit de faire débloquer ses adversaires, qu’ils se trouvent dans un conseil communal ou dans les locaux d’une organisation de gauche. Ainsi le petit happening organisé avec ses amis lors d’une soirée de Renovate Switzerland, ces sympathiques éco-anxieux qui aiment à se coller sur les autoroutes pour nous faire comprendre qu’il serait bon d’améliorer l’isolation des bâtiments. Une vérité à laquelle nous n’aurions d’ailleurs jamais accédé sans vegans transformés en post-it sur la route! Bref, le Trump du Nord vaudois, comme d’aucuns l’appelaient du temps où un grabataire n’avait pas encore remplacé un inculte à la Maison blanche, a eu l’idée suivante: transporter une sono et une bouteille de blanc et empêcher les organisateurs de parler à leurs ouailles. «J’aimerais en voir quelques-uns aller faire les travaux qu’ils réclament et arrêter leurs études de bureaucrates, de sociologues et autres formations inutiles et polluantes», tempête le politicien, dont le sens de la mesure prête à des évaluations variées. Et de poursuivre: «Mais aucun d’entre eux n’est prêt à les lâcher car elles leur assurent un confort et un rang social qui passe en réalité bien avant l’urgence climatique.» Amateur de coups d’éclats, le Nord-Vaudois a en tout cas fait mouche, car il paraît que les activistes ont un peu regretté de ne pas avoir pu engager le dialogue. «Une chose qu’eux n’ont jamais faite avec les personnes qui, par leur faute, se sont retrouvées avec des enfants qu’ils ne pouvaient pas aller chercher après le travail». Pas faux. Et oui, on s’excuse, mais on finit ce papier sans avoir donné la parole à Renovate, ce qui est très mal. Mais dans la mesure où ils comptent déjà sur la présence d’apologètes dévoués dans la plupart des médias installés, ils sauront très certainement nous pardonner.




Ma sorcière bien-aimée

La chose ne dérangeait nullement notre héroïne de la lutte contre le patriarcat, puisque son camarade suivait en cela «le protocole du lieu de culte qu’il représentait, à l’intérieur de ce cadre précis» (ndlr la citation est d’origine).
Et effectivement, pourquoi s’énerver devant des comportements tout à fait actuels quand on peut, avec l’ardeur de Maïté devant une oie rôtie aux pommes, s’attaquer à des injustices du Moyen-Age tardif et de la Renaissance? Et l’ardeur, la parlementaire professionnelle n’en manque heureusement pas, comme le prouve son passage le week-end dernier à la RTS, dans Forum, où elle venait plaider pour la reconnaissance officielle des victimes de la chasse aux sorcières, dans la continuité d’un postulat déposé à Berne. Des heures sombres, certes, mais qui ont tout de même l’intérêt de permettre à la gauche woke de sortir une nouvelle catégorie de martyrs de son chapeau pour quémander de l’argent public. A quelles fins, précisément? Mettre en place des «réseaux de chercheurs et de chercheuses», des expositions et des quatre-heures pour les enfants, sans doute.
Mais voilà, il faut toujours qu’un beauf cisgenre s’en mêle et, dans le cas présent, c’est un historien spécialiste de la question qui a mis à mal la belle ambiance du moment. En l’occurrence, Michel Porret, de l’Université de Genève, qui a eu l’audace de démontrer que souvent, les dénonciations découlaient de «crêpages de chignon» entre ces dames et non d’un complot ourdi par les mâles contre le beau sexe. Et d’encourager sa jeune interlocutrice à aller lire quelques livres sur le sujet, aisément disponibles dans n’importe quelle librairie. Aïe. Ultime outrage, une «spécialiste des politiques mémorielles», Brigitte Sion, a fait part de sa légère incrédulité devant le procédé consistant à demander des sous à la collectivité pour très éventuellement développer une idée quant à son utilisation après coup.
Il n’en fallait pas davantage pour que madame Porchet perde sa belle assurance et commence à s’exprimer dans un sabir évoquant davantage le chanteur de Dance Scatman John que Chateaubriand. Qu’elle soit ici rassurée, pour vivre de tels moments d’extase mystique, nombreux seront les salauds de mâles encore disposés à lui permettre de prolonger sa carrière politique d’une trentaine d’années sans avoir jamais à potasser un bouquin d’histoire.

A tombeau ouvert

La scène indé de la Mecque helvétique des punks à chiens, Bienne.

Serait-ce parce que l’un des derniers journalistes qui lui restent est Biennois, toujours est-il que Le Matin ne se lasse pas de soutenir la scène indé de la Mecque helvétique des punks à chiens. Les derniers lecteurs qui lui restent (on se répète, mais c’est une figure de style) ont ainsi eu la joie de découvrir un reportage bouleversant, la semaine dernière, dans le cadre d’une manifestation contre le paquet d’économie «Substance 2030». Le grand tort de ce projet: préserver les grandes institutions artistiques locales – les plus à même d’attirer des spectateurs sans doute – tandis que la culture indépendante, elle, se débattra dans les pires souffrances. On caricature un peu, mais finalement moins que les manifestants qui ont eu le bon goût de défiler avec un cercueil pour la culture (quelle inventivité), de faire porter des panneaux militants à des gamins (quelle audace) et de sortir les drapeaux PS (quelle fidélité), d’après les photos de la «vitamine orange». Un sans-faute qui, certainement, saura convaincre les élus bourgeois de cesser de se doucher pour mieux engager le dialogue avec les preux chevaliers de la divine subvention.




C’est pas “Bros” à voir

Pas pour faire plaisir à une moitié plus ou moins douce, mais pour prouver que vous n’êtes pas homophobes. C’est ce qu’il faut retenir des déclarations de Billy Eichner, scénariste et acteur de la comédie romantique au casting 100% LGBT Bros (22 millions de budget), évidemment encensée par la critique mais qui fait un flop réjouissant au box-office. «Malheureusement, c’est le monde dans lequel nous vivons. Même avec d’élogieuses critiques (…), le public hétérosexuel, surtout dans certaines parties du pays, n’est simplement pas venu voir Bros», pleurniche l’artiste. Visiblement peu disposé à remettre en question la logique marketing d’un produit communautariste destiné au grand public, notre homme préfère jouer la carte du chantage moral: «Tous ceux qui ne sont pas des cinglés homophobes devraient aller voir Bros». Et l’on imagine toutes les daubes mettant en scène Hugh Grant ou Richard Gere qu’il nous faudra bientôt nous farcir pour montrer qu’on n’a rien non plus contre les hétéros. RP

Ta mère la nageuse!

Le monde est quand même bien fait. Tandis que le canton asphyxie certains pour qu’il construisent des toilettes non mixtes dans leur cabane à la montagne (voir page 2), d’autres «dégenrent» à grands frais à Lausanne. 24 heures nous apprend ainsi que le Conseil communal de Boboland a voté un crédit de 3,1 millions de francs pour rénover et rendre «universels» les sanitaires, les vestiaires et les douches de la piscine de Mon-Repos. Des frais importants, certes, mais qu’une ville en situation financière aussi remarquable que la Capitale olympique peut se permettre. Surtout, gageons que ces travaux permettront de créer ce fameux lien social auquel tiennent tant les zélites lausannoises, à l’image de nos chères têtes blondes qui auront tout loisir de comparer les qualités anatomiques de leurs génitrices à la récré. RP

La cause de la quinzaine

Un nouveau (?) révolutionnaire de chez Blick a tenté la provocation dans son article sur l’«afro-véganisme». Toute première phrase: «En plus de filer de l’urticaire aux vieux réacs, qui découvrent ce mot-valise, ce mouvement culinaire va bien au-delà du régime alimentaire…». Effectivement le «vieux réac» que je suis ressens de l’urticaire. Non pas parce que son papier traite d’un mouvement particulier, mais bien parce que l’auteur admet lui-même qu’il utilise un mot-valise. Ou plutôt un mot fourre-tout. Le mot fourre-tout est certainement le mal le plus pernicieux de notre société. Il ne sert à rien, ne veut rien dire, mais véhicule toujours une nouvelle idéologie, une nouvelle mode sociétale. Le mot fourre-tout qui m’irrite le plus, qui me rend même franchement colère? Sobriété. Parions que le nouveau Che Guevara de Blick se fendra tantôt d’un article vantant les bienfaits d’une sobriété (une pauvreté généralisée, en vérité) digne de Fidel Castro devant un magasin de cigares. FL

Il n’y a pas que les savants qui sont fous

Grosse poussée du progrès à Genève où le rectorat de l’université a décidé de changer le nom du bâtiment Uni Carl Vogt, inauguré en 2015. Recommandée par un «groupe de réflexion pluridisciplinaire», cette mesure s’inscrit dans la très nécessaire lutte contre «les thèses détestables sur la hiérarchie des races et l’infériorité du sexe féminin» défendues en son temps (le XIXe siècle) par le naturaliste, dont un buste «fera aussi l’objet d’une réflexion» en concertation avec une ville dont on connaît le goût du marteau piqueur. Alors bien sûr, les esprits grincheux dénoncent les ravages du wokisme, mais c’est parce qu’ils ignorent la poésie future de nos cités. Traverser le boulevard Thomas Wiesel pour rejoindre l’Université Léonore Porchet en dégustant son sandwich vegan sous le monument Massimo Lorenzi, ne nous dites pas que vous n’en rêvez pas? RP




Souriez, vous êtes rééduqués!

Entre militantisme LGBTQIA+, odes à Zelensky et apologie du wokisme, nos con-frères-sœurs-x, enfin nos collègues quoi, ne manquent jamais de beaucoup nous fasciner par leur audace. Leur dernier combat, en faveur de l’interprétation de La Petite Sirène par une actrice afro-américaine, mérite quelques lauriers. «Une Ariel noire vous pose problème, vous êtes raciste!», assène une collaboratrice de «l’Investigative Lab» (c’est le nom qu’ils donnent à leur rédaction, d’ailleurs fort peu métissée). Et l’argumentation de l’autrice du papier ne manque pas de sel: ainsi, parce que Hans Christian Andersen était vraisemblablement homosexuel, réclamer une Ariel conforme à la vision de son auteur n’aurait pas de sens, puisqu’il faudrait dès lors la représenter sous la forme d’un mâle gay. «Cela fait trop longtemps qu’on nous gave avec des princesses blanches auxquelles les petites filles métisses, noires et les autres ne peuvent pas s’identifier», poursuit notre passionaria des causes gagnées d’avance. Une argumentation délicieuse de la part de celle qui, par ailleurs, nous encourage à ne pas attacher la moindre importance à la couleur de peau des personnages!
Il y a plusieurs choses dont, au Peuple, nous ne nous soucions guère: l’épiderme des gens, la sexualité des écrivains et les leçons de morale de jeunes décérébrés, fussent-ils munis d’une carte de presse.

On veut sa retraite à 90 ans!

DR

C’est l’une des stars de cette édition et elle le mérite bien. Quand elle ne compare pas les élus à des tortionnaires nazis, Franziska
Meinherz est en effet capable de poser des questions cruciales. Ainsi, à l’annonce de la fin de carrière d’un ambassadeur de la 5G nommé Roger Federer, l’élue d’extrême-gauche lausannoise s’est fendue d’un message sur les réseaux sociaux demandant pourquoi elle devrait bosser jusqu’à 65 ans, contre 41 ans pour le génie de la balle jaune.
Nous avons la réponse: pour nous faire rêver le plus longtemps possible.

La foire à la saucisse

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Une bonne vieille grève du sexe pour faire les pieds (de porc) aux mangeurs de viande. Voilà la nouvelle proposition de l’organisation PETA, censée défendre les droits des animaux, pour faire face à… on ne sait pas, en fait. Disons pour faire face à la présence du mal dans le monde, pour faire simple. Car les méchants, ceux qui polluent, ont tous un truc en commun: ils aiment les saucisses! Et la PETA allemande d’enfoncer le clou à propos des bienfaits de la chasteté forcée pour les viandards: non seulement elle fera beaucoup souffrir les hétéro-beaufs, mais elle sauvera aussi la planète en économisant 58,6 tonnes de CO2 par an grâce à chaque enfant qui ne naîtra pas. Supprimons le sexe, la viande et les enfants, et le paradis, enfin, reviendra sur terre! La proposition aura au moins ceci de positif qu’elle évitera peut-être que des membres de la PETA se reproduisent.

La blanche colombe est revenue

Twitter

A intervalles réguliers, la francophonie ébahie voit le philosophe (paraît-il) Bernard-Henri Lévy revenir d’un pays en guerre et appeler à ne rien lâcher. Et c’est précieux, car en général, celui qui n’a pas de grandes conceptions géopolitiques peut se servir de la geste du seigneur germanopratin comme boussole pour basculer dans le camp opposé. Cette fois, c’est d’Ukraine que revient notre héros, où il lui a semblé bon de se faire prendre en photo sur une multitude de champs de bataille, la chemise impeccablement blanche et le brushing à l’avenant. Et gageons que les combats n’y étaient pas particulièrement intenses, puisqu’il a survécu. A moins que les Russes aient compris qu’être attaqués par pareille baudruche était tout de même plus agréable que la lecture de ses livres.




Au boulot mesdames!

Ces riches recommandations accompagnaient, dans un entretien à la NZZ am Sonntag, un message de soutien au relèvement de l’âge de la retraite des femmes, sur lequel la population s’exprimera le 25 septembre prochain. Travaillez plus, et plus longtemps, et le bonheur vous ouvrira les bras entre la fin du boulot et les plats prémâchés de l’EMS! A moins de faire un cancer entre-temps.
Alors on ne va pas jouer la lutte des classes quand on aspire essentiellement à boire des bières fraîches sur une plage de Thaïlande, à l’approche du troisième âge. Gageons cependant qu’il est relativement agréable de travailler à 70% quand on passe d’une carrière de haute fonctionnaire à une carrière de directrice de Pro Senectute, comme la Grisonne. Quand on traîne une épicondylite depuis vingt ans, parquée à la caisse d’un grand magasin, c’est parfois plus délicat. Surtout, on comprend mal de quel libéralisme la native de Felsberg se fait l’apôtre. Certainement pas le nôtre, tant le fait de se terrer dans une cabane près d’un lac, comme jadis Henry David Thoreau, nous paraît un destin plus enviable que la soumission aux injonctions de quelque politicien de carrière.

La fraction de seconde de trop

Depuis quelques semaines, difficile d’y échapper: des panneaux en langue inclusive nous invitent, à travers la Suisse romande, à ne pas écraser les «ÉCOLIER-RES». Heureusement, d’ailleurs, parce que sans mention explicite des élèves de sexe féminin, les chauffards avaient la fâcheuse tendance de choisir leurs victimes en fonction de leur sexe… Désormais, plus d’excuse, donc, et tant pis si les automobilistes peu familiers de la novlangue perdent des fractions de secondes précieuses à tenter de déchiffrer ce sabir abscons: au moins ils seront dangereux pour la bonne cause.

La fin de l’abondance s’annonce sympathique

La France est ce beau pays dont le président peut annoncer les mois difficiles à venir, tandis que lui-même fait le zouave sur un jet-ski. Alors pas de haine du succès dans nos rangs: tant mieux si Jupiter peut se détendre entre deux téléphones durant ses vacances. Après tout, un président aussi a le droit de s’amuser. On ne comprend juste pas ce désir de faire ça au milieu de la mer, alors qu’il y a des programmes d’occupation si rigolos (voir ci-dessous) dans les prisons de l’Hexagone.

Dans les prisons de Fresnes, l’ann didou didou d’ann

Les amateurs de chansons bretonnes se souviennent sans doute qu’il fallut jadis une «jeunette» pour délier les pieds d’un prisonnier «dans les prisons de Nantes». Dans celles de Fresnes, c’est plus simple: un «moment d’engagement fraternel» (dixit le directeur des lieux, Jimmy Delliste) suffit. Cet été, la France ébahie a ainsi eu l’occasion de découvrir «Kohlantess», un «Koh-Lanta des cités», organisé entre quatre murs. Au menu de cette déclinaison de la fameuse émission de télé-réalité de TF1, des épreuves comme le karting, le mime ou le tir à la corde au-dessus d’une piscine. Le tout, au lendemain d’une pièce de théâtre mettant en scène le rappeur Stomy Bugsy, qui en son temps prônait le «sacrifice de poulets».
Mais pas de mauvais esprit: le karting pour la réinsertion, pourquoi pas, après tout. On pourrait même imaginer qu’une visite au Grand Prix de Monaco transformerait tout ce joli monde en citoyens modèles. L’ann didou didou d’ann…




BHL s’est coupé les cheveux

Le glamour, malheureusement, survit difficilement au poids des années. Aussi la bien-pensance devait-elle se trouver de nouveaux héros. Ce sera Zelensky, le président en treillis de l’Ukraine martyrisée, et son épouse Elena. La semaine dernière, des photos de la légendaire Annie Leibovitz sont apparues sur les réseaux, prises pour le magazine Vogue. Glamours au possible, elles nous montrent le couple tendrement enlacé à la façon de Jack et Rose sur le ponton du Titanic de James Cameron. Et là, malheureusement, les qualités esthétiques indéniables des clichés ne suffisent pas à dissiper un certain malaise. Voici un homme qui n’a de cesse de demander des sous, des armes et des soldats au monde entier, mais qui de son côté se livre à des mises en scène théâtrales et romantiques pour un média consacré à la mode. Quelque chose cloche, à l’évidence, et ce ne sont pas les réfugiés que nous avons parfois vus traverser nos villes l’air hagard qui nous contrediront.