Notre nouveau numéro est en ligne. Farouchement libre, toujours !
Chers amis, chers abonnés,
Peut-on trouver, dans un même journal, des articles qui défendent les chrétiens, et un entretien où l’on nous explique que le « vrai » christianisme aurait été perverti par les Églises ? Oui, c’est possible, car depuis toujours, nous sommes animés par le goût de la controverse amicale et argumentée. Malheureusement, un article sur une conférence sabotée à Genève vous montrera que cette ouverture d’esprit n’est pas partagée par tous.
Mais qu’importe ! « Haut les cœurs », lance notre édito, et nous sommes ravis de vous proposer ce nouveau numéro, qui contient également nos traditionnelles vacheries de l’Observatoire du progrès, une riche présentation de la figure du Travailleur chez l’écrivain Ernst Jünger, un débat sur les limites de Schengen ou un reportage captivant dans une Bretagne profonde, inquiète et fervente.
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La « fée de l’or vert » a tenu sa promesse de jeunesse
écrit par Le Peuple Info | 15 octobre 2024
On la surnomme « la fée de l’or vert » ou parfois même « la shamane valaisanne »… Germaine Cousin-Zermatten avait presque 100 ans lorsque nous sommes montés la rencontrer en novembre 2023 là-haut sur sa montagne dans son chalet de Saint-Martin (VS) sur les hauts du val d’Hérens. Plus rare encore : malgré cet âge canonique, la sage valaisanne était belle et lumineuse. Belle et lumineuse car, derrière ses rides évoquant un de ces glaciers crevassé vu du ciel, brillait encore un regard joyeux et plein de vie. Pleinement joyeuse. Pleinement ici et maintenant. Pleinement connectée à sa « source » : la nature. Une fontaine de jouvence. Une fontaine de santé surtout dont l’Hérensarde connait bien des secrets. Et plutôt que de les garder pour elle, la nonagénaire a passé 25 ans de sa vie à les connaître en profondeur et à les partager. Pour cette « encyclopédie vivante », ça coulait de source… « Il y a des plantes pour tous les maux ! » assène-t-elle d’emblée.
Cette conviction a commencé à germer un 22 avril 1925. Ce jour-là, Germaine Cousin voit le jour dans le chalet parental de Saint-Martin à quelque 1400 m d’altitude. Elle est la huitième d’une fratrie de quatorze. Son père est gérant de la Coop locale mais aussi un petit paysan. Elle grandit au milieu des poules, des chèvres, des vaches et des plantes, à 20 km à pied du premier médecin mais à deux pas de connaissances ancestrales le remplaçant fichtrement bien. Celles des plantes médicinales et de leurs propriétés. Elle commencera à les découvrir tout naturellement enfant grâce à sa maman Alexandrine et à son grand-père paternel Pierre-Marie. Ce dernier lui enseigne aussi qu’en enlaçant un mélèze ou un sapin dans ses bras, on peut se recharger. La petite fille écoute fascinée et essaie.
Et presque un siècle plus tard, cela fonctionne toujours. « Les anciens avaient conscience qu’en visualisant les énergies terrestres et cosmiques circuler en nous à travers ces arbres, on se nourrissait corps et âme », résume comme une évidence Germaine. Au mayen, elle confesse sentir encore la présence des esprits de la nature. Pour elle, ils sont une évidence comme les anges gardiens, les guides et les ancêtres qui veilleraient sur nous depuis les mondes invisibles… Elle l’explique sans essayer de convaincre mais comme une évidence là encore qui a l’écho de la vérité aux oreilles de ses interlocuteurs.
Un accident fondateur
En 1937, à 12 ans, la vie de la Valaisanne bascule sur la route de l’école où elle se rend en luge sur un chemin muletier. Alors qu’elle file à pleine vitesse, elle se retrouve face à face avec le traineau d’un paysan qui remontait. L’adolescente sort de sa trajectoire et chute lourdement. Le genou de sa camarade s’enfonce de plein fouet dans son dos. Une fois à l’école et le temps de se refroidir, elle ne peut plus marcher. Le médecin qui lui fait passer une radio est formel lorsqu’il déclare à sa mère : « Madame Zermatten, on ne peut rien faire pour votre fille. Elle a un tassement de vertèbres et une fissure à la colonne vertébrale. Elle va rester paralysée. »
« Mais ma mère n’y a pas cru. Moi je pleurais et elle m’a dit : fais-toi pas de souci. Entre le Bon Dieu et moi, on va te sortir de là ! » La matriarche valaisanne prie quotidiennement pour la guérison et frictionne sa fille matin et soir avec la lotion d’arnica, de millepertuis et d’astragale, qui calme l’inflammation et aide à reconstituer les coussinets entre ses vertèbres. « Deux ans après, je n’avais plus mal. Le médecin était estomaqué mais m’a quand même dit que je ne pourrais ni cultiver la terre, ni avoir d’enfant et que je porterai un corset toute ma vie… » Le scientifique aura fort heureusement tort sur toute la ligne ! Germaine Zermatten tire de cette expérience fondatrice une foi profonde « très différente de la religion ». « La foi que je n’avais qu’à demander et que là-haut on m’aiderait ! Et je me suis aussi fait une promesse : que jamais je ne laisserai ce savoir des plantes se perdre » résume-t-elle simplement.
Dans sa jeunesse, la Valaisanne reste un peu atypique au village. Alors qu’avec ses copines, elle va admirer les étoiles filantes un soir après le chapelet hebdomadaire, toutes les autres font le même vœux : celui de trouver un beau et gentil mari. « Moi, j’ai demandé à connaître le monde et j’ai été exaucé notamment car les plantes m’auront fait voyager jusqu’au Burkina Faso et en Haïti, où j’ai eu la chance d’aller partager mes connaissances… » se souvient-elle joyeusement. Jeune femme, Germaine Cousin fut aussi fille de salle du côté de Crans-Montana et en plaine. Et elle partira même une année et demi travailler comme gouvernante en Angleterre. C’est le décès prématuré de sa maman adorée qui la ramènera au pays. Elle s’y mariera finalement à 29 ans avec Jean Cousin (décédé en 2012) un Lausannois qui fit carrière comme secrétaire au Tribunal cantonal. Elle travaille un temps comme hôtelière.
Son fils comme catalyseur
En 1956, arrive leur fils unique Raymond. Elle le soigne exclusivement par les plantes sans jamais le faire vacciner. « Je ne suis pas contre les médicaments mais contre les abus de médicaments. D’ailleurs, je n’en ai aucun chez moi et je n’ai pas vu de médecin depuis presque dix ans. Je préfère soigner la santé que la maladie en faisant de la complémentation estivale et hivernale et des cures automnales et printanières de plantes… » Une fois adulte, Raymond Cousin part faire de l’exploitation minière en Afrique. De là-bas, il joint souvent sa maman pour résoudre ses problèmes de santé et ceux de ses collègues, lesquels sont souvent corsés ! Une fois de retour, surpris par l’efficacité redoutable de ces recettes de grand-mère, il lui dit : « maintenant Maman, tu vas me mettre tout ça par écrit car, quand tu ne seras plus là, je ne saurai plus à qui les demander ! »
Germaine Cousin, qui a déjà la cinquantaine bien tassée, fait mieux que s’exécuter : elle se met à faire patiemment le tour de la vallée pour recueillir et si possible tester sur elle les recettes des anciens. « Ce savoir, jadis très répandu, s’était beaucoup perdu et très rapidement avec l’arrivée de la chimie, dont on ne connaissait pas les effets secondaires. Les gens avaient perdu conscience de la valeur de la tradition… » Une émission de télévision lui donnera un sérieux coups de projecteur. Il s’agit de Téléscope, programme phare de la RTS, qui lui consacre un reportage très remarqué intitulé « La pharmacie des Dieux ». Après sa diffusion, son livre de recette se vend comme des petits pains. Son fils se met à fabriquer les pommades, sirops et lotions dont sa mère donne les recettes en conférence ou en séminaire. Il ira jusqu’à fonder son propre laboratoire et à y fabriquer des hydrolats et des huiles essentielles. Et en 2010, il rachète Santissa, la société de son principal fournisseur.
Sa mère et lui ont aujourd’hui huit livres à leur actif, lesquels ont été republiés dans leur propre maison d’édition. Cette œuvre, compilée en trois volumes, a figure de testament. Aujourd’hui encore, Germaine Cousin enchaîne les conférences et les ateliers. Sa sagesse est très demandée. « Je suis contente de pouvoir aider et ainsi de tenir la promesse que je m’étais faite à l’âge de 16 ans de ne pas laisser mourir ce savoir ancestral des plantes ! » Notre monde qui semble vouloir s’enfoncer dans la folie n’enraye guère son optimisme. « Les gens reviennent aux savoirs ancestraux. Ils sont de plus en plus conscients et je reste donc optimiste ! » La mort ? La « fée de l’or vert » ne la craint pas. « On ne meurt pas. On change seulement de plan et de toute façon, je suis prête pour cela. Prête mais pas pressée. Ça se passera bien de toute façon… »
Ail des ours La feuille et le bulbe de cette plante de la famille des Alliacées ont des propriétés antiseptiques, anthelminthiques, dépuratives, rubéfiantes, hypotenseures et hypolipémiantes. On les utilise en cas de rhumatismes, d’hypertension, de cholestérol, de problèmes gastro-intestinaux. Et ce en teinture, sirop, décoction, jus, cataplasme de pulpe ou essence. Ses feuilles peuvent se préparer en pesto et en soupe ou être utilisées comme épices dans des salades.
Arnica Les feuilles et fleurs de cette plante ont des propriétés antiseptiques, cicatrisantes, désinfectantes, dépuratives et sudorifiques. On les utilise en cas de brûlures d’estomac, d’abcès, de maladies de la peau, de mauvaise circulation, d’empoisonnement, de plaies, de goutte, de rhumatismes, de pneumonie et de tuberculose. Et ce en alcoolat, huile, pommade, teinture mère et tisane à très faible dose.
Bourrache Les feuilles, tiges et fleurs de cette plante ont des propriétés adoucissantes, diurétiques, laxatives, dépuratives et sudorifiques. On les utilise en cas de bronchite, constipation, goutte, grippe, rougeole et soins de la peau. Et ce en alcoolat, bain, huile, pommade, sirop, teinture mère et tisane.
Bourse-à-pasteur Les feuilles, fleurs et graines de cette plante ont des propriétés astringentes, hémostatiques et réduisent l’engorgement. On les utilise en cas de crampes intestinales, de cystite, de diabète, de dysenterie, de gonflement des articulations, de goutte, d’hémorroïdes, de maux de reins, de néphrite, de troubles de la prostate et de varices. Et ce en alcoolat, bain, cataplasme, huile, pommade, teinture mère et tisane.
Consoude Les racines fraîches ou séchées de cette plante ont des propriétés adoucissantes, astringentes et cicatrisantes. On les utilise en cas d’articulations douloureuses, d’entorses et foulures, d’inflammation des muqueuses, de plaies, de rhumatismes et de varices. Et ce en bain, cataplasme, décoction, huile, pommade et poudre.
Dent-de-lion Les racines, feuilles et fleurs de cette plante ont des propriétés antiscorbutiques, apéritives, cholérétiques, dépuratives, diurétiques et laxatives. On les utilise en cas d’albuminurie, de calculs biliaires, de calculs rénaux, de cataracte, de dartre, de dépuration du sang au printemps, de jaunisse et d’oreillons. Et ce en alcoolat, bain, cataplasme, en cuisine, poudre, teinture mère, tisane, vin apéritif et dépuratif.
Un autre libéralisme est-il possible ?
écrit par Le Peuple Info | 15 octobre 2024
Si vous lisez notre journal de de longue date, sans doute aurez-vous remarqué la récurrence d’un thème auquel nous sommes trop peu souvent associés à notre goût : la quête d’un modèle économique à même, selon le socle de valeurs que nous revendiquons depuis nos tout débuts, de garantir « une économie privée garante de prospérité, dans le respect de la Création et du tissu social ». Cette exploration nous a notamment menés chez Hilaire Belloc, héraut du distributisme et chez bien d’autres théoriciens.
C’est dans cet horizon que nous vous proposons de lire cette chronique, sans cacher par ailleurs les liens professionnels qui nous rattachent à la société Innergia via l’activité de la raison individuelle « Pomey Communication ». Mais en quoi la lecture d’un livre d’homme d’affaires, au juste, peut bien résonner avec les préoccupations d’un journal qui revendique une fibre populaire ?
Pendant des décennies, la seule responsabilité sociale des entreprises, pensait-on, consistait à générer des profits immédiats. C’était la vision « amorale » de Milton Friedman, partagée y compris par ceux qui nourrissaient un souci écologique à côté de leur business. On considérait simplement qu’il s’agissait de sphères séparées et on misait sur la philanthropie pour réparer les pots cassés par le capitalisme.
Le retour de la boussole morale
Dans « The New Nature of Business », qui vient de paraître, le vice-président du groupe Roche André Hoffmann propose une vision des affaires qui rompt avec ce modèle. Donnant l’exemple de plusieurs sociétés engagées sur le chemin de la durabilité, celui qui est aussi un environnementaliste passionné montre comment la notion de capital doit être déployée au-delà de sa seule acception financière. C’est ainsi qu’il évoque aussi un capital naturel, social ou humain. Les notions de « boussole morale » ou de « bien commun », jusqu’ici peu prisées des capitaines d’industrie, sont également très présentes pour diriger l’action des sociétés engagées sur le chemin de la prospérité durable.
Au chapitre huit, l’ouvrage présente l’activité de l’entreprise Innergia, basée à Payerne. Active à Rossinière, Henniez ou encore Treytorrens, cette dernière offre une réponse unique à la crise énergétique globale. Les spécificités de son modèle : une valorisation des ressources communales, une collaboration avec les acteurs économiques régionaux et l’implication de la population via la création de coopératives citoyennes. Le tout, de manière 100% autofinancée. Comment ça marche ? Avec la création d’une société privée détenue à 49 % par la commune et à 49 % par une coopérative d’habitants qui permet aux collectivités d’obtenir des emprunts obligataires auprès d’investisseurs institutionnels et de caisses de pension suisses. Pour rendre tout cette transition locale possible, les collectivités apportent une garantie à leur société de Services Industriels Communaux (SIC) qu’elles contrôlent.
Et si, au lieu de refuser le libéralisme de l’extérieur, il n’était pas temps de le transformer de l’intérieur ? Avec Innergia et dans la continuité du travail mené jusqu’ici, nous espérons nous aussi apporter notre pierre à l’édifice de ce nouveau libéralisme coopératif. Puisse-t-il inspirer dans d’autres secteurs en crise, comme la santé par exemple.
« Le christianisme originel a été perverti par les Églises »
écrit par Le Peuple Info | 15 octobre 2024
Il y a des livres dont on n’a d’autant plus de joie à dire du bien que nous ne souscrivons pas à leurs thèses centrales. Ainsi en va-t-il du Plaidoyer pour un renouveau européen, de Martin Bernard, paru ce printemps aux éditions lausannoises BSN Press. Petit essai élégant et agréable, il est également remarquablement sourcé et mérite assurément une ou deux soirées au coin du feu.
Constatant le déclin du continent européen, notre confrère y propose de nouvelles pistes pour échapper à l’omniprésence d’une pensée technique (d’origine essentiellement anglo-saxonne) incapable d’appréhender l’homme dans la totalité de ses facultés. Aux yeux de l’auteur, cependant, ces pistes se trouvent moins dans un retour à la tradition chrétienne que dans une quête ésotérique.
Pourquoi ce choix ? Il nous l’explique dans cet entretien.
Martin Bernard, dans votre essai, vous décrivez une Europe minée spirituellement par l’omniprésence d’une vision mécanique et anglo-saxonne de la science. D’où vient ce constat ?
Il résulte d’une observation impartiale de la réalité des sociétés occidentales modernes, dont les fondements se sont construits, depuis le début du 17e siècle au moins, sur le développement d’une vision du monde mécaniste puis matérialiste portée par les sciences de la nature et la technique. Cette vision du monde a engendré un esprit de conquête tourné vers l’extérieur (la nature, d’autres continents, etc.), dont le néolibéralisme moderne et le transhumanisme ne sont que des avatars récents. Sur ce chemin, la compréhension plus subtile des réalités spirituelles, encore vivante au Moyen-Âge, s’est progressivement perdue. Les élites des pays anglo-saxons ont joué un rôle central dans ces développements en cherchant à concrétiser leurs intérêts particuliers grâce aux puissants moyens fournis par la science et le commerce. L’avènement de ce monde désenchanté a coïncidé avec la déchristianisation de notre civilisation. Pourquoi, dès lors, manifester une telle hostilité envers la religion organisée ?
Je n’ai pas d’hostilité personnelle envers les religions instituées. Je partage le constat que le désenchantement du monde a coïncidé avec l’abandon du religieux en tant que réalité structurant les sociétés occidentales. Il est possible de le déplorer, et je suis le premier à regretter que les digues morales traditionnelles soient abandonnées, mais c’est un fait irrémédiable. Pour celles et ceux qui pensent que l’être humain ne peut survivre sans la conscience qu’il existe une réalité spirituelle structurant la réalité matérielle, deux choix sont possibles : un retour à l’ordre religieux d’antan basé sur le dogme et l’intermédiation (attitude réactionnaire) ou le développement d’une nouvelle approche scientifique permettant d’entrer en contact direct avec les hiérarchies spirituelles décrites dans la tradition chrétienne par Pseudo-Denys l’Aréopagite.
Votre essai puise dans l’histoire intellectuelle de la Renaissance, qui serait le moment où l’humanité est arrivée à un nouveau « stade de maturité » (p. 120) lui permettant de se passer de l’Église. En fin de compte, seriez-vous positiviste ?
Je ne suis pas positiviste au sens d’Auguste Comte, dont la vision évolutive était imprégnée du matérialisme du 19e siècle. En revanche, il me semble indéniable que la conscience humaine évolue, au même titre que la nature évolue, selon ses propres règles et rythmes. Les travaux de Teilhard de Chardin, par exemple, me paraissent très pertinents dans cette optique. A la Renaissance, l’humanité européenne est de toute évidence entrée dans une nouvelle ère de conscience, marquée par le développement d’un individu se définissant en tant que « moi » dans son altérité avec ses semblables et la nature environnante. Il est possible de critiquer les nombreux aspects négatifs de l’individualisme moderne, mais il serait vain d’en nier l’éclosion et les impacts sur les consciences. Je trouve pour ma part plus intéressant d’en circonscrire les aspects positifs, tout en essayant de les porter plus loin. Cette évolution débouche irrémédiablement sur l’état de fait suivant : l’être humain européen ne peut plus, depuis la fin du 19e siècle, se contenter d’une relation intermédiée au spirituel, passant par des dogmes et des commandements moraux imposés de l’extérieur. Les églises chrétiennes, qui étaient à leur place jusqu’à la fin du Moyen-Âge, sont pour cette raison devenues de plus en plus obsolètes. L’église catholique ne s’est maintenue qu’à l’aide d’une radicalisation de ses positions (la Contre-réforme). Il était donc dans l’ordre des choses que son emprise sur la société européenne disparaisse presque entièrement à partir de Vatican II. On a parfois le sentiment que vous forcez le trait à propos de l’opposition entre la foi et la science. Que Newton ait davantage écrit sur la théologie que sur la nature devrait inciter à plus de nuance, non ?
Je trace des lignes de forces sur une tendance générale qui sous-tend le développement de la civilisation européenne depuis la Renaissance, et qu’il est urgent de dépasser. Il est clair que la pensée scientifique moderne (définissant l’accès à la connaissance) a pris racine en opposition à la vie religieuse, qui a été progressivement cantonnée au seul domaine de la croyance et de la foi. C’est au 19e siècle que cette opposition est devenue pleinement réalité. Bien sûr, cela n’a jamais empêché de nombreux scientifiques d’être profondément croyants, ni des religieux d’entreprendre des recherches scientifiques. Mais peu remettaient en question le statu quo, même s’ils y aspiraient parfois.
Vous voulez échapper au paradis froid, mécanique et petit bourgeois de l’homme occidental (p. 47). Pourquoi miser sur l’ésotérisme et l’anthroposophie pour cela ?
Parce que l’anthroposophie, dont les prémisses historiques sont liées aux nombreux courants de l’ésotérisme chrétien, propose une méthode d’investigation scientifique de la réalité spirituelle s’inspirant de l’épistémologie goethéenne, sans renier les meilleurs acquis de la science moderne. Ses nombreuses initiatives pratiques (pédagogie, agriculture, arts, etc.) ont fait leur preuve depuis plus d’un siècle. Elles témoignent de la fertilité de la philosophie qui les sous-tend. La science spirituelle d’orientation anthroposophie permet aussi d’approfondir les révélations du christianisme, leur insufflant un renouveau de compréhension que sont incapables de proposer les églises traditionnelles aujourd’hui. Je mise également sur l’anthroposophie, car son épistémologie se démarque des nombreux courants spiritualistes inspirés de près ou de loin par la tradition orientale (hindouisme et bouddhisme), à la mode aujourd’hui en Occident, ainsi que des nouvelles spiritualités issues de pratiques ancestrales dont l’adaptation aux sociétés européennes ne va pas sans poser de nombreux risques. Vous revalorisez l’intuition et la spontanéité, au point de reprocher à l’État de fixer un cadre éducatif à l’école. Est-ce vraiment ainsi que l’on fera face à la concurrence des scientifiques indiens ou chinois ?
Lorsqu’il est question d’école et d’éducation, il n’y a pas lieu de s’interroger sur la pertinence de faire ou non concurrence aux scientifiques chinois ou indiens. Le but premier de l’école devrait être de permettre aux enfants de développer le plus harmonieusement possible leur personnalité, pas de les faire entrer dans un carcan idéologique aliénant, qui étouffe aspiration et créativité. Or, c’est exactement ce que fait aujourd’hui l’école d’État, à des nuances régionales près (certains pays scandinaves expérimentent un compromis plus acceptable à ce niveau).
Les grandes heures de la sensibilité que vous exprimez ne sont-elles pas déjà derrière nous, en particulier avec le romantisme du 19ème siècle ?
Le romantisme des 18e et 19e siècle est derrière nous. Mais cela ne signifie pas que la sensibilité humaine soit émoussée définitivement. Elle ne demande qu’à réapparaître. Les nombreuses initiatives et impulsions que je cite dans mon livre, visant à réenchanter la science, en sont la preuve. Vous terminez votre essai en appelant l’Occident à se reconnecter avec ses racines. Nous applaudissons, mais les racines en question ne sont-elles pas avant tout chrétiennes ?
Absolument. Les racines de l’Occident sont chrétiennes. Mais le christianisme originel a été perverti par les Églises surtout à partir de la Renaissance où il s’est sclérosé (même chez les Protestants, dont l’impulsion initiale portait pourtant des germes humanistes intéressants). Dit autrement, le christianisme ne se résume pas au credo des Églises instituées. Cette confusion, entretenue par beaucoup, est malheureuse, car la décadence des Églises entraîne avec elle le rejet du christianisme. Malheureusement, les hiérarchies ecclésiales entretiennent cette confusion et s’arc-boutent sur leurs dogmes pour des raisons de pouvoir. Dostoïevski a parfaitement illustré cela dans sa fable du Grand inquisiteur (Les frères Karamazov).
Est-il interdit de ne pas interdire ? La question est abrupte mais n’importe quel Martien ou n’importe quel représentant de lointaine tribu isolée se la poserait certainement s’il mettait le pied dans un pays occidental, ces temps. Sans y comprendre grand-chose, il verrait de bonnes âmes – généralement de gauche, il faut bien le dire – s’acharner à sauver la planète et nos poumons en faisant la chasse aux cigarettes électroniques, aux pubs pour le tabac ou à l’usage de véhicules de type SUV. Puis, à droite, il verrait de jeunes gens pas tout à fait secs derrière les oreilles se présenter – comme Bardella en France – en « bons pères de famille » déterminés à redresser le pays sans n’avoir jamais rien dirigé d’autre qu’un personnage dans un jeu vidéo. D’un bout à l’autre du spectre politique, une même arrogance, une même vanité, une même farce.
Notre visiteur, certainement, se demanderait alors : mais où est passée la fameuse liberté dont ces peuples se gargarisent ? Ils ont un système dont ils sont très fiers : cette fameuse démocratie qu’ils n’hésitent pas à exporter à coups de canon. Mais leurs libertés réelles, qu’en ont-ils fait ? Pourquoi, alors qu’ils se croient au pic de leur civilisation, n’osent-ils même plus dire ce qui leur passe par la tête de peur de perdre leur boulot ? Et pourquoi cet enthousiasme obligatoire parce que leurs enfants peuvent choisir leur genre avant même d’avoir appris à faire leurs lacets ?
Un Dieu, pas de maître
En même temps qu’il est un observatoire d’un progrès en roue libre, ce journal se veut un repère pour les hommes libres. Ce précieux sens de la liberté qui nous anime vient du fait que nous avons encore un Dieu. Oui, un Dieu, et pas de maître. En tout cas pas au sein de cette hyperclasse d’élus censés porter la volonté de leurs électeurs mais qui sont surtout obsédés par l’idée de les rééduquer. Si au moins ils avaient la décence, comme les dictateurs du siècle dernier, de ne pas faire semblant d’être démocrates ! Mais non, il faut encore qu’ils soient doucereux, pédagogues et intéressés par nos ressentis ! Certains lecteurs, nous ne les ignorons pas, puisent leur indépendance à d’autres sources philosophiques que nous mais partagent avec nous ce désir farouche de ne plus subir le catéchisme hygiéniste, légaliste et égalitaire de l’époque.
Jeudi 20 juin à la radio, sur La Première, une étrange chanson est passée aux alentours de 19h50. Interprétée par un groupe suisse nommée WolfWolf (l’anglais étant devenu une langue nationale), elle évoquait complaisamment des usages très étranges de l’eau bénite des catholiques. On y décrivait, dans un blues un peu macabre, des individus s’en servant pour tirer la chasse d’eau, préparer le thé ou arroser les plantes… Cette créativité dans l’outrance, à vrai dire, aurait presque mérité le respect à une période de l’histoire où moquer la religion des chrétiens représentait encore une prise de risques. En des temps moins grotesques que les nôtres, où le nihilisme ne s’apprenait pas encore en garderie à grands coups de Drag Queens Story Hours, peut-être même aurions-nous trouvé tout cela audacieux.
« Paternalisme total d’un côté, régression subventionnée de l’autre », voilà ce que conclurait notre visiteur désabusé. Mais à ceux qui, comme nous, ont gardé le précieux sens de la liberté, nous voulons rappeler la belle devise de la ville d’Yverdon-les-Bains : ce fameux Superna quaerite, inscrit sur le fronton du temple pour nous appeler à « rechercher les choses d’en haut ».
En haut, tout en haut, nous voulons croire qu’il n’y a plus d’élus pour tenter de nous interdire la dégustation de modules cubains. Nous voulons aussi croire qu’il n’y a plus personne pour prétendre nous représenter dans un hémicycle.
Appel à la prière musulmane à l’église : à quand des réponses ?
écrit par Le Peuple Info | 15 octobre 2024
Ce fut un des feuilletons du début du mois de février. À Siviriez et Bulle (Fr) les 2, 3 et 4 février, des représentations ont été données d’une « Messe pour la paix » intitulée « L’homme armé » et composée par Karl Jenkins. Comportant l’Adhan, l’appel à la prière musulmane, ce concert avait généré quelques mois plus tôt une vive émotion en France : « Le texte chanté est en effet en contradiction obvie avec la foi chrétienne et n’avait donc pas sa place dans notre église, même à l’occasion d’un évènement musical », avait même dû déclarer le curé de l’église de la Sainte-Trinité à Paris1, pour calmer les esprits après coup.
En Suisse, un dialogue courtois entre fidèles catholiques et leurs autorités ecclésiales a d’abord été engagé pour éviter des troubles similaires dans le cadre des concerts prévus (avec entrée payante). La solution trouvée : en supprimer le mouvement problématique. Un compromis subitement abandonné après ce que le Temps a qualifié de « rétropédalage » et de « rocambolesque virement de bord », annoncé dans un communiqué. Selon les termes de l’Église catholique à Fribourg, il s’agissait de ne pas se laisser « gouverner par la peur ou la haine » exprimées par les fidèles demandant une application stricte du droit canonique2.
Pour que le débat ne meure pas de sa belle mort, nous reproduisons ici un ensemble de questions adressées à l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, Mgr Charles Morerod, par l’un de nos lecteurs. Des interrogations, exprimées au nom du Collectif des Jeunes et des Familles catholiques romands, pour l’heure restées sans réponses :
« Plutôt que de s’en prendre aux croyants et aux paroissiens concernés, votre service de communication ne pouvait-il pas plutôt donner les précisions qui s’imposent, à savoir qu’il ne s’agit aucunement d’une prière œcuménique ou d’une cérémonie pour la paix, mais bien d’un concert avec une entrée payante ? À la place de cela, votre communiqué ne parle que de manière abusive — hors d’un cadre artistique — de « Messe pour la Paix » et entretient un grave malentendu que la lecture de ce texte est bien loin de dissiper. »
« Pour éviter un […] scandale fallait-il donc, à la fin de la semaine de prière pour l’unité des Chrétiens, lancer cette offensive contre les catholiques de votre diocèse ? Pour éviter le remboursement de places de concerts fallait-il faire passer vos paroissiens pour de dangereux extrémistes menaçants qui, rappelons-le, étaient satisfaits du premier compromis trouvé ? […] Pourquoi dans notre diocèse est-il toujours nécessaire d’évoquer des « menaces » pour discréditer les fidèles qui ne font rien d’autre que de s’inquiéter auprès de leur évêque de l’usage qui est fait des églises ? »
« [Est-il normal] que de tels concerts aient lieu dans nos églises ? Peut-être pourriez-vous profiter de cette polémique pour rappeler les règles les plus élémentaires concernant l’utilisation des lieux de culte sur l’ensemble du territoire de votre diocèse, en adéquation avec le Code de Droit Canonique ? Avez-vous prévu une cérémonie de réparation après cette profanation qui aura lieu en toute connaissance de cause ? Il est encore temps d’éviter cela en précisant qu’il ne s’agit aucunement d’une cérémonie religieuse et en demandant le retrait de cet Adhan qui n’a absolument rien à faire dans une église consacrée.
« Nous aussi, laïcs, nous avons eu à faire face aux moqueries et aux suspicions de la part de nos collègues ou de nos proches lorsque [les] révélations [ndlr sur les affaires d’abus] se succédaient de manière frénétique dans les médias, jour après jour. Devons-nous maintenant subir une sorte de double peine à cause des erreurs de l’Église – que nous aimons, et c’est la raison de ce courrier : d’une part avoir à accepter des scandales qui heurtent notre foi et d’autre part payer les conséquences des fautes de nos pasteurs à cause de notre fidélité ? »
Puissent ces questions, que nous reproduisons avec l’autorisation de l’auteur, déboucher sur un dialogue fécond et sans anathème.
J’ai lu Thaïs d’Escufon, prêtresse droitardée #vidéo
écrit par Le Peuple Info | 15 octobre 2024
Chers amis,
Exercice inhabituel aujourd’hui puisque l’on se plonge dans l’œuvre d’une jeune influenceuse française, très cynique dans l’exploitation de la misère sexuelle des jeunes hommes de droite. Et sans surprise, l’on découvre un oracle (autoproclamé) plus libéral que traditionaliste.
Bon visionnage
Faut-il lire Tesson ? #vidéo
écrit par Le Peuple Info | 15 octobre 2024
Chers amis, chers abonnés,
Notre nouvelle édition est arrivée aujourd’hui chez nous, ainsi que chez bon nombre de nos lecteurs. Nous espérons qu’elle vous plaira.
Avec un peu plus de liberté dans notre programme, il était temps de vous parler d’un auteur abondamment lu par votre serviteur ces dernières années : Sylvain Tesson. Désormais sulfureux, après avoir été encensé, mérite-t-il une telle agitation autour de ses liens supposés avec des milieux radicaux ? Mais surtout, que lire dans son œuvre et quelle esthétique de l’existence en retirer ?
Bon visionnage,
Rage Against The Machine ou la révolte emballée sous vide
écrit par Le Peuple Info | 15 octobre 2024
Chers amis, chers abonnés,
Contenu un peu différent aujourd’hui puisque nous partons sur un terrain musical, après la séparation de Rage Against The Machine, célèbre groupe de rap-rock des années 90.
Pourquoi ? Parce que leur trajectoire nous offre de précieux enseignements sur la manière dont une révolte, lorsqu’elle n’est pas saine, débouche sur le ridicule. Au contraire, par exemple, d’une certaine Antigone…
Bon visionnage, n’oubliez pas de vous abonner à notre chaîne YouTube 100% gratuite et merci de partager ce contenu s’il vous a plu (une journée de travail).
La RTS a-t-elle raison de lâcher Depardieu ?
écrit par Le Peuple Info | 15 octobre 2024
Chers amis, chers abonnés,
Nous nous étions promis quelques jours de pause, mais quand on aime, on ne compte pas. Voici donc notre nouvelle vidéo : elle porte sur la décision de la RTS de ne plus passer de films dont Gérard Depardieu serait la vedette. Bon sens ? Wokisme ? Hypocrisie ? Un mélange de tout ça peut-être.
Bon visionnage, merci de partager ce contenu s’il vous a plu (une journée de travail) et à la semaine prochaine pour notre véritable retour aux affaires.