Une garderie vaudoise renvoie la Fête des Mères aux oubliettes

« Ça me choque. Il n’y a pas un jour qui passe sans qu’on nous lave le cerveau sur les genres. Même la crèche, qui pour moi devrait embrasser le traditionnel, s’y met ». Voici le cri du cœur d’un père en découvrant la décision de la garderie de son enfant, à la mi-mai. Dans un visuel envoyé auxcparents, cette dernière indique qu’elle ne célèbrera plus la fête des Mères ni des Pères car « la famillecd’aujourd’hui n’est plus seulement un papa, une maman et les enfants ». Désormais, la garderie située dans le canton de Vaud célèbrera la famille, car « il existe autant de familles différentes que d’enfants ».

Suprise ! Tandis que nous rediffusions cet article de 2023, voilà que la garderie remet ça pour 2024 !

Le débat n’est pas absolument nouveau. Lié à l’exigence croissante d’inclusivité dans la société, il se propage également à la faveur de l’évolution de la perception des genres. Quitte à parfois faire bondir les critiques, comme cela a récemment été le cas au Québec. Éric Duhaime, chef du parti conservateur, a fait les gros titres en montant au créneau contre une école qui a modifié la traditionnelle célébration en fête des parents. Le sujet s’est aussi invité à l’Assemblée nationale de la province du Canada.

L’évolution des mœurs en direction d’une invisibilisation croissante des mères s’observe aussi largement aux États-Unis où certaines personnes jugent désormais la fête des Mères comme offensante.

Un débat mondial

Mais le débat fait rage également de notre côté de l’Atlantique. En France, depuis 2013, plusieurs établissements scolaires ont cessé de célébrer la fête des Mères. L’année dernière, Marine Le Pen s’en était d’ailleurs insurgée. La célébration est désormais appelée la « fête des gens qu’on aime ». Le ministère de l’Éducation nationale justifie ce choix par « la liberté pédagogique ». Qu’en est-il des écoles en Suisse romande ? Avons-nous découvert un cas isolé ? Nous avons posé ces questions à Gregory Durand, président de la Société pédagogique vaudoise. Il explique qu’« en général dans les classes du canton, quelque chose se fait, sous forme de petit cadeau ou petit poème ». Concernant le choix d’une fête de la famille au détriment de la fête des Mères, Gregory Durand réplique que « l’une n’empêche pas l’autre ». Et de préciser que « s’il existe effectivement des familles différentes, il serait tout de même dommage d’arrêter de célébrer les mères ». Le vrai défi, selon lui, réside dans « l’inclusion de tous ».

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L’urgence climatique à 1km/h

Serait-ce la fin des mains collées au bitume ? Après les nombreuses controverses et la frustration croissante des automobilistes bloqués devant les activistes climatiques englués, voici que Renovate entame des marches dans les villes suisses au rythme de 1km/h. Ce mode d’action a été choisi, explique-t-on, afin d’illustrer la lenteur de notre Gouvernement face à l’urgence climatique. Il a été mis en pratique à Berne, le premier juillet dernier, avec 17 personnes. Depuis, le procédé s’est répété – principalement après la rentrée – et notamment à deux reprises à Lausanne. Pas moins de seize marches sont prévues jusqu’à la mi-octobre, juste avant les élections fédérales, selon le site internet de Renovate.  

Cette nouvelle approche vise à provoquer moins de réactions négatives dans l’opinion publique que les blocages de routes. Par ailleurs, ces récentes mobilisations répondent à un contexte judiciaire particulier. En Allemagne, depuis ce printemps, certains activistes climatiques ont été condamnés par la justice à des peines de prison. Depuis, aucun militant de Renovate ne s’est recollé la main au goudron. Néanmoins, cela ne les a pas empêchés de provoquer des interruptions du Festival de Locarno, de l’European Master de Golf de Crans-Montana ou d’une représentation de la 4ème symphonie de Bruckner à Lucerne. Ils ont également tenté de perturber un important événement d’athlétisme zurichois de la Diamond League, au Stade du Letzigrund mais ont rapidement été interceptés par les agents de sécurité.

Ces marches lentes ne font toujours pas l’unanimité. Elles sont d’ailleurs elles aussi interdites. Marie Seidel, porte-parole de Renovate, ne le dément pas : « 24 heures avant l’action, nous informons la police de notre intention de marcher lentement. Nous ne demandons pas d’autorisation ». Mais que répondent alors les autorités ? « Cela dépend des villes et du tracé de la marche », nous dit la militante, qui poursuit : « Pour le moment, la police a la plupart du temps toléré et facilité la manifestation ».

Une récente marche à Lausanne. (photo: Renovate Switzerland)

Étonnante mansuétude ? Contactée par Le Peuple, la police lausannoise rétorque qu’elle a identifié les personnes participant à la marche lente et les a dénoncées au règlement général de police. Elle a, en outre, encadré la manifestation « afin de garantir la sécurité de toutes et tous et de limiter les perturbations ». Elle va « conserver cette manière de faire », nous annonce-t-elle.

Pourquoi ne pas empêcher cette infraction alors ?

Les groupes de militants sont rarement plus qu’une quinzaine, et certains se demandent dès lors pourquoi la police ne les empêche pas tout bêtement de défiler. La police lausannoise répond simplement qu’elle « évalue chaque situation en fonction des principes de légalité, d’opportunité et de proportionnalité et intervient en conséquence ».

À Sion et à Zurich, deux marches lentes ont cependant été empêchées par les forces de l’ordre, mi-juillet puis mi-septembre. Renovate avait alors tonné dans un communiqué de presse que « la liberté d’expression et la liberté de manifester sont des droits humains fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l’homme ». Le correspondant presse de la police zurichoise justifiait dans le 20 Minutes : « Les activistes ont été informés que cela ne serait pas toléré à cet endroit. Malgré cela, une douzaine de personnes ont gagné la chaussée et les forces de l’ordre sont intervenues ».  Quant au cas valaisan, Marie Seidler déplore que « la police ait empêché une manifestation pacifique de se tenir, en confisquant tout le matériel lors du briefing ».  Il faut toutefois préciser que des marches se sont finalement déroulées dans ces deux villes, en respectant certaines limites. Le commandant de la police régionale à Sion, Bernard Sermier, détaillait ainsi son plan d’action dans 20 Minutes: « On a laissé faire les militants, tout en leur imposant des règles. Et elles ont été suivies ». Un sit-in ou des mains collées sur le bitume, précisait-t-il, « n’auraient pas été tolérés ».  

« Qui s’est occupé des cafés ? » (Crédit photo: Renovate Switzerland)

La droite pas plus convaincue

À droite, le changement d’approche de Renovate Switzerland ne change ni l’appréciation, ni la communication opposées au militantisme catastrophiste écologiste. « Le PLR condamne fermement toute action qui conduit à prendre en otage la population au prétexte qu’une idéologie est plus importante que le respect de la liberté de mouvement », tonne ainsi Marlène Bérard, cheffe de groupe du PLR lausannois. Pour elle, « le fait que ces actions ne regroupent qu’une quinzaine de personnes démontre le manque d’adhésion pour ce type de démarche ». Et de conclure en affirmant que « le PLR encourage toutes celles et ceux qui souhaitent faire évoluer positivement la cause climatique à recourir aux outils démocratiques. Seule une attitude respectueuse de l’ensemble de la population est de nature à faire avancer les choses. »




La paix sociale ? Abaya du souci à se faire

Participation du rappeur Médine aux Universités d’été de la gauche, débats sur la tenue des femmes, laïcité… La France a mal à l’islam, est-ce que la Suisse est menacée par le malaise identitaire ?

C’est une constante chez nos voisins. Chaque fois qu’éclate une nouvelle crise institutionnelle – lorsqu’un président mal aimé montre son intérêt pour un troisième mandat, par exemple – la classe dirigeante retourne aux fondamentaux : taper sur la population musulmane qu’elle importe massivement depuis cinquante ans.

Récemment, des questions vestimentaires ont servi de rampe de lancement. Juste avant la rentrée, le ministre de l’Éducation, Gabriel Attal, a annoncé l’interdiction de l’abaya (robe trop ample et trop islamique au goût des défenseurs de la laïcité) dans les établissements scolaires français. Depuis cette annonce, les passions se déchainent et les camps politiques s’affrontent. Il faut préciser que le terrain avait bien été préparé durant l’été avec la controverse entourant Médine. La gauche française s’était déchirée afin de savoir si ce rappeur musulman, à la plume provocatrice et sujet à de nombreuses polémiques, était un invité légitime de leurs partis aux universités d’été (Voir encadré).

Médine, à gauche, posant avec l’artiste non-binaire Bilal Hassani.

Alors que la polémique en France porte principalement sur le port de l’abaya dans les écoles, en Suisse, ce sont des enjeux aquatiques qui ont suscité un embryon de débat ces dernières semaines. A la fin de l’été, la droite genevoise s’est en effet divisée sur la question du « burkini » dans les piscines du canton. La cause : le Grand Conseil, sur recommandation d’une commission emmenée par un élu de centre-droite, a assez sèchement refusé de remettre en question l’autorisation de porter cet accoutrement. L’UDC Genève a dénoncé dans un communiqué que « le PLR se couche devant l’islamisation de la société ». Le texte précisait que « Face à l’expansion islamique à Genève et en Suisse, la population n’a plus qu’un seul choix : voter pour la seule formation politique qui défende encore les libertés individuelles, fruit précieux de notre héritage civilisationnel. Même abandonnée par les autres formations de droite, l’UDC ne renoncera pas à ce combat ».

Un calme de surface, mais des débats qui montent

En revanche, dans les écoles, calme plat : contacté, l’État de Vaud affirme ne pas avoir recensé de problème lié à l’abaya. Il faut savoir que du côté des élèves, « la LEO (loi sur l’enseignement obligatoire) n’interdit pas le port de signes religieux comme une croix, un voile ou encore une kippa ». En revanche, le canton précise que « le corps enseignant ne porte pas de signes religieux afin de respecter la LEO qui garantit un enseignement neutre du point de vue religieux et politique ». Insuffisant, pour l’écrivaine et chroniqueuse du Peuple Nadine Richon : elle souhaiterait que les « signes religieux ostensibles » ne soient pas admis dans les établissements scolaires, y compris chez les élèves. Au sujet du voile, elle affirme vigoureusement que « c’est faux de n’y voir qu’un simple foulard car les différences sont en réalité criantes ». Elle estime que ce vêtement efface la personnalité des femmes et ajoute que « dans le cadre scolaire, cela crée des différences autant entre filles qu’entre filles et garçons». L’écrivaine explique que l’objectif de l’école est de donner les mêmes conditions à tous et elle précise qu’elle n’est pas non plus favorable au port de l’uniforme qui, selon elle, « gommerait la diversité de notre société ».

https://www.youtube.com/embed/aIChT2ob_3U

Enseignant durant de nombreuses années à Crans-Montana en Valais, et auteur du livre Une année scolaire si ordinaire ou Journal d’une fin de carrière à l’école (chroniqué sur notre chaîne YouTube), Jean-Claude Savoy ne partage pas cet avis. Il se plaît d’ailleurs à rappeler que l’école valaisanne n’est pas laïque. Il juge que « la laïcité créée un vide et qu’elle occulte les valeurs, or les gens ont besoin de valeurs ». Il précise que « des crucifix sont apparents dans les écoles du canton et donc je ne vois pas de problème à ce qu’une fille vienne voilée, pour autant qu’elle suive toutes les leçons figurant sur le plan-horaire ». Il insiste sur la nécessité de la tolérance pour parvenir à vivre ensemble.

Mais le code vestimentaire adéquat n’est pas seulement question de religion. À Lausanne, la vice-présidente du parti socialiste de la ville, Séverine Graff, a récemment déposé une interpellation au Conseil communal. Elle y déplore les règlements de certains établissements scolaires de la capitale olympique. Des tenues décentes y sont demandées et, dans certaines écoles, il est exigé que le ventre et le dos soient couverts. De même que certains interdisent les trainings ou les marcels. Ces règlements sont jugés discriminants par l’élue socialiste. Sollicitée, Séverine Graff a préféré ne pas répondre aux questions du Peuple. Un témoignage un peu désolant de son attachement au pluralisme. De son côté, Jean-Claude Savoy est d’avis que l’école a une certaine image à tenir. Concernant le code vestimentaire, il cite le règlement qui impose une « tenue décente ». Mais où se situe la ligne de partage ? Il répond avoir toujours considéré que les élèves devraient s’habiller pour aller à l’école comme ils le font pour aller chez le médecin.

Le regard d’un admirateur des talibans

Mais comment tous ces débats sont-ils perçus par un musulman conservateur ? Nous avons posé la question à un spin doctor (ndlr faiseur d’opinions) autoproclamé, né en Suisse et qui prône un système islamique dans les pays musulmans. 

S’il juge les polémiques touchant à l’islam « très fréquentes en France », il se dit « heureux de ne pas vivre une telle situation en Suisse ». Il ajoute que « la tranquillité n’a pas de prix », même s’il craint que nous ne prenions la même pente que nos voisins « malgré les différences entre les deux pays ». Et de se projeter : « Imaginez que vous soyez un honnête citoyen, et que tous les deux mois, la politique de votre pays vous tombe dessus, cela me donnerait envie de quitter le pays ». Il met en exergue une rhétorique gouvernementale opportuniste illustrée par les récents propos d’Emmanuel Macron liant la décapitation du professeur Samuel Pathy et le débat sur l’interdiction de l’abaya.

Joram Vuille, rédacteur en chef du site hip-hop RepreZent, propose quant à lui une grille de lecture plus classiquement de gauche : à ses yeux, la politique française semble surtout « sensible aux débats inutiles afin d’éviter d’affronter les vrais défis qui se présentent à elle ».

Invité aux Journées d’été d’Europe Écologie-Les Verts et de LFI, le rappeur du Havre Médine a suscité une grande polémique au sein même de ces partis. Auteur d’un tweet au contenu antisémite, durant l’été, il n’en était pas à son coup d’essai. Était-ce une riche idée de le convier ? Joram Vuille, rédacteur en chef de RepreZent, rétorque : « À l’heure actuelle en France je pense que n’importe qui est plus convaincant à écouter qu’un Mélanchon, mais ce n’est que mon avis. Médine n’est finalement, et je paraphraserai le groupe NTM (ndlr important duo rap des années 90) à leurs débuts, que le haut-parleur d’une génération. À ce titre, il est légitime de l’inviter à participer au débat public ». Et de conclure : « Je ne vais pas le défendre car ce serait en quelque sorte l’accuser, tout ce que je peux vous dire c’est d’écouter son dernier album, de le suivre sur les réseaux sociaux et vous verrez qu’il n’est pas celui que l’on dépeint ».

Max Frei




Découvrez les charmes de Lausanne la camée

Depuis quelques semaines, la visibilité de la toxicomanie est LE sujet brûlant de l’actualité lausannoise, avec la hausse du prix du tempeh dans les bistrots sous-gare. Face à la fronde de la population, la municipalité a décidé de serrer la vis et a mis en place une task force de 42 agents pour mieux gérer la problématique. L’objectif, selon Pierre-Antoine Hildbrand (municipal PLR chargé de la sécurité), consiste à « continuer à lutter contre les dealers », mais aussi à « veiller à ce que les consommateurs ne perturbent pas l’ordre public » (24 Heures du 25 août dernier). Il faut dire que des photos d’enfants jouant à proximité de personnes en train de se shooter avaient suscité un certain émoi chez les Lausannois. Le problème n’est certes pas nouveau, mais il semble empirer. Ne soyons toutefois pas trop catastrophistes : gageons qu’il y a même des touristes que ce spectacle séduit. Le Peuple leur offre une visite guidée.

Folklore local. (MF)

Commençons notre virée au centre-ville. Pas besoin de se balader bien loin, en effet, pour découvrir l’enfer de la drogue. Il suffit de mettre les pieds à la riante place de la Riponne. Si, depuis le début de ce déploiement policier, le nombre de dealers semble avoir légèrement diminué, les toxicomanes restent omniprésents dans ce décor de béton. Expérience pittoresque : il est difficile de traverser les lieux sans que quelqu’un vous demande une pièce dans un murmure souvent incompréhensible. Rebelote lorsque vous voulez vous attabler à la terrasse des différents bars ou restaurants du secteur.

Un nouveau local d’injection comme solution ?

Pour lutter contre ces scènes, la municipalité veut ouvrir un nouveau local d’injection dans le coin, puisque celui du Vallon paraît – on est toujours plus sage après avoir engagé l’argent public – trop éloigné aux yeux de la Muni. Mais pour quoi faire ? Il en existe déjà un, très bien réputé d’ailleurs : les toilettes publiques de la place de la Riponne. En dehors des drogués, des policiers et des malheureux employés de la voirie, ces WC ne reçoivent aucun visiteur. Signe de la convivialité des lieux, les marginaux sont souvent entassés à l’intérieur, si bien qu’une porte entrouverte laisse toujours imaginer le pire. Taches de sang, seringues et pipes à crack recouvrent en général le sol. Un jour, j’ai pu observer une touriste cherchant un endroit pour se soulager : peu sensible aux traditions locales, la dame est aussitôt repartie à pas soutenus. Les toxicomanes, pourtant, ne ménagent pas leurs efforts pour apporter un peu d’animation : on les voit faire ainsi d’innombrables allers-retours entre les toilettes et le « string », leur quartier général. Signe que ce beau spectacle n’est pas près de s’arrêter, il faut noter que le futur local, situé au nord de la place, devrait être ouvert 6 jours sur 7, tôt le matin jusqu’à 21h30, comme si les addictions avaient, elles aussi, un horaire.

Spectacle insolite d’une personne se rendant à l’Espace de consommation sécurisé du Vallon. (MF)

Remontons quelques centaines de mètres. Nous arrivons au Vallon, à deux pas de l’Hôtel de Police. Un quartier plutôt calme, doit-on regretter au premier abord. Pourtant le premier local d’injection de la capitale olympique y est installé depuis quelques années mais peu d’usagers semblent s’y rendre, malgré un accueil aux oignons. D’autres coins de la ville sont privilégiés par les marginaux, notamment ceux où il y a davantage de passage. L’espoir de grapiller quelques sous guide leurs pas, comme la météo les coups d’ailes des cigognes blanches. La Riponne représente évidemment la pointe de l’iceberg, mais il suffit de se promener à Chauderon, à Montbenon ou encore à la gare pour découvrir les diverses déclinaisons du spectacle.

Une cohabitation à envier ?

Malgré leurs charmes indéniables, ces traditions locales ne sont plus du goût de tous. Sans cesse perturbé dans son quotidien, un habitant de la Riponne confie son désir de déménager. Il dit « en avoir vraiment marre de cohabiter avec les toxicomanes », et ajoute : « l’hiver, ils squattent les cages d’escaliers des immeubles pour profiter de la chaleur, et l’été, ils empêchent les habitants de dormir avec les fenêtres ouvertes vu les disputes et les cris qu’ils émettent ». Même son de cloche pour les maraîchers qui n’apprécient pas particulièrement d’installer leurs stands tôt le matin dans un décor parfois très authentique. Certains glissent en outre que la présence imposée des personnes dépendantes diminue leurs chiffres.

Le problème des scènes ouvertes de la drogue n’est pas une absolue nouveauté. Non loin de la place du Tunnel, des seringues trainent aux alentours d’un établissement primaire depuis des années, avec les risques que l’on connaît pour les enfants. Il y a quelques semaines, il m’est arrivé d’y voir un homme en plein shoot, littéralement à vingt mètres du préau. La scène se déroulait à la sortie des cours, devant des enfants visiblement habitués mais pas totalement enchantés pour autant. Malheureusement, ces formes de cohabitation plus ou moins heureuses sont de plus en plus fréquentes à Lausanne.

Si le spectacle de la toxicomanie vous plaît, dépêchez-vous de visiter Lausanne, car la municipalité a décidé de mettre les bouchées doubles. Alors que les autorités ont répété durant des années qu’elles ne pouvaient rien faire pour lutter contre ce fléau, voilà qu’une seule décision politique offre un bol d’air bienvenu pour les commerçants et habitants du coin. Mais pas de précipitation, cette lutte ne devrait durer que quatre mois, à moins d’être prolongée si les résultats obtenus sont jugés insuffisants.

Espérons que le secteur du tourisme saura s’adapter.




Pourquoi Macron se soumet-il devant Elon Musk ?

Choose France. Voilà le nom du sommet annuel, inauguré en 2018 par le président français, consacré à l’attractivité de l’Hexagone sur la scène internationale. Le but est d’encourager les entrepreneurs privés à investir dans son pays et ainsi participer à sa réindustrialisation. Le dernier en date a eu lieu le 15 mai et a réuni plus de 200 chefs de différentes multinationales qui ont fait le déplacement au château de Versailles et à l’Élysée. L’événement a permis au gouvernement français d’obtenir des promesses d’investissements à hauteur de 13 milliards d’euros de la part de Pfizer, Ikea ou encore du fabricant de batteries taiwanais ProLogium. D’heureuses perspectives qui devraient mener à la création de 8000 emplois.

Si l’événement a été particulièrement scruté, la cause principale en est la venue d’Elon Musk. Reçu en véritable star par le gouvernement français, cet homme d’affaires surpuissant possède un véritable empire avec ses entreprises Tesla, SpaceX ou Twitter. Pourtant, l’entrepreneur n’a, pour l’instant, annoncé aucun investissement en France. Pour sa part, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a évoqué des négociations positives qui concernent Tesla. La venue de Musk peut être comprise à l’aune des projets concernant les usines de batteries, éléments indispensables pour ses voitures électriques, qui pourraient être implantées en France.

Qui sert qui ?

Depuis quelques années, les acteurs privés semblent avoir de plus en plus l’ascendant sur les chefs d’État. Musk est omniprésent en politique, et ne crache d’ailleurs pas sur une petite pique contre les wokes de temps en temps. Un récent sondage réalisé par le Harvard Harris Poll place le milliardaire comme personnalité politique préférée des Américains. Ce 24 mai, sur Twitter, il a lancé la campagne présidentielle de Ron DeSantis, gouverneur républicain de Floride. Mais il n’est pas le seul patron à évoluer vers un statut de quasi-rock star. L’influence des GAFAM se renforce même à mesure que de nouveaux chefs d’entreprise émergent avec l’intelligence artificielle. Sam Altman, fondateur de ChatGPT, rencontre lui aussi les politiciens du monde entier afin d’évoquer cette nouvelle technologie. Macron l’a reçu à l’Élysée quelques jours après Musk.

Avec son regard de libéral assumé, Nicolas Jutzet juge que « c’est plutôt un bon signe » si les chefs d’entreprise surpassent les gouvernements, car cela prouve leur « indépendance ». Le co-fondateur du média Liber-thé rappelle d’ailleurs que « c’est l’État qui doit être au service de l’économie et non l’inverse ».

Une séance d’humiliation

Dans le cas de Choose France, il déclare que « ce qui est marquant, c’est qu’Elon Musk a négligé son rendez-vous avec le président français, en arrivant en retard, et en étant mal rasé ». En agissant de la sorte, il démontre que sa rencontre avec les dirigeants français n’était pas un événement important dans son agenda. Les dirigeants français sont « inférieurs » au pouvoir de l’homme le plus riche au monde. Durant le sommet, Bruno Le Maire n’a pas pu s’empêcher de publier un selfie de lui et du milliardaire sur son compte LinkedIn. Cette photo révèle « une proximité inquiétante avec les politiciens ». Celle-ci peut « mener à des privilèges pour certaines grosses entreprises et ainsi nuire à la concurrence ». Néanmoins, cette photo s’apparente surtout à « une tentative un peu grossière de communication », « qui ressemble à un selfie d’un fan avec son idole ». 

Quant à l’impact de l’événement, Nicolas Jutzet relativise. En réalité, « les investisseurs n’attendent pas ce sommet pour prospecter le marché français ». Ils n’ont pas besoin du gouvernement pour « chercher des locaux ou une main-d’œuvre qualifiée par exemple ».  En somme, Choose France est un « coup marketing » d’Emmanuel Macron, selon lui.

Opération séduction

Elon Musk scrute l’actualité française. En janvier dernier, il avait publié un tweet soutenant la position de Macron concernant la très contestée réforme des retraites. Ce soutien de poids, certainement très bien accueilli par le président français, a même été renouvelé en mars lorsqu’il s’est exprimé une nouvelle fois en faveur des changements prônés par le maître de l’Élysée. 

À la suite de son entrevue avec les autorités de l’Hexagone, Musk a déclaré « je ne ferai pas d’annonce aujourd’hui, mais je suis très impressionné par le président Macron et le gouvernement français, à quel point ils sont accueillants pour l’industrie ». Quant à Macron, il a annoncé sur Twitter plusieurs accords avec diverses multinationales. Cependant, l’unique photo postée sur ses réseaux ce jour-là le met en scène avec le patron de Twitter, bien que ce dernier ne participe pas aux investissements pour l’instant. Il ne se gêne d’ailleurs pas pour lui faire les yeux doux : « Avec Elon Musk, nous avons parlé de l’attractivité de la France et des avancées significatives dans les secteurs des véhicules électriques et de l’énergie. De régulation numérique également. Nous avons tant à faire ensemble ».